Précisions sur l’exécution d’une décision d’annulation partielle du PLU

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

September 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 16 juillet 2021 Commune de La Londe-les-Maures, req. n° 437562 : mentionné aux tables du Rec. CE

Résumé : Si une commune est tenue par une décision juridictionnelle de procéder au reclassement de certaines parcelles au sein de son PLU en application de l’article L. 153-7 du code de l’urbanisme, cela ne peut être fait qu’en application des procédures prévues par ce même code. En affirmant qu’une simple délibération adoptée par l’organe compétent de la collectivité permet d’exécuter le jugement, la cour administrative d’appel entache son arrêt d’une erreur de droit 1)CE 16 juillet 2021 Commune de La Londe-les-Maures, req. n° 437562 : mentionné aux tables du Rec. CE..

La SCI Kennel Tonnelier est propriétaire d’un terrain sur lequel elle proposait une activité de stationnement collectif de bateaux. Par une délibération du 19 juin 2013, le conseil municipal de La Londe-les-Maures avait approuvé le plan local d’urbanisme (PLU) procédant à un classement des parcelles de la société en zone UE. Il n’était dès lors plus possible pour cette dernière d’exercer l’activité de stationnement collectif.

La SCI Kennel Tonnelier formait alors un recours devant le tribunal administratif de Toulon, qui prononçait l’annulation partielle de la délibération au motif qu’elle était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Le tribunal administratif de Toulon était ensuite saisi d’une procédure d’exécution de la décision. Par un jugement du 19 juin 2018, les juges de première instance enjoignaient à la commune d’adopter une délibération approuvant un nouveau classement des parcelles appartenant à la SCI Kennel Tonnelier dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.

La commune de La Londe-les-Maures relevait appel de ce jugement. Par un arrêt du 13 novembre 2019, la cour administrative d’appel de Marseille rejetait la requête.

La commune formait alors un pourvoi devant le Conseil d’État qui, par une décision du 16 juillet 2021, annulait l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille et lui renvoyait l’affaire, au motif qu’« en jugeant […] que le changement de classement des parcelles litigieuses dans le plan local d’urbanisme de La Londe-les-Maures pouvait , en application des dispositions de l’article L. 153-7 du code de l’urbanisme et dès lors qu’il intervenait pour l’exécution du jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 juin 2016, s’effectuer sans que la commune soit tenue de suivre une procédure particulière de modification ou de révision de son plan local d’urbanisme, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit » 2)Décision commentée, point 4..

Autorité de la chose jugée et obligation de procéder au nouveau classement

Devant la cour administrative d’appel et le Conseil d’État, la commune faisait valoir que l’annulation partielle prononcée par le tribunal administratif avait eu pour effet de rétablir l’application des dispositions du plan d’occupation des sols (POS), autorisant l’activité de la SCI Kennel Tonnelier.

Sur ce point, tant la cour que le Conseil ont répondu que les dispositions de l’article L. 153-7 du code de l’urbanisme faisaient « obligation à l’autorité compétente d’élaborer, dans le respect de l’autorité de la jugée par la décision juridictionnelle ayant partiellement annulé un plan local d’urbanisme, de nouvelles dispositions se substituant à celles qui ont été annulées par le juge, alors même que l’annulation contentieuse aurait eu pour effet de remettre en vigueur, en application des dispositions de l’article L. 600-12 du même code ou de son article L. 174-6, des dispositions d’un plan local d’urbanisme ou, pour une durée maximale de vingt-quatre mois, des dispositions d’un plan d’occupation des sols qui ne méconnaîtraient pas l’autorité de la chose jugée par ce même jugement d’annulation » 3)Décision commentée, point 2..

Quand bien même le retour en vigueur des dispositions préalablement applicables à l’annulation ne serait pas contraire à l’autorité de la chose jugée, la collectivité n’est pas dispensée d’exécuter la décision en adoptant un nouveau classement des parcelles concernées.

