Pas de suspension de l’obligation de présentation du passe sanitaire dans les centres commerciaux des Alpes-Maritimes

Catégorie

Droit administratif général

Date

September 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE, ord.,13 septembre 2021 Mme B… G…, req. n° 456391

Résumé : le Conseil d’État, saisi en référé, n’a pas suspendu l’obligation de présenter un passe sanitaire dans six centres commerciaux des Alpes-Maritimes. Il a estimé que l’arrêté litigieux n’était pas disproportionné au regard de l’objectif de santé publique poursuivi, en considération de la situation sanitaire et du fait que les personnes disposaient de la possibilité de se procurer des biens et services équivalents dans des commerces situés à proximité et n’exigeant pas la présentation d’un passe sanitaire.

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, le préfet des Alpes-Maritimes a adopté le 13 août 2021 un arrêté prévoyant de limiter l’accès aux centres commerciaux d’une surface supérieure à 20 000 m², seules les personnes présentant un passe sanitaire étant autorisées à y pénétrer pour la période du 16 au 31 août 1)Arrêté n° 2021-827 du 13 août 2021 fixant la liste des centres commerciaux dont l’accès est subordonné à la présentation du pass sanitaire dans le département des Alpes-Maritimes. Un arrêté 31 août 2021 est venu prolonger cette mesure jusqu’au 15 septembre 2021 2)Arrêté n° 2021-862 du 31 août 2021 fixant la liste des centres commerciaux dont l’accès est subordonné à la présentation du pass sanitaire dans le département des Alpes-Maritimes..

Trente-cinq personnes physiques ont saisi le juge des référés du le tribunal administratif de Nice sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, soutenant que l’arrêté du 31 août 2021 porterait une atteinte manifestement illégale à leurs libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 3 septembre 2021 3)TA Nice Ord. 3 septembre 2021 M. B. et autres, req. n° 2104574., le tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête.

Ces mêmes personnes ont alors relevé appel de cette ordonnance devant le Conseil d’État.

Par une ordonnance du 13 septembre 2021, le Conseil a également rejeté cette requête, au motif que « l’arrêté contesté n’a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées » 4)CE Ord. 13 septembre 2021 Mme B. G. et autres, req. n° 456391, point 10..

Le Conseil procède en premier lieu à un rappel du cadre juridique applicable. Il rappelle que la loi du 31 mai 2021 5)Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. met à la charge du préfet l’obligation de garantir l’accès aux biens et services de première nécessité ainsi qu’aux moyens de transports.

Cette question faisait jusqu’alors l’objet de positions divergentes selon les tribunaux administratifs.

Une partie des TA censurait en effet des mesures s’appliquant « de façon générale et absolue à l’ensemble des commerces situés dans les grands magasins et centres commerciaux listés et ne prévo[yant] aucun aménagement permettant de réserver l’accès des personnes ne disposant pas de passe sanitaire aux établissements commercialisant des biens de première nécessité dans l’enceinte de ces magasins et centres » 6)TA Versailles Ord. 24 août 2021 M. X., req. n° 2107184 ; TA Strasbourg Ord. 27 août 2021 Société X., req. n° 2105891 ; v. également TA Cergy-Pontoise Ord. 30 août 2021 Société Levallois-Distribution et Mme C. B., req. n° 2110762..

D’autres prenaient en compte l’existence de possibilités d’accéder à des produits de première nécessité à proximité des centres commerciaux, sans devoir présenter un passe sanitaire 7)TA Lyon Ord. 28 août 2021 Société Dolulle et autres, req. n° 2106797 ; TA Toulouse Ord. 24 août 2021 Société Sodigar, req. n° 2104928..

Le tribunal administratif de Montreuil ne considérait pas même cette circonstance et jugeait que la mesure s’inscrivait dans la poursuite de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé 8)TA Montreuil Ord. 27 août 2021 Union départementale de la CGT de la Seine-Saint-Denis et autres, req. n° 2111642..

Par son ordonnance du 13 septembre 2021, le Conseil d’Etat met fin à cette cacophonie en rappelant tout d’abord que les dispositions susvisées n’impliquent pas qu’il appartienne au préfet de garantir l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité proposés dans l’enceinte des centres commerciaux dont la surface est supérieure à 20 000 m².

