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CE 17 mars 2025 commune de Béthune, req. n° 492664, publié au Recueil Lebon
La commune de Béthune a confié à un même titulaire (la société Q-Park) l’exécution de prestations relatives à la construction, à la rénovation et à l’exploitation d’un parc de stationnement au moyen de quatre contrats différents : un contrat de délégation du service public du stationnement sur voirie, un contrat de concession pour la construction et l’exploitation d’un parc public de stationnement souterrain de la ville, un contrat d’affermage pour la rénovation et l’exploitation du parc public de stationnement souterrain et un quatrième contrat dit « commun » comportant des stipulations applicables à l’ensemble de ces contrats.
L’ensemble de ces contrats stipule une durée unique de 30 ans, conçue pour permettre au concessionnaire d’atteindre un équilibre économique tenant compte de façon globale des investissements, des recettes et des charges prévisionnelles de toutes les activités. A l’appui d’un recours « Béziers I » tendant à l’annulation du contrat, la commune s’est interrogée sur la notion d’ « ensemble contractuel indissociable ». En l’occurrence, selon elle, les contrats portaient sur des investissements et des prestations distinctes, « dès lors que les parties n’ont pas entendu subordonner leur consentement à un tel caractère indissociable » 1)CAA Douai 16 janvier 2024 commune de Béthune, req n° 22DA01936, de sorte que la durée de trente ans ne pouvait pas s’appliquer à tous les contrats, chacun appelant une durée qui lui est propre.
Saisi de multiples questions, le Conseil d’Etat statue par un arrêt du 17 mars 2025 publié au Recueil Lebon sur le recours de plein contentieux formé par la commune, dont il rejette le pourvoi au terme d’une motivation très étayée.
Intéressons-nous aux points procéduraux et sur le fond essentiel.
1. Premier point : La demande de médiation
La commune reprochait à l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Douai d’avoir omis de statuer sur sa demande de médiation, déposée sur le fondement de l’article L. 213-7 du code de justice administrative.
Invité en ce sens par son rapporteur public, le Conseil d’Etat l’assimile à une demande de prononcé d’une mesure d’instruction et répond clairement que le juge n’est pas tenu d’engager une telle procédure alors même que les parties le lui demanderaient :
« Si ces dispositions donnent au juge administratif, saisi d’un litige, la faculté d’ordonner, avec l’accord des parties, une médiation entre elles dans le but de parvenir à un accord sur le règlement du litige, elles ne l’obligent nullement à engager une telle procédure alors même que les parties le lui demanderaient. En ne donnant pas suite à une demande en ce sens, le juge la rejette nécessairement, sans être tenu d’y répondre explicitement. »
Le juge n’est donc pas tenu d’y faire droit et peut rejeter la demande de médiation sans y répondre explicitement.
2. Deuxième point : La qualification d’ensemble contractuel
La qualification d’ensemble contractuel indissociable a été ici retenue.
En visant tout d’abord l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, le Conseil d’Etat rappelle la formule de principe 2)CE 21 septembre 2016 Communauté urbaine du Grand Dijon et Société Keolis, req. n° 399656 :
« Aucune disposition législative ni aucun principe n’impose à la collectivité publique qui entend confier à un opérateur économique la gestion de services dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu’il y a de services distincts. Elle ne saurait toutefois, sans méconnaître les impératifs de bonne administration ou les obligations générales de mise en concurrence qui s’imposent à elle, donner à une délégation un périmètre manifestement excessif ni réunir au sein de la même convention des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux.»
Dans la mesure où ces contrats « ont été conclus à la même date pour une même durée et poursuivent le même objectif de répondre à un besoin » de la commune en matière de stationnement et « visant à atteindre un équilibre économique tenant compte de façon globale des investissements, des recettes et des charges prévisionnelles de toutes les activités » liées au stationnement, sur la voirie et dans les parcs souterrain, le Conseil d’Etat confirme le juge d’appel ayant considéré que les quatre contrats conclus par la commune formaient un ensemble contractuel indissociable.
3. Troisième point : l’appréciation de la durée en cas d’ensemble contractuel
La question était ici celle de savoir s’il était possible que ces contrats contiennent une durée unique et si cette durée était régulière, au sens où elle n’excédait pas la durée normale d’amortissement de l’ensemble des investissements mis à la charge du délégataire.
Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative : il est possible de prévoir une durée unique à la condition que «l’exploitation conjointe des services considérés est de nature à assurer une meilleure gestion de ceux-ci et si la durée unique correspond à la durée normalement attendue pour que le concessionnaire puisse couvrir les charges d’exploitation et d’investissement de l’ensemble des services ainsi délégués, compte tenu des contraintes d’exploitation, des exigences du délégant et de la prévision des tarifs payés par les usagers ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que l’exploitation conjointe des trois services répondait à des objectifs de bonne gestion et confirmer que la durée unique de l’ensemble des contrats correspondait à la durée normalement attendue pour que le concessionnaire puisse couvrir ses charges d’exploitation et d’investissement de l’ensemble des services délégués. Il approuve le raisonnement de la cour administrative d’appel qui avait considéré que la durée unique retenue par les contrats n’est pas excessive.
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