Promesse de vente de biens du domaine public sous condition suspensive de leur déclassement et contrat illicite

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2017

Temps de lecture

4 minutes

CE 15 novembre 2017 Commune d’Aix-en-Provence et société d’économie mixte d’équipement du Pays d’Aix, req. n° 409728-409799 : Rec. CE T.

Par cette décision, le Conseil d’Etat juge qu’il était déjà possible, avant l’ordonnance du 19 avril 2017, de conclure une promesse de vente de biens du domaine public sous condition suspensive de leur déclassement, que la résiliation partielle d’une convention de gestion globale du stationnement conclue en 1986 peut méconnaître les règles de modification des contrats de concession issues de l’ordonnance du 29 janvier 2016 et, enfin, qu’une convention ayant pour seul objectif de faire obstacle à un transfert de compétence a un objet illicite.

1 Le contexte

La commune d’Aix-en-Provence et la société d’économie mixte d’équipement du Pays d’Aix (SEMEPA) ont conclu le 29 décembre 1986 une convention de concession de la gestion du service public du stationnement hors voirie et du service public du stationnement sur voirie.

Par une convention conclue le 9 juin 2016, elles ont entendu résilier partiellement cette concession, en tant qu’elle concerne l’exploitation des ouvrages hors voirie. Cette convention comprenait également une promesse de vente de ces ouvrages à la SEMEPA, sous condition suspensive de leur déclassement du domaine public.

Le préfet des Bouches-du-Rhône a déféré cette convention au tribunal administratif de Marseille en demandant également sa suspension. Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande de suspension au motif de la méconnaissance du principe d’inaliénabilité du domaine public et de l’incompétence de la commune pour conclure une telle convention. Après rejet de leur appel, la commune et la SEMEPA ont saisi le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat va censurer les deux motifs d’illégalité retenus initialement par les juges du référé du tribunal puis de la cour administrative d’appel. En revanche, il va en retenir deux autres.

2 La promesse de vente sous condition suspensive du déclassement

L’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 3112-4 admettant une telle possibilité : « Un bien relevant du domaine public peut faire l’objet d’une promesse de vente ou d’attribution d’un droit réel civil dès lors que la désaffectation du bien concerné est décidée par l’autorité administrative compétente et que les nécessités du service public ou de l’usage direct du public justifient que cette désaffectation permettant le déclassement ne prenne effet que dans un délai fixé par la promesse. / A peine de nullité, la promesse doit comporter des clauses précisant que l’engagement de la personne publique propriétaire reste subordonné à l’absence, postérieurement à la formation de la promesse, d’un motif tiré de la continuité des services publics ou de la protection des libertés auxquels le domaine en cause est affecté qui imposerait le maintien du bien dans le domaine public […] ».

La convention conclue entre la commune et la SEMEPA est antérieure, mais le Conseil d’Etat juge que : « qu’ aucune disposition du code général de la propriété publique ni aucun principe ne faisaient obstacle à ce que, antérieurement à l’entrée en vigueur de ces dispositions, des biens relevant du domaine public fassent l’objet d’une promesse de vente sous condition suspensive de leur déclassement, sous réserve que le déclassement soit précédé de la désaffectation du bien et que la promesse contienne des clauses de nature à garantir le maintien du bien dans le domaine public si un motif, tiré notamment de la continuité du service public, l’exigeait ».

Il censure donc le premier motif retenu par le juge des référés.

3 L’incompétence de la commune

La compétence relative à la création et à la gestion des parcs de stationnement sera obligatoirement exercée par la métropole Aix-Marseille-Provence. Néanmoins, elle ne doit l’être qu’au 1er janvier 2018.

Le Conseil d’Etat censure donc le second motif retenu par le juge des référés, qui avait estimé que, durant la période transitoire, la commune ne pouvait d’ores et déjà plus conclure de convention en la matière.

4 La modification de la concession

Les règles relatives à la modification des concessions sont désormais fixées par l’article 55 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et l’article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016.

Toutefois, ces règles sont, en vertu de l’article 78 de la même ordonnance, applicables à la modification des contrats de concession en cours avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance. Elles sont donc applicables à la modification en juin 2016 d’une concession conclue en 1986.

Au cas présent, le Conseil d’Etat considère que la concession de 1986, qui avait pour objet de concéder la gestion du service public du stationnement hors voirie et du service public du stationnement sur voirie, constituait, du fait notamment des conditions de son équilibre financier, un ensemble unique. Dès lors, sa résiliation partielle « doit être regardée, eu égard à son ampleur, comme changeant la nature globale du contrat initial » et « elle introduit, en outre, des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient pu attirer davantage de participants ou permis l’admission de candidats ou soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou le choix d’une offre autre que celle initialement retenue ». Ceci en méconnaissance des règles de modification des contrats de concession.

5 L’objet illicite de la convention

Enfin, au vu de certains communiqués et déclarations de la commune, le Conseil d’Etat relève « qu’en procédant à la résiliation de la convention du 24 octobre 2003 et à la modification de la convention du 29 décembre 1986, puis à la cession des parcs de stationnement hors voirie à la SEMEPA, la ville et la SEMEPA ont eu pour seul objectif de faire obstacle à l’exercice, par la métropole d’Aix-Marseille-Provence, de la compétence en matière de parcs de stationnement que lui confèrent, à compter du 1er janvier 2018, les dispositions de l’article L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales ».

Il en déduit que « le moyen tiré de ce que la convention du 9 juin 2016 avait un objet illicite et devait être regardée comme entachée d’un “détournement de pouvoir” est de nature à créer un doute sérieux sur la validité de cette convention ».

S’il s’agit d’une décision portant sur un référé, ces différentes solutions devraient être vraisemblablement confirmées au fond.

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