Précisions sur l’entrée en vigueur de la réforme des destinations

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

June 2021

Temps de lecture

4 minutes

CAA Paris 20 mai 2021, req. n° 19PA00986

La société par action simplifiée (SAS) CSF a déposé, auprès des services de la commune de Paris, une déclaration préalable en vue de transformer une boucherie en supérette, tout en modifiant la façade des locaux.

Par un arrêté du 13 juillet 2017, le maire de Paris s’est opposé à l’exécution de ces travaux au motif qu’ils nécessitaient un permis de construire.

A la suite du rejet implicite par la commune de son recours gracieux, la SAS CSF a saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande d’annulation de l’arrêté litigieux, demande qui a été rejetée par un jugement du 7 février 2019.

La société a alors interjeté appel devant la cour administrative d’appel (CAA) de Paris qui lui a donné raison en considérant qu’une déclaration préalable était suffisante pour exécuter les travaux prévus par la société.

Cette décision est l’occasion, pour la CAA, de rappeler l’impact de la réforme des destinations sur le régime des autorisations d’urbanisme (1) et, surtout, d’apporter des précisions sur son entrée en vigueur (2).

1.      Rappel de l’impact de la réforme des destinations sur le régime des autorisations de construire

Avant le 1er janvier 2016, le code de l’urbanisme prévoyait que les constructions pouvaient être regroupées en 9 destinations (habitation, hébergement hôtelier, bureaux, commerce, artisanat, industrie, exploitation agricole ou forestière, entrepôt et constructions et installations nécessaires aux services publics et d’intérêt collectif) 1)Anc. Art. R. 123-9 C. urb..

L’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 et le décret du 28 décembre 2015 2)Décret du 28 décembre 2015 n° 2015-1783 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme ont opéré une réforme du Livre Ier du code de l’urbanisme et notamment des destinations.

Désormais, aux termes article R. 151-27 et R. 121-28 du code de l’urbanisme, il existe 5 destinations (habitation, commerce et activités de service, équipements d’intérêt collectif et services publics, exploitation agricole et forestière et autres activités des secteurs secondaires ou tertiaires), elles-mêmes divisées en 21 sous-destinations.

Dans le cadre de cette réforme, les articles du code de l’urbanisme relatif au champ du permis de construire et de la déclaration préalable pour les travaux réalisés sur une construction existante ont été modifiés. Désormais, en vertu du c) l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme, sont soumis à permis de construire « les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 » 3)Avant la réforme, le c) de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme prévoyait : « Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires […] Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations définies à l’article R. 123-9 »..

En l’espèce, la SAS CSF souhaitait transformer une boucherie en supérette et modifier la façade du bâtiment.

La CAA relève que, aux termes de l’annexe au décret n° 98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers, les boucheries doivent être considérées comme de l’artisanat.

En conséquence, avant la réforme des destinations de 2015, la transformation d’une boucherie en supérette constituait un changement de destination (artisanat vers commerce) et exigeait l’obtention d’un permis de construire.

En revanche, depuis la réforme de 2016, ces deux activités relèvent d’une même sous-destination « artisanat et commerce de détail » au sein de la destination « commerce et activités de services ».

En application des articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l’urbanisme, dans leur version issue du décret du 28 décembre 2015 susvisé, il n’y a donc pas de changement de destination ou de sous-destination et ces travaux peuvent être autorisés dans le cadre d’une simple déclaration préalable.

Pour annuler l’arrêté litigieux, la cour a écarté l’argument fondé sur la circonstance que le PLU de Paris n’avait pas encore intégré la réforme des destinations et des sous-destinations.

La CAA a donc précisé ici les règles en matière d’entrée en vigueur de la réforme des destinations.

2.     Précisions sur l’entrée en vigueur de la réforme des destinations

La CAA rappelle qu’aux termes du VI de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015 :

« VI. – Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d’urbanisme dont l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016. Toutefois, dans les cas d’une élaboration ou d’une révision prescrite sur le fondement du I de l’article L. 123-13 en vigueur avant le 31 décembre 2015, le conseil communautaire ou le conseil municipal peut décider que sera applicable au document l’ensemble des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2016, par une délibération expresse qui intervient au plus tard lorsque le projet est arrêté […] ».

Cet article prévoit que les dispositions relatives au contenu des plans locaux d’urbanisme (PLU), telles qu’elles étaient rédigées avant la réforme de 2015, demeurent applicables aux PLU dont l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016.

Ce même article précise toutefois que la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) peut en décider autrement et appliquer les dispositions issues de la réforme.

La cour administrative d’appel va relever dans cet arrêt, pour la première fois, que cet article « ne concerne que le maintien des règles relatives à l’élaboration et au contenu des plans locaux d’urbanisme, et non le maintien en vigueur des dispositions de l’article R. 421-14 relatives aux autorisations d’urbanisme, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2016 ».

C’est donc à tort que la commune a fait application des anciennes destinations listées à l’ancien article R. 123-9 du code de l’urbanisme pour exiger le dépôt d’un permis de construire.

Une déclaration préalable était donc suffisante pour autoriser les travaux de modification de la façade du local.

 

 

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References   [ + ]

1. Anc. Art. R. 123-9 C. urb.
2. Décret du 28 décembre 2015 n° 2015-1783 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme
3. Avant la réforme, le c) de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme prévoyait : « Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires […] Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations définies à l’article R. 123-9 ».

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