Publication de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2016

Temps de lecture

8 minutes

Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession

Au Journal officiel du 30 janvier 2016, est parue l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, accompagnée d’un Rapport au Président de la République en présentant succinctement l’objet et le plan.

Cette ordonnance, somme toute assez dense (27 pages et 79 articles), devra encore être complétée par un décret et entrera en vigueur au plus tard le 1er avril 2016.

    1 L’objet de l’ordonnance : transposition de la directive et unification relative des règles des concessions

Parallèlement à la transposition des deux nouvelles directives relatives à la passation des marchés publics 1)Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE ; directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE. par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et son futur décret d’application, cette ordonnance vise pour sa part à transposer la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.

Si, ce faisant, elle se trouve unifier les règles applicables aux différents contrats qualifiables de contrats de concession au regard du droit de l’Union européenne, elle entend néanmoins également préserver leur spécificité, à commencer par celle des conventions de délégation de service public (DSP).

Ainsi que l’énonce le Rapport au Président de la République, qui lève au passage le voile sur certains aspects du futur décret d’application :

    « Cet exercice de transposition est ainsi l’occasion, tout à la fois, d’une simplification et d’une rationalisation de l’architecture du droit interne des contrats de concession. La présente ordonnance rassemble, au sein d’un corpus unique, les règles régissant tous les contrats constituant des concessions au sens de la directive européenne, tout en conservant les dispositifs propres à certaines concessions, justifiés par leurs spécificités. Ainsi, dès lors qu’elles ne sont pas contraires au droit de l’Union européenne, ces règles spécifiques sont préservées afin de garantir la stabilité des équilibres sur lesquels reposent les secteurs concernés de l’économie concédée.
    Ce travail d’harmonisation est de nature à renforcer substantiellement la sécurité juridique des procédures et à accroître l’efficacité de la commande publique. Il est mis fin, en particulier, à la dualité, désormais obsolète, des régimes juridiques internes relatifs aux concessions de travaux et aux délégations de service public, respectivement soumis à l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics et à la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ». Cette unification permet également, sans remettre en cause la notion même de service public ni la possibilité de concéder un service public, de clarifier le cadre juridique des concessions. En effet, tout en mettant fin au vide juridique caractérisant jusqu’à présent les concessions de services ne portant pas sur la gestion d’un service public, l’ordonnance préserve la liberté des personnes publiques de choisir librement le mode de gestion de leurs services publics.
    Ainsi ordonné, l’exercice de transposition préserve l’acquis hérité de la loi Sapin, dont les grands équilibres sont repris, notamment dans la procédure « simplifiée ». Cette procédure sera applicable aux contrats d’une valeur estimée inférieure au seuil d’application de la directive et à certains secteurs de l’économie concédée, qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive indépendamment de la valeur du contrat
    ».

De fait, le maintien de l’attachement à la notion de délégation de service public (qui, en l’état de l’ordonnance, ne concerne toutefois que les collectivités territoriales et leurs groupement) parallèlement à l’unification des règles relatives aux concessions se traduit notamment, en pratique, par :

    ► une définition, à l’article 5 de l’ordonnance, des contrats de concession, qui reprend celle de la directive :
    « Les contrats de concession sont les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises à la présente ordonnance confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix.
    La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts qu’il a supportés, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service
    ».
    ► La précision, à l’article 6-III définissant les contrats de concession de services comme ceux ayant pour objet la gestion d’un service, du fait qu’ils « peuvent consister à déléguer la gestion d’un service public » ;
    ► Le maintien, à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, d’une définition – réécrite – de la délégation de service public :
    « Une délégation de service public est un contrat de concession au sens de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, conclu par écrit, par lequel une autorité délégante confie la gestion d’un service public à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix […] ». 2)Réécriture par l’article 58-2° de l’ordonnance.

L’Etat et ses établissements publics pourront donc concéder la gestion d’un service public mais cette concession ne portera pas le nom de “délégation de service public”.

    2 Le plan et le contenu de l’ordonnance

Pour l’essentiel, et comme l’ordonnance relative aux marchés publics, l’ordonnance relative aux contrats de concession énonce des définitions et son champ d’application, ainsi que de nombreux principes, dont le détail relèvera du décret. Et si, par ailleurs, les règles qu’elle édicte sont majoritairement issues de la directive, on y trouve cependant, saupoudrées de-ci, de-là, des dispositions issues des règles propres aux conventions de délégation de service public (telles que le rapport annuel du délégataire).

