Présence des organisations professionnelles agricoles – Contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation du juge de cassation sur les modalités de la concertation

Catégorie

Environnement

Date

January 2021

Temps de lecture

3 minutes

CE 30 décembre 2020 Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n°431544

Par un arrêté du 14 mars 2015, le préfet de la région Rhône-Alpes, préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée, a défini la liste des zones vulnérables à la pollution par les nitrates d’origine agricole du bassin Rhône-Méditerranée.

A la suite d’un recours introduit par trois communes ainsi que des fédérations professionnelles et des chambres d’agriculture, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté. La cour administrative d’appel de Lyon a confirmé l’annulation par un arrêt du 9 avril 2019 (CAA Lyon 9 avril 2019 Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 17LY03235).

Par une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi introduit par le ministre de la transition écologique et solidaire, apportant ainsi des précisions sur les conditions d’élaboration des arrêtés définissant les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d’origine agricole (1) et sur le contrôle qu’il exerce s’agissant des modalités de la concertation (2).

1. Procédure d’élaboration de la délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates

L’article R. 211-77 du code de l’environnement prévoit la désignation de zones vulnérables aux nitrates. Ce sont des zones où la pollution des eaux par le rejet direct ou indirect de nitrates d’origine agricole et d’autres composés azotés susceptibles de se transformer en nitrates, menace à court terme la qualité des milieux aquatiques et plus particulièrement l’alimentation en eau potable.

La délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates est fixée par arrêté du préfet coordonnateur de bassin.

L’article précité précise que la procédure d’élaboration de l’arrêté par lequel le préfet coordonnateur de bassin procède à la délimitation des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates comporte :

  • D’abord une phase d’élaboration d’un projet en concertation avec certains acteurs 1) Les autres acteurs participant à la concertation sont des représentants des usagers de l’eau, des communes et leurs groupements, des personnes publiques ou privées qui concourent à la distribution de l’eau, des associations agréées de protection de l’environnement intervenant en matière d’eau et des associations de consommateurs., notamment les organisations professionnelles agricoles ;
  • Puis une phase de consultation portant sur le projet de délimitation des zones vulnérables, cette dernière devant être effectuée auprès de certaines personnes publiques et organismes 2) Les autres personnes publiques et organismes consultés sont les conseils régionaux et l’Assemblée de Corse, les chambres régionales de l’agriculture, les agences de l’eau, et la commission régionale de l’économie agricole et du monde rural., dont les chambres régionales d’agriculture.

Or, en l’espèce, le préfet coordonnateur de bassin avait réalisé la concertation, non pas avec les organisations professionnelles agricoles mais avec les chambres d’agriculture.

Sur ce point, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que la circonstance que les organisations professionnelles agricoles sont représentées au sein des chambres d’agriculture ne permettait pas de les assimiler à ces dernières pour la mise en œuvre de la procédure de concertation. En effet, les chambres d’agriculture constituent des organismes professionnels distincts des organisations professionnelles agricoles.

Le Conseil d’Etat a estimé qu’en jugeant ainsi, la cour n’avait pas entaché son arrêt d’une erreur de droit.

2. Appréciation souveraine des juges du fond sur les modalités de la concertation

Une fois la réalité du vice de procédure constaté, il y avait lieu de s’interroger sur ses conséquences.

Pour rappel, dans son arrêt de principe Danthony du 23 décembre 2011, le Conseil d’Etat a jugé qu’un vice de procédure n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier (CE 23 décembre 2011 Danthony, req. n° 335033 : Rec. Lebon) :

  • qu’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise ;
  • ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

En l’espèce, le ministre de la transition écologique et solidaire soutenait qu’en raison de la représentation des organisations professionnelles agricoles au sein des chambres d’agriculture, le fait que ces organisations professionnelles n’aient pas, à elles seules, participé à la procédure de concertation, est sans influence sur le sens de la décision prise.

Or, dans son arrêt du 9 avril 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que :

  • La procédure de concertation, destinée à permettre l’élaboration du projet de délimitation des zones vulnérables, ne peut pas être confondue avec la procédure de consultation qui porte sur un projet déjà élaboré.
  • Les suggestions et observations présentées par les chambres d’agriculture au cours de la procédure de concertation ne peuvent pas tenir lieu de celles qui auraient pu être portées par les organisations professionnelles agricoles qui ne sont pas constituées selon les mêmes modalités et ne poursuivent pas les mêmes fins.
  • Et que les organisations professionnelles agricoles ont en l’espèce été privées de la garantie que constitue, tant pour elles-mêmes que pour leurs adhérents ou sociétaires, la possibilité de s’exprimer et, le cas échéant, de voir leurs observations retenues, au stade de l’élaboration du projet en cause.

Finalement, le Conseil d’Etat a jugé que :

« C’est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a estimé que l’absence de consultation des organisations professionnelles agricoles au cours de la phase de concertation avait privé les organisations professionnelles en cause d’une garantie et avait été susceptible d’exercer une influence sur le sens de l’arrêté contesté ».

La Haute juridiction limite donc son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation s’agissant des conséquences d’un vice de procédure lors de la concertation.

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References   [ + ]

1. Les autres acteurs participant à la concertation sont des représentants des usagers de l’eau, des communes et leurs groupements, des personnes publiques ou privées qui concourent à la distribution de l’eau, des associations agréées de protection de l’environnement intervenant en matière d’eau et des associations de consommateurs.
2. Les autres personnes publiques et organismes consultés sont les conseils régionaux et l’Assemblée de Corse, les chambres régionales de l’agriculture, les agences de l’eau, et la commission régionale de l’économie agricole et du monde rural.

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