Le Conseil d’Etat encadre l’invocabilité du principe de non-régression

Catégorie

Environnement

Date

April 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 27 mars 2023 Association Réseau « Sortir du nucléaire », req. n°463186 : mentionné aux T du Rec. CE

Par une décision en date du 27 mars 2023, le Conseil d’Etat précise les conditions d’invocabilité du principe de non-régression.

Selon ce principe, figurant à l’article L. 110-1 9° du code de l’environnement, la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment 1)L. 110-1, II, 9° c. env.

Ce principe ne peut être opposé qu’au pouvoir réglementaire. A défaut de constitutionnalisation 2)DC 10 décembre 2020 Loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, n°2020-809 DC : « S’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il doit prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement. », il ne peut concerner des dispositions de nature législative (sans être contraignant, il a tout de même vocation à guider le travail du législateur).

Dans ce contexte, une association contestait deux décrets dont elle estimait qu’ils méconnaissaient le principe de non-régression :

  • le décret n°2022-174 du 14 février 2022 3)décret n°2022-174 relatif à la mise en œuvre d’opérations de valorisation de substances faiblement radioactives
  • le décret n°2022-175 du 14 février 2022 4)décret n°2022-175 relatif aux substances radioactives éligibles aux opérations de valorisation

Les dispositions des décrets contestés ont pour objet de permettre au ministre chargé de la radioprotection d’autoriser la valorisation de certaines substances métalliques provenant d’une installation dans laquelle est exercée ou s’est exercée une activité nucléaire, soit dans une installation classée pour la protection de l’environnement, soit dans une installation nucléaire de base.

Ce principe n’est toutefois pas invocable, et tel est l’apport majeur de la décision,

  • lorsque le législateur a entendu en écarter l’application dans un domaine particulier ;
  • lorsque le législateur a institué un régime protecteur de l’environnement et confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de dérogations qu’il a lui-même prévues à ce régime

En l’espèce, le Conseil d’Etat estime que les dispositions de l’article L. 1333-4 du code de la santé publique 5)L. 1333-4 csp qui permettent l’interdiction ou la réglementation, par voie réglementaire de certaines activités nucléaires n’ont pas pour effet d’écarter l’application du principe de non-régression ou de confier au pouvoir réglementaire compétence pour déterminer les conditions de mise en œuvre de dérogation à un régime protecteur de l’environnement.

Partant, le principe de non-régression est bien invocable en l’espèce.

Cependant, le Conseil d’Etat note que le dispositif permettant la réutilisation de matériaux :

  • comporte des garanties destinées à prévenir les risques pour la santé et l’environnement
  • ne concerne que des matériaux faiblement radioactifs

En conséquence, le dispositif envisagé ne conduit pas à une régression.

Le Conseil d’Etat ne précise pas quelles sont les garanties destinées à prévenir les risques pour la santé et l’environnement qui l’ont conduit à écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-régression : les juges ont sans doute tenu compte des différents éléments mentionnés considérant 5 (le contrôle des métaux se fait lors de l’entrée dans l’installation et les produits ne doivent pas dépasser les valeurs limites acceptables de substances radioactives 6)ces limites figurent dans l’annexe 13-8 du décret 2022-174).

 

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References   [ + ]

1. L. 110-1, II, 9° c. env
2. DC 10 décembre 2020 Loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, n°2020-809 DC : « S’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il doit prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement. »
3. décret n°2022-174
4. décret n°2022-175
5. L. 1333-4 csp
6. ces limites figurent dans l’annexe 13-8 du décret 2022-174

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