Pas de limite à l’exercice d’un nouveau référé précontractuel tant que le délai de suspension de la signature du contrat n’est pas expiré

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 8 décembre 2020 Société Pompes funèbres funérarium Lemarchand, req. n° 440704 : mentionné aux tables du Rec. CE

La commune de Challans, située dans le département de la Vendée, a lancé une consultation en vue de l’attribution d’une concession de service public, pour une durée de trente ans, portant sur la conception, la construction puis l’exploitation d’un crématorium communal.

La société Pompes funèbres funérarium Lemarchand s’est alors portée candidate mais son offre a été rejetée. Elle a donc décidé de former un référé précontractuel devant le tribunal administratif de Nantes sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative afin de solliciter l’annulation de la procédure de passation du contrat de concession. Le juge du référé précontractuel a toutefois rejeté sa requête par une ordonnance du 31 janvier 2020. Le délai de suspension de la signature du contrat par le pouvoir adjudicateur n’étant toujours pas expiré, la société Pompes funèbres funérarium Lemarchand a décidé de saisir une deuxième fois le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nantes, mais ce dernier a rejeté une nouvelle fois cette requête par une ordonnance du 27 février 2020.

La candidate évincée a alors formé un troisième référé précontractuel, par une requête enregistrée le 2 mars 2020. Toutefois, la société ayant été informée que la convention litigieuse avait été signée le 27 février 2020, elle a présenté de nouvelles conclusions afin de convertir sa demande en référé contractuel, sur le fondement des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2002516 du 28 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté ces dernières conclusions comme irrecevables. Ce dernier a considéré que le fait que la commune de Challans avait méconnu le délai pendant lequel elle ne devait pas signer le contrat n’avait pas privé la société Pompes funèbres funérarium Lemarchand de son droit de saisir le juge du référé précontractuel d’une troisième requête invoquant un nouveau manquement dès lors qu’elle avait déjà pu présenter antérieurement deux référés précontractuels. La requérante s’est alors pourvue en cassation contre cette ordonnance du 28 avril 2020.

Les 7ème et 2ème chambres réunies ont considéré que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes avait commis une erreur de droit en considérant que la société évincée avait déjà exercé deux référés précontractuels au cours desquels elle aurait pu soulever le manquement dont elle se prévalait. Le rapporteur public Marc Pichon de Vendeuil a en effet invité la formation de jugement à transposer au juge du référé précontractuel la solution que le Conseil d’Etat avait appliqué dans un récent arrêt à la procédure du référé-suspension :

« La circonstance que le juge des référés ait rejeté une première demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce que la même partie saisisse ce juge d’une nouvelle demande ayant le même objet, notamment en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors même qu’ils auraient pu lui être soumis dès sa première saisine » 1)CE 29 juin 2020 SCI Eaux douces, req. n° 435502 : mentionné aux tables du Rec. CE.

Le rapporteur public a rappelé dans ses conclusions qu’aucun texte n’interdisait une action répétée devant le juge des référés et que les décisions du juge du référé ne possédaient qu’un caractère provisoire et n’étaient pas revêtues de l’autorité de la chose jugée 2)S’agissant du juge du référé précontractuel : CE 6 mars 2009 Société Biomérieux, req. n° 324064 : Publié au Rec. CE.

Les 7ème et 2ème chambres réunies ont donc considéré que la circonstance que la société évincée avait déjà exercé plusieurs référés précontractuels ne faisait pas obstacle à ce qu’elle forme un nouveau référé précontractuel tant que le délai de suspension de la signature du contrat n’était pas expiré. Dès lors, l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes était entachée d’une erreur de droit.

Toutefois, la commune de Challans avait été informée du sens de l’ordonnance du 27 février 2020 par son avocat, à qui ladite ordonnance avait été notifiée par l’application Télérecours dans la matinée du 27 février. Le Conseil d’Etat a dès lors considéré que la commune devait être regardée comme ayant reçu notification de l’ordonnance au sens de l’article L. 551-4 du code de justice administrative, et que la signature du contrat litigieux à 16h22 ce même 27 février 2020 n’était pas intervenue en méconnaissance de l’obligation de suspension fixée à ce même article.

Les 7ème et 2ème chambres réunies ont donc substitué ce dernier motif à celui entaché d’une erreur de droit, et ont rejeté le pourvoi présenté par la société Pompes funèbres funérarium Lemarchand.

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