Présomption d’urgence à suspendre en référé un arrêté de cessibilité, y compris après l’ordonnance du juge de l’expropriation portant transfert de propriété

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

February 2021

Temps de lecture

3 minutes

CE 27 janvier 2021, req. n° 437237 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Par un arrêté du 27 juin 2019, le préfet de la Vendée a déclaré d’utilité publique le projet de réalisation de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) du centre-ville du Poiré-sur-Vie, puis par un arrêté du 19 septembre suivant, le préfet a déclaré cessible au bénéfice de l’établissement public foncier de la Vendée la parcelle dont étaient propriétaires les requérants.

Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de suspension des deux arrêtés.

Statuant sur les pourvois de l’établissement public foncier de la Vendée et de la commune du Poiré-sur-Vie, d’une part, et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, d’autre part, le Conseil d’Etat pose le principe que la condition d’urgence à suspendre en référé un arrêté de cessibilité est en principe remplie, y compris après l’ordonnance du juge de l’expropriation.

Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative lorsqu’une décision administrative fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets sous la réserve que deux conditions soient remplies. Il faut premièrement que l’urgence le justifie. Il faut deuxièmement qu’il soit fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Par ailleurs, le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit qu’à défaut de de cession amiable de la propriété d’un immeuble ou de droits réels, le transfert est opéré par une ordonnance du juge de l’expropriation (article L. 220-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique). Cette ordonnance éteint tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés (L. 222-2 du même code). L’ordonnance portant transfert de propriété est liée à la déclaration d’utilité publique et à l’arrêté de cessibilité puisqu’elles participent d’une même opération.

Ainsi, l’annulation définitive de l’une ou de l’autre emporte la disparition de la base légale de l’ordonnance et ouvre droit à son annulation. De même, à la suite de la suspension de l’une ou de l’autre, le juge de l’expropriation doit sursoir au prononcé de son ordonnance dans l’attente de la décision de la juridiction administrative sur le fond de l’affaire (R. 221-3).

En l’espèce, alors que l’ordonnance d’expropriation avait déjà été rendue, procédant de facto au transfert de propriété, le Conseil d’Etat considère que « eu égard à l’objet d’un arrêté de cessibilité et à ses effets pour les propriétaires concernés, la condition d’urgence à laquelle est subordonné l’octroi d’une mesure de suspension en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, en principe, comme remplie, sauf à ce que l’expropriant justifie de circonstances particulières, notamment si un intérêt public s’attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l’expropriation  ».

Dès lors, pour le Conseil d’Etat, le transfert de propriété opéré par l’ordonnance du juge de l’expropriation n’est pas un obstacle à l’appréciation de la condition d’urgence pour la suspension d’un arrêté de cessibilité. Et , il confirme sa jurisprudence selon laquelle l’objet même de l’arrêté de cessibilité crée une présomption d’urgence à le suspendre (CE, 5 décembre 2014, n°369522). Cette présomption peut être renversée s’il existe des éléments de nature à établir qu’il soit nécessaire de permettre l’exécution immédiate de la décision contestée notamment si un intérêt public s’attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l’expropriation. Le Conseil d’Etat précise en outre qu’en l’espèce, l’ordonnance d’expropriation n’était pas devenue définitive et que le bénéficiaire de cette dernière n’avait pas encore fait usage du bien pour y entamer les travaux projetés. La solution pourrait donc être différente si l’ordonnance avait acquis un caractère définitif mais la décision n’est pas fichée sur ce point.

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