Offre inacceptable et méconnaissance de la Loi Lang sur le prix des livres

Catégorie

Contrats publics

Date

September 2016

Temps de lecture

4 minutes

CE 28 septembre 2016 Société Biblioteca, req. n° 400393 : mentionnée aux tables du Recueil Lebon Le département de la Loire a lancé une procédure adaptée pour l’attribution d’un marché portant sur la « conception, impression et livraison de dictionnaires destinés aux collégiens pour les rentrées scolaires 2016-2017 et 2017-2018 », par un avis publié le 23 février 2016. Cette procédure relevait donc encore du code des marchés publics, la réforme ne s’appliquant qu’aux contrats pour lesquels l’avis de publicité est publié à compter du 1er avril 2016 1) Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 transposant les directives 2014/24 et 2014/25 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics . La société Biblioteca, classée seconde, a saisi le tribunal administratif de Lyon d’un référé précontractuel 2) Article L. 551-1 du code de justice administrative tendant à l’annulation de cette procédure, en soutenant que le département de la Loire aurait dû rejeter comme inacceptable l’offre de la société Sphère publique, attributaire pressenti du marché, parce qu’elle méconnaissait les dispositions de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « Loi Lang ». L’article 1er de la loi Lang prévoit que toute personne qui édite des livres fixe un prix de vente au public et que les détaillants doivent respecter « un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé ». Toutefois, lorsque l’achat est réalisé par l’Etat ou une collectivité territoriale, pour leurs besoins propres, excluant la revente, l’article 3 de la même loi prévoit que le prix peut être compris entre 91 % et 100 % du prix de vente au public. Par exception, le prix des livres scolaires peut être fixé librement dès lors que l’achat est effectué pour leurs besoins propres par l’Etat, une collectivité territoriale ou un établissement d’enseignement 3) Article 3 de la Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre , et en tout hypothèse le prix des livres édités ou importés depuis plus de deux ans, et dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois est toujours libre 4) Article 5 de Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre . Le département de la Loire soutenait que ces dispositions ne seraient pas applicables au marché litigieux car celui-ci ne constituait pas un marché de fourniture mais un marché de services. Pour le département, le marché litigieux n’aurait pas pu être assimilé à une simple acquisition de livres parce qu’il prévoyait les prestations de personnalisation suivantes : « Définition du concept et de la maquette, infographie, personnalisation des 1ère et dernière page de couverture, ainsi que de la tranche, mise en page et illustration des 8 pages intérieures personnalisées, intégration des 8 pages personnalisées dans les dictionnaires destinés aux élèves de 6ème des collèges publics et privés de la Loire, photogravure quadrichromie des pages personnalisées, impression, façonnage, emballage et livraison ». Le Conseil d’Etat ne retient pas cet argumentaire et considère que c’est sans dénaturation des faits de l’espèce que le tribunal a estimé que le marché litigieux constituait un marché de fourniture de livres, malgré l’existence d’une personnalisation d’une faible ampleur : c’est donc sans erreur de droit qu’il a estimé que la loi Lang lui était applicable. L’ouvrage objet du marché n’étant pas distinct du dictionnaire destiné au public publié par le candidat, et ne constituant pas davantage un ouvrage scolaire ou un livre édité depuis plus de deux ans, l’offre du candidat proposant un prix de l’ouvrage inférieur à 91% du prix de vente au public méconnaissait la législation applicable et aurait dû être éliminée par le département pour ce motif. En effet, l’article 35 du code des marchés publics, alors applicable, définit l’offre inacceptable comme celle dont « les conditions prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur […] », et son article 53 du même code en impose le rejet « les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées […] ». Face à une offre méconnaissant une disposition législative 5) CE 27 avril 2011 Président du Sénat, req. n° 344244 : mentionné aux tables du Rec. CE., règlementaire ou même une convention collective 6) CE 11 décembre 2013 Société antillaise de sécurité, req. n° 372214 : mentionné aux tables du Rec. CE., le pouvoir adjudicateur est tenu de la rejeter 7) CE 12 janvier 2011 Département du Doubs, req. n° 343324 : mentionné aux tables du Rec. CE. . Le pourvoi du département de la Loire est donc rejeté. On relèvera que le département aurait pu utiliser la phase de négociation ouverte dans le cadre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence adaptée pour permettre à l’offre de la société Sphère Publique de devenir acceptable 8) CE 30 novembre 2011 Ministère de la défense, req. n° 353121 : mentionné aux tables du Rec. CE . Enfin, soulignons que l’article 59 du décret n° 2016-360 définit désormais l’offre inacceptable comme celle qui « dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu’ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure. », tandis que constitue une offre irrégulière celle « qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ». L’offre qui méconnaît une législation n’est donc plus qualifiée d’inacceptable, mais d’irrégulière. En outre, désormais, l’acheteur public peut autoriser la régularisation d’une telle offre même dans le cadre des procédures formalisées (à condition qu’elle ne soit pas anormalement basse).

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References   [ + ]

1. Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 transposant les directives 2014/24 et 2014/25 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics
2. Article L. 551-1 du code de justice administrative
3. Article 3 de la Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre
4. Article 5 de Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre
5. CE 27 avril 2011 Président du Sénat, req. n° 344244 : mentionné aux tables du Rec. CE.
6. CE 11 décembre 2013 Société antillaise de sécurité, req. n° 372214 : mentionné aux tables du Rec. CE.
7. CE 12 janvier 2011 Département du Doubs, req. n° 343324 : mentionné aux tables du Rec. CE.
8. CE 30 novembre 2011 Ministère de la défense, req. n° 353121 : mentionné aux tables du Rec. CE

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