Principe de précaution et antennes relais : le maire une nouvelle fois court-circuité !

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

October 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 21 octobre 2013 société orange France, req. n° 360481 : à mentionner aux tables du Rec. CE

On sait que les compétences des maires en matière d’antennes relais sont fort limitées 1) L. Gosseye, S. Roux, Antennes relais : les compétences limitées des maires, Courrier des maires n° 269-270, juin-juillet 2013 – Voir également récemment sur la nécessité de l’interdiction de l’implantation des antennes relais par le PLU dans le rapport de présentation : http://www.adden-leblog.com/?p=4506 .

D’une part, l’existence d’une police spéciale confiée à l’Etat leur interdit en effet de faire usage de leur pouvoir de police générale pour élaborer une réglementation visant à interdire ou à conditionner l’implantation d’antennes relais sur le territoire de leur commune 2) CE 26 décembre 2012 commune de Saint-Pierre-d’Irube, req. n° 352117. et d’autre part les magistrats administratifs censurent systématiquement les refus d’autorisation individuelles opposés aux opérateurs de téléphonie mobile sur le fondement du principe de précaution 3) CE 30 janvier 2012 société Orange France, req. n° 344992 ; Rec. CE..

Dans ce domaine, le maire ne dispose donc en réalité que d’un droit à l’information garanti par l’article L. 96-1 du code des postes et des communications électroniques aux termes duquel :

 « Toute personne qui exploite, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radio-électriques est tenue de transmettre au maire de cette commune, sur sa demande, un dossier établissant l’état des lieux de cette ou de ces installations. Le contenu et les modalités de transmission de ce dossier sont définis par l’arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques, de la communication, de la santé et de l’environnement ».

 Sans doute conscient que ce droit à l’information était la dernière porte d’entrée pour réglementer la présence d’antennes-relais sur son territoire, le maire d’Issy-les-Moulineaux s’est ainsi opposé à la déclaration préalable déposée par la société Orange en vue de la réalisation d’un relais de téléphonie mobile dans sa commune notamment au motif du caractère incomplet du dossier 4) La société orange avait notamment omis de faire apparaître dans ce dossier l’estimation du niveau maximum de champ reçu sous la forme d’un pourcentage par rapport à la valeur de référence de la recommandation européenne. transmis par l’opérateur sur le fondement de l’article L. 96-1 du code des postes et des communications électroniques précité.

 Saisi d’un recours contre ce refus, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise valide le raisonnement du maire et rejette donc le recours au motif que « l’autorité compétente en matière d’urbanisme, qui doit prendre en compte le principe de précaution, peut, lorsqu’elle constate que le dossier qui lui a été transmis au titre du droit à l’information prévu par l’article L. 96-1 du code des postes et des communications électroniques, ne comprend pas les éléments prévus par ces dispositions, s’opposer à l’installation tant que l’opérateur ne lui a pas fourni les éléments lui permettant de s’assurer que le projet soumis à autorisation n’est pas susceptible de présenter le risque de réalisation d’un dommage, bien qu’incertain en l’état des connaissances scientifiques, pouvant affecter la santé publique de manière grave et irréversible ».

 Dans sa décision du 21 octobre 2013, le Conseil d’Etat censure cette approche en jugeant que les dispositions qui garantissent le droit à l’information des maires et concernent les exploitants d’installation radio-électriques en fonctionnement « sont sans application dans le cadre de l’instruction des déclarations ou demandes d’autorisation d’urbanisme, pour lesquelles le contenu du dossier de demande est défini par les dispositions de la partie réglementaire du code de l’urbanisme ».

 En d’autres termes et selon le fichage de la décision : le principe de précaution garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement ne permet pas, par lui-même, au maire d’exiger à l’appui d’une déclaration préalable de travaux la production de documents non prévus par les textes législatifs et réglementaires d’urbanisme en vigueur.

Le Conseil d’Etat – faisant application du principe d’indépendance des législations – ferme donc la porte aux maires qui seraient tentés de se fonder sur leur droit à l’information – seule prérogative restante à ces autorités – pour refuser une autorisation d’urbanisme visant à implanter des antennes relais.

Jugeant l’affaire au fond, la Haute juridiction rejette ensuite classiquement tous les autres motifs retenus par le maire pour s’opposer aux travaux déclarés par l’opérateur et notamment celui fondé sur le principe de précaution en raison de la proximité de crèches ou d’établissements scolaires 5) Le Conseil d’Etat juge en effet « qu’en l’espèce, il ne ressort des pièces versées au dossier aucun élément circonstancié de nature à établir l’existence, en l’état des connaissances scientifiques, d’un risque pouvant résulter, pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de téléphonie mobile et justifiant que, indépendamment des procédures d’évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d’être mises en oeuvre par les autorités compétentes, le maire d’Issy-les-Moulineaux s’oppose à la déclaration préalable faite par la société Orange France, en application de la législation de l’urbanisme, en vue de l’installation des antennes en cause dans la présente instance ».

 

 

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References   [ + ]

1. L. Gosseye, S. Roux, Antennes relais : les compétences limitées des maires, Courrier des maires n° 269-270, juin-juillet 2013 – Voir également récemment sur la nécessité de l’interdiction de l’implantation des antennes relais par le PLU dans le rapport de présentation : http://www.adden-leblog.com/?p=4506
2. CE 26 décembre 2012 commune de Saint-Pierre-d’Irube, req. n° 352117.
3. CE 30 janvier 2012 société Orange France, req. n° 344992 ; Rec. CE.
4. La société orange avait notamment omis de faire apparaître dans ce dossier l’estimation du niveau maximum de champ reçu sous la forme d’un pourcentage par rapport à la valeur de référence de la recommandation européenne.
5. Le Conseil d’Etat juge en effet « qu’en l’espèce, il ne ressort des pièces versées au dossier aucun élément circonstancié de nature à établir l’existence, en l’état des connaissances scientifiques, d’un risque pouvant résulter, pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de téléphonie mobile et justifiant que, indépendamment des procédures d’évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d’être mises en oeuvre par les autorités compétentes, le maire d’Issy-les-Moulineaux s’oppose à la déclaration préalable faite par la société Orange France, en application de la législation de l’urbanisme, en vue de l’installation des antennes en cause dans la présente instance »

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