Précisions sur l’application des règles du PLU en cas de lotissement

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2016

Temps de lecture

7 minutes

CE 24 février 2016 Commune de Pia, req. n° 383079

CE 9 mars 2016 Association des propriétaires riverains du chemin du Collet Redon et M.D., req. n° 376042

Deux arrêts récents précisent, en cas de lotissement, comment les règles du plan local d’urbanisme doivent être appliquées, d’une part, au stade amont du permis d’aménager ou de la déclaration préalable visant à autoriser le lotissement et, d’autre part, au stade aval du permis de construire ou de la déclaration préalable visant à autoriser une construction au sein du lotissement.

    1 L’application des règles du PLU au stade du lotissement

1.1 Selon l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme, le lotissement constitue la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière en vue de l’implantation de bâtiments 1) Dans sa rédaction en vigueur, il énonce que : « Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ». Et, dans sa rédaction en vigueur du 1er octobre 2007 au 1er mars 2012 : « Constitue un lotissement l’opération d’aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu’elle soit en propriété ou en jouissance, qu’elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d’une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l’implantation de bâtiments »..

En fonction de leurs caractéristiques, les lotissements sont soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable, et la question peut se poser de savoir si, pour accorder un permis d’aménager ou ne pas s’opposer à une déclaration préalable, l’autorité compétente ne doit confronter le projet de lotissement qu’aux règles régissant spécifiquement les lotissements ou si elle peut ou doit le confronter à celles relatives à l’implantation des constructions, en prenant alors en considération les constructions dont le lotissement a vocation à permettre la réalisation.

Prenant acte du double objet du lotissement, expressément qualifié d’opération d’aménagement ayant pour but l’implantation de constructions, le Conseil d’Etat opte, par son arrêt Commune de Pia du 24 février 2016, pour la seconde hypothèse, en jugeant :

    « qu’il résulte [des dispositions du code de l’urbanisme] que les lotissements, qui constituent des opérations d’aménagement ayant pour but l’implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l’occupation des sols édictées par le code de l’urbanisme ou les documents locaux d’urbanisme, même s’ils n’ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n’existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d’un lot d’une unité foncière ; qu’il appartient, en conséquence, à l’autorité compétente de refuser le permis d’aménager sollicité ou de s’opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu’elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l’implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d’urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d’urbanisme requises ».

Les dispositions dont il déduit cette solution énoncent aussi bien que le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour la création de lotissements ou que le permis d’aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords, ou encore que l’autorité compétente peut modifier les documents du lotissement, et notamment le règlement et le cahier des charges, pour les mettre en concordance avec un plan local d’urbanisme postérieur.

1.2 En réalité, le Conseil d’Etat avait déjà jugé, en 2014, que les lotissements doivent « respecter les règles tendant à la maîtrise de l’occupation des sols édictées par le code de l’urbanisme ou les documents locaux d’urbanisme, même s’ils n’ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n’existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d’un lot d’une unité foncière [et] qu’il appartient à l’autorité compétente, dans tous les cas, de s’opposer à une déclaration préalable portant sur un lotissement situé dans un secteur que ces règles rendent inconstructible » 2) CE 1 décembre 2014 M. Piersanti, req. n° 367134-367160 : Rec. CE T. p. 902..

L’apport de sa décision de 2016 est de préciser que l’autorité compétente ne pourra que se fonder sur les caractéristiques du lotissement « telles qu’elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis » (le fichage de l’arrêt aux Tables du Recueil Lebon des arrêts du Conseil d’Etat précisant que le respect des règles d’urbanisme tendant à la maîtrise de l’occupation des sols n’existe que « dans la mesure permise par la description du projet des futures constructions dans le dossier de demande »).

1.3 Cette règle consacrée, le Conseil d’Etat est conduit, au cas d’espèce, à approuver l’annulation, sur déféré préfectoral, d’un permis d’aménager dont le dossier de demande comportait un règlement du lotissement prévoyant la réalisation en une seule tranche de travaux de 124 lots réservée à l’habitation individuelle, un tel permis méconnaissant les dispositions du règlement du PLU de la commune qui imposaient aux programmes comportant au moins trois logements de prévoir un quota minimal de 30 % de logements sociaux en application du 16° de l’article L. 123-1-5 alors en vigueur du code de l’urbanisme 3) Devenu l’article L. 151-15 du code de l’urbanisme à la suite de la recodification de son livre Ier..

    2 L’application des règles du PLU au stade de la construction située dans le lotissement

2.1 Au stade aval de la réalisation, par les acquéreurs de lots, des constructions, la question peut également se poser de la façon dont il convient de confronter les projets de construction faisant l’objet d’une demande de permis de construire aux règles du PLU et, notamment, s’il y a lieu de tenir compte de ce qu’ils sont situés dans un lotissement, en prenant en considération l’assiette de l’ensemble du lotissement ou s’il faut s’en tenir à celle du lot concerné (cette question se posant également dans le cas des permis de construire valant division 4) Article R. 431-24 du code de l’urbanisme.).

A cette question, le code de l’urbanisme a apporté, sinon deux réponses, du moins une réponse unique avec deux rédactions successives différentes, selon que l’on confronte les règles à l’ensemble du projet ou l’ensemble du projet à la totalité des règles :

    ► Dans sa rédaction en vigueur du 1er octobre 2007 au 1er mars 2012, son article R. 123-10-1 énonçait ainsi que : « Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d’urbanisme sont appréciées au regard de l’ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose » ;
    ► Dans sa rédaction en vigueur du 1er mars 2012 au 1er janvier 2016, son article R. 123-10-1 énonçait ensuite que : « Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, l’ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d’urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose ». Et cette rédaction est désormais reprise, depuis le 1er janvier 2016, au troisième alinéa de son article R. 151-21 5) Les deux premiers alinéas de cet article R. 151-21 permettent, dans le même ordre d’idées, au règlement du PLU de délimiter, dans les zones A et AU, des secteurs dans lesquels les projets de constructions situés sur plusieurs unités foncières contiguës qui font l’objet d’une demande de permis de construire ou d’aménager conjointe sont appréciés comme un projet d’ensemble et auxquels il est fait application de règles alternatives édictées à leur bénéfice par le plan local d’urbanisme..