Précisions sur le cadre légal de l’exécution d’une décision de justice portant sur l’annulation partielle d’un document d’urbanisme

Jusqu’alors plusieurs cours administratives avaient considéré que l’annulation partielle d’un document d’urbanisme donnait lieu à l’adoption par la collectivité d’une délibération procédant à un classement des parcelles concernées par la décision 4)CAA Nantes 9 janvier 2017 et 10 juillet 2017 M. C et Mme E, req. n° 16NT02103.. Ce nouveau classement n’imposait pas « la mise en œuvre d’une procédure d’évolution de ce document d’urbanisme » 5)CAA Marseille 15 juin 2021 Mme C., req. n° 19MA03015..

Les juges du fond renvoyaient à l’article L. 153-7 du code de l’urbanisme aux termes duquel :

« En cas d’annulation partielle par voie juridictionnelle d’un plan local d’urbanisme, l’autorité compétente élabore sans délai les nouvelles dispositions du plan applicables à la partie du territoire communal concernée par l’annulation ».

C’est sur ce fondement qu’en l’espèce, la cour administrative d’appel de Marseille avait considéré que la commune devait « se limiter, pour l’exécution de l’arrêt en cause, à adopter une délibération procédant à un nouveau classement des parcelles concernées, sans être tenue de suivre une procédure particulière » 6)CAA Marseille 13 novembre 2019 Commune de La Londe-les-Maures, req. n° 18MA03427, point 5..

Cette interprétation présentait le mérite d’une exécution simplifiée de la décision et, par conséquent, une certaine effectivité.

Toutefois, elle trouvait son seul fondement légal dans l’article L. 153-7, qui ne précisait rien d’autre qu’une élaboration « sans délai » mais ne venait pas déroger expressément aux procédures d’évolution du document d’urbanisme de droit commun.

A l’inverse, par sa décision du 16 juillet 2021, le Conseil d’État a adopté la solution suivante :

« [L]es dispositions de l’article L. 153-7 du code de l’urbanisme n’ont pas pour effet de permettre à l’autorité compétente de s’affranchir, pour l’édiction de ces nouvelles dispositions, des règles qui régissent les procédures de révision, de modification ou de modification simplifiée du plan local d’urbanisme prévues, respectivement, par les articles L. 153-31, L. 153-41 et L. 153-45 du même code. Ainsi, lorsque l’exécution d’une décision juridictionnelle prononçant l’annulation partielle d’un plan local d’urbanisme implique nécessairement qu’une commune modifie le règlement de son plan local d’urbanisme dans un sens déterminé, il appartient à la commune de faire application, selon la nature et l’importance de la modification requise, de l’une de ces procédures, en se fondant le cas échéant, dans le respect de l’autorité de la chose jugée, sur certains actes de procédure accomplis pour l’adoption des dispositions censurées par le juge » 7)Décision commentée, point 3..

Le Conseil a donc souhaité replacer l’exécution des décisions d’annulation partielle d’un PLU dans le cadre légal de droit commun, à savoir les procédures de révision, de modification ou de modification simplifiée prévues par le code de l’urbanisme. Une commune pourra donc faire application de la procédure pertinente en se fondant sur des actes de procédure antérieurs à la décision annulée et qui ne seraient pas entachés d’un vice justifiant de les écarter.

Si la simple délibération adoptée par l’organe compétent n’est donc plus suffisante pour procéder au nouveau classement des parcelles pertinentes, cette solution permet toutefois d’éviter le renouvellement total et systématique de la procédure.

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. CE 16 juillet 2021 Commune de La Londe-les-Maures, req. n° 437562 : mentionné aux tables du Rec. CE.
2. Décision commentée, point 4.
3. Décision commentée, point 2.
4. CAA Nantes 9 janvier 2017 et 10 juillet 2017 M. C et Mme E, req. n° 16NT02103.
5. CAA Marseille 15 juin 2021 Mme C., req. n° 19MA03015.
6. CAA Marseille 13 novembre 2019 Commune de La Londe-les-Maures, req. n° 18MA03427, point 5.
7. Décision commentée, point 3.

3 articles susceptibles de vous intéresser