Paiement des travaux supplémentaires dans un marché à forfait : quand le Conseil d’Etat fait sauter le verrou de l’ordre écrit

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2025

Temps de lecture

2 minutes

CE 17 mars 2025 Société Eiffage Construction Sud-Est, req. n° 491682 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Le 17 mars 2025, le Conseil d’Etat a rendu un arrêt qui permet de redéfinir les conditions dans lesquelles le titulaire d’un marché de travaux peut obtenir le paiement de travaux supplémentaires, notamment sur le formalisme exigé.

Dans cette affaire, la société Eiffage Construction Sud-Est a demandé à l’office public de l’habitat Toulon Habitat Méditerranée de lui payer une somme de 60 729,49 EUR au titre du solde d’un marché public de travaux relatif à la construction de 122 logements sociaux, conclu à prix global et forfaitaire en 2015. Le débat portait sur la réalisation de travaux modificatifs supplémentaires dont la société réclamait le paiement. La société Eiffage Construction Sud-Est a donc introduit une requête devant le tribunal administratif de Toulon afin que le maître d’ouvrage soit condamné à lui payer cette somme. Le tribunal administratif a condamné l’office à verser la somme de 52 517,63 EUR. La cour administrative d’appel de Marseille a ensuite jugé que le montant devait être ramené à 9 695 EUR et rejette les conclusions de l’appel incident formé par la société qui décide de se pourvoir en cassation.

La question posée ici au Conseil d’Etat était celle de savoir si, lorsque le titulaire d’un marché public de travaux conclu à prix global et forfaitaire exécute des travaux supplémentaires à la demande, même non-écrite, du maître d’ouvrage ou du maître d’œuvre, a-t-il droit au paiement de ces travaux ?

Pour y répondre, il est rappelé tout d’abord que, lorsque le titulaire du marché exécute de sa propre initiative des travaux supplémentaires, il n’a droit au paiement de ces travaux que s’ils étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art 1)CE Sect. 17 octobre 1975 commune de Canari, req. n° 93704. L’autre hypothèse est celle dans laquelle le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre demande au titulaire de réaliser des travaux supplémentaires.

Ici, l’incertitude venait notamment du fait que la demande n’avait pas pris la forme d’un ordre de service notifié conformément à ce que prévoient en principe les stipulations du cahier des clauses administratives générales. Le Conseil d’Etat censure l’arrêt en ce qu’il retenait que la circonstance qu’ils aient été réalisés sur ordre du maître d’œuvre ne suffisait pas pour donner lieu à règlement, en l’absence d’ordre de service régulièrement émis.

Or, selon le Conseil d’Etat, un ordre émis par le maître d’œuvre, même de façon uniquement verbal, donne droit au paiement des travaux supplémentaires pour le titulaire du marché. Cela est applicable également lorsque les stipulations du CCAG prévoient qu’une demande doit prendre la forme d’un ordre de service notifié. Autrement, il est toujours possible pour le titulaire du marché d’obtenir le paiement de travaux supplémentaires exécutés de sa propre initiative, à condition qu’ils aient été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.

Le Conseil d’Etat prend donc acte des réalités de terrain et admet que l’absence d’ordre de service notifié ne fait pas obstacle au paiement des travaux supplémentaires. Cette solution rééquilibre les obligations contractuelles entre les maîtres d’ouvrage publics et les titulaires de marché, en évitant qu’un excès de formalisme ne permette à la personne publique de profiter de son propre manquement. Cette souplesse ne doit pas empêcher pour autant d’être prudent. Pour les entreprises, il faudra veiller à documenter les demandes/la nécessité de réaliser des travaux supplémentaires. Pour les maîtres d’ouvrage, il faudra prendre soin de formuler clairement la demande pour éviter toute incertitude.

 

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