2.2 Sur le fondement de la première rédaction, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de juger qu’il résultait de ces dispositions, applicables notamment aux permis de construire, que « si les règles d’un plan local d’urbanisme relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives s’appliquent à l’ensemble des constructions d’un lotissement dans leurs relations avec les parcelles situées à l’extérieur du périmètre de ce lotissement, elles ne sont pas, sauf prescription contraire du plan, applicables à l’implantation des constructions à l’intérieur de ce périmètre » 6) CE 9 avril 2015 Commune de Tassin-la-Demi-Lune, req. n° 372011 : BJDU 4/2015, p. 260, concl. Decout-Paolini, obs. J.T. – Voir également CAA Paris 6 juin 2014 SCI Suchet Montmorency, req. n° 12PA03899, point 43..

Ainsi que le relève le commentateur de cet arrêt : « l’article R. 123-10-1 conduit à instruire l’autorisation de lotir, sous quelque forme que ce soit, à l’échelle de l’unité foncière d’origine » et, en aval, « Tout se passe comme si, du point de vue de l’instruction des permis de construire, la division n’avait pas été opérée. L’article R. 123-10-1 poursuit donc ses effets au-delà de l’autorisation de lotir, en modifiant les conditions de l’instruction des permis de construire sur les lots du lotissement, ceux-ci pouvant, isolément, ne pas avoir les caractéristiques des terrains constructibles ».

2.3 Le mécanisme de l’article R. 123-10-1 ne jouant toutefois que sauf prescription contraire du plan, une telle prescription contraire a été à cet égard identifiée par une cour administrative d’appel dans un document d’urbanisme qui contenait, en matière de distance par rapport aux limites séparatives, des dispositions générales mais également des dispositions spécifiquement applicables aux lotissements, ce document devant être regardé comme ayant entendu écarter, pour ces derniers, l’application de l’article R. 123-10-1 et donc la règle qui en aurait résulté 7) CAA Nancy 22 janvier 2015 M. B…A…et Mme D…F..., req. n° 14NC00889..

La question de ce que peut être une prescription contraire du plan d’urbanisme est précisément l’objet de l’arrêt Association des propriétaires riverains du chemin du Collet Redon et M.D. rendu par le Conseil d’Etat le 9 mars 2016, cette fois-ci dans un autre domaine que les règles relatives aux distances par rapport aux limites séparatives.

Par cet arrêt, il juge en effet, sur le fondement de la première rédaction de l’article R. 123-10-1, qu’une règle de superficie minimale des terrains à construire prévue en secteur non desservi par un réseau collectif d’assainissement est destinée à permettre le bon fonctionnement du système d’assainissement non collectif propre à chacune des constructions et que, eu égard à son objet, une telle règle doit être regardée comme étant au nombre de celles qui s’opposent à l’appréciation d’ensemble prévue par les dispositions de l’article R. 123-10-1 du code de l’urbanisme. Il en déduit en conséquence que, pour apprécier si cette règle est respectée par un projet de construction, la superficie à prendre en compte ne peut être celle antérieure à la division foncière (autrement dit, ne peut être la superficie de l’ensemble du lotissement).

Il consacre ce faisant une solution déjà retenue par la cour administrative d’appel de Nancy 8) CAA Nancy 24 mars 2014 Société Neolia, req. n° 13NC01609..

2.4 On constate donc, au final, que si l’arrêt du 24 février 2016 peut conduire à interdire les lotissements permettant l’implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d’urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d’urbanisme requises, celui du 9 mars rappelle que, pour certaines de ces règles, le jeu de l’article R. 123-10-1 pourra le cas échéant accroître cette compatibilité.

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1. Dans sa rédaction en vigueur, il énonce que : « Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ». Et, dans sa rédaction en vigueur du 1er octobre 2007 au 1er mars 2012 : « Constitue un lotissement l’opération d’aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu’elle soit en propriété ou en jouissance, qu’elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d’une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l’implantation de bâtiments ».
2. CE 1 décembre 2014 M. Piersanti, req. n° 367134-367160 : Rec. CE T. p. 902.
3. Devenu l’article L. 151-15 du code de l’urbanisme à la suite de la recodification de son livre Ier.
4. Article R. 431-24 du code de l’urbanisme.
5. Les deux premiers alinéas de cet article R. 151-21 permettent, dans le même ordre d’idées, au règlement du PLU de délimiter, dans les zones A et AU, des secteurs dans lesquels les projets de constructions situés sur plusieurs unités foncières contiguës qui font l’objet d’une demande de permis de construire ou d’aménager conjointe sont appréciés comme un projet d’ensemble et auxquels il est fait application de règles alternatives édictées à leur bénéfice par le plan local d’urbanisme.
6. CE 9 avril 2015 Commune de Tassin-la-Demi-Lune, req. n° 372011 : BJDU 4/2015, p. 260, concl. Decout-Paolini, obs. J.T. – Voir également CAA Paris 6 juin 2014 SCI Suchet Montmorency, req. n° 12PA03899, point 43.
7. CAA Nancy 22 janvier 2015 M. B…A…et Mme D…F..., req. n° 14NC00889.
8. CAA Nancy 24 mars 2014 Société Neolia, req. n° 13NC01609.

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