Il constate ensuite qu’en l’espèce, ces mêmes biens et services de première nécessité étaient proposés à proximité, dans des commerces n’exigeant pas la présentation du passe sanitaire.

Dès lors, les personnes n’étaient donc pas privées d’accès à ces biens et services, disponibles à « distance raisonnable » 9)Ordonnance commentée, points 8 et 9. et à l’aide de transports n’exigeant pas la présentation du passe sanitaire.

Le critère de la disponibilité de ces ressources à proximité est donc clairement retenu par le Conseil d’Etat mais considéré comme acquis au cas d’espèce..

Le Conseil passe ensuite en revue le contexte sanitaire dans lequel s’inscrit l’adoption de l’arrêté. Il rappelle que malgré l’infléchissement de la courbe du taux d’incidence de covid-19 des Alpes-Maritimes, ce dernier restait supérieur à 200 cas pour 100 000 habitants au moment de l’adoption de l’arrêté. Ce n’est que le 10 septembre 2021 que le taux d’incidence a franchi ce seuil à la baisse.

Le Conseil conclut donc que le but poursuivi, la santé publique, justifiait l’adoption de la mesure :

« Par suite, en maintenant l’exigence de présentation d’un passe sanitaire pour pouvoir accéder aux centre commerciaux d’une superficie de plus de 20 000 m² situés dans le département des Alpes-Maritimes, pour une période allant jusqu’au 15 septembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes n’a pas, compte tenu de la situation sanitaire dans ce département, pris une mesure qui, en l’état de l’instruction, ne serait manifestement pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi de sauvegarde de la santé publique » 10)Ordonnance commentée, point 10.

Le moyen tiré de l’impossibilité, pour les salariés, d’accéder à leur lieu de travail, est rapidement écarté. En effet, cette restriction ne trouvait pas sa source dans l’arrêté attaqué du 31 août 2021 mais les dispositions de la loi du 5 août 2021 11)Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire..

Concernant enfin le moyen tiré de la violation du principe d’égalité, le Conseil rappelle sobrement que « la méconnaissance du principe d’égalité ne révèle pas par elle-même la méconnaissance d’une liberté fondamentale » 12)Ordonnance commentée, point 12.. Il écarte ensuite ce moyen en rappelant que les autorisations d’accès à certains lieux ne sont pas uniquement réservées aux personnes vaccinées.

Ainsi le respect du règlement européen du 14 juin 2021 13)Règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)., qui garantit l’absence d’obligation d’être vacciné et le principe de non-discrimination, est assuré, selon le Conseil d’Etat, par les alternatives à la vaccination (tests et résultats négatifs récents) permettant d’accéder aux mêmes lieux.

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. Arrêté n° 2021-827 du 13 août 2021 fixant la liste des centres commerciaux dont l’accès est subordonné à la présentation du pass sanitaire dans le département des Alpes-Maritimes
2. Arrêté n° 2021-862 du 31 août 2021 fixant la liste des centres commerciaux dont l’accès est subordonné à la présentation du pass sanitaire dans le département des Alpes-Maritimes.
3. TA Nice Ord. 3 septembre 2021 M. B. et autres, req. n° 2104574.
4. CE Ord. 13 septembre 2021 Mme B. G. et autres, req. n° 456391, point 10.
5. Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
6. TA Versailles Ord. 24 août 2021 M. X., req. n° 2107184 ; TA Strasbourg Ord. 27 août 2021 Société X., req. n° 2105891 ; v. également TA Cergy-Pontoise Ord. 30 août 2021 Société Levallois-Distribution et Mme C. B., req. n° 2110762.
7. TA Lyon Ord. 28 août 2021 Société Dolulle et autres, req. n° 2106797 ; TA Toulouse Ord. 24 août 2021 Société Sodigar, req. n° 2104928.
8. TA Montreuil Ord. 27 août 2021 Union départementale de la CGT de la Seine-Saint-Denis et autres, req. n° 2111642.
9. Ordonnance commentée, points 8 et 9.
10. Ordonnance commentée, point 10
11. Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.
12. Ordonnance commentée, point 12.
13. Règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).

3 articles susceptibles de vous intéresser