    2.0 Le Titre préliminaire

Ce titre :

    ► rappelle les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ;
    ► ainsi que le fait que les autorités concédantes sont libres de décider du mode de gestion qu’elles estiment le plus approprié pour exécuter des travaux ou gérer des services ;
    ► et prévoit que les contrats de concession relevant de l’ordonnance passés par des personnes morales de droit public sont des contrats administratifs.
    2.1 Le Titre premier : le champ d’application

Ce titre :

    ► énonce un certain nombre de définitions (types de contrats de concession et ceux qui n’en sont pas ; autorités concédantes : pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices ; activités d’opérateurs de réseaux) ;
    ► définit les contrats de concession exclus du champ d’application de l’ordonnance (dont les hypothèses de quasi-régie ou de convention de coopération entre collectivités publiques) ;
    ► précise les règles applicables aux contrats mixtes ;
    ► prévoit l’application de certains articles de l’ordonnance aux contrats de concession relevant du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route.
    2.2 Le Titre II : la passation des contrats de concession

Ce long titre, et pour l’essentiel, énonce :

    ► la possibilité de groupements d’autorités concédantes ;
    ► diverses règles relatives au contenu des contrats de concession, majoritairement reprises de celles propres aux DSP (interdiction de prise en charge de paiements ou travaux étrangers à l’objet du contrat, interdiction de certains droits d’entrée, limitation de la durée du contrat…) mais également de la directive (possibilité de stipuler des conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi).
    ► le principe d’une publicité et d’une mise en concurrence de l’attribution des concession, selon des modalités définies par le décret à venir ;
    ► les diverses et nombreuses interdictions de soumissionner ;
    ► les principes applicables à la sélection des candidats (les conditions de participation pouvant toujours, lorsque la gestion d’un service public est déléguée, porter sur l’aptitude des candidats à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public) ;
    ► et ceux applicables au choix de l’offre, les articles 46 et 47 de l’ordonnance énonçant respectivement les principes de liberté de la négociation 3)« Les autorités concédantes peuvent organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par voie réglementaire. La négociation ne peut porter sur l’objet de la concession, les critères d’attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ». et de choix de l’offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante au vu de critères 4)« Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution./ Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’autorité concédante et garantissent une concurrence effective »..
    2.3 Le Titre III : les dispositions relatives à l’occupation domaniale

Ce titre, qui ne comprend que deux articles, prévoit :

    ► que lorsque le contrat de concession emporte occupation du domaine public, il vaut autorisation d’occupation de ce domaine pour sa durée ;
    ► que si le contrat le prévoit, le concessionnaire a des droits réels sur les ouvrages et équipements qu’il réalise, lesquels lui confèrent les prérogatives et obligations du propriétaire ;
    ► et que le concessionnaire peut être autorisé à conclure des baux ou droits d’une durée excédant celle du contrat de concession, revenant ensuite au concédant.
    2.4 Le Titre IV : l’exécution des contrats de concession

Ce titre prévoit :

    ► pour l’information de l’autorité concédante : le rapport annuel du concessionnaire ; et pour les tiers : la mise à disposition, sous un format ouvert et librement réutilisable, des données essentielles et non confidentielles du contrat de concession ;
    ► la possibilité pour le concessionnaire de confier à des tiers une part des services ou travaux faisant l’objet du contrat de concession et pour l’autorité concédante de le lui imposer ;
    ► le principe de la possibilité de modifier un contrat de concession en cours d’exécution sans nouvelle procédure de mise en concurrence, selon des modalités précisées par décret ;

    ► les modalités particulières d’indemnisation du concessionnaire (indemnisation des dépenses utiles et le cas échéant des frais liés au financement ; divisibilité des clauses contractuelles y afférentes).
    2.5 Le Titre V : les dispositions relatives aux collectivités territoriales et à leurs groupements

Ce titre modifie le code général des collectivités territoriales (CGCT) :

    ► pour modifier le chapitre relatif aux DSP (articles L. 1411-1 et suivants) afin, notamment, d’en réécrire la définition et de réécrire l’article L. 1411-5 relatif à la procédure (intervention de la commission ouvrant les plis contenant les candidatures ou les offres et dressant la liste des candidats admis à présenter une offre ; rapport à l’assemblé délibérante…) ;
    ► et pour insérer juste avant un Chapitre préliminaire relatif aux « Règles générales applicables aux contrats de concession » (articles L. 1410-1 à L. 1410-3) renvoyant à l’ordonnance mais, surtout, excluant de celle-ci les délégations de compétences définies aux articles L. 1111-8 et L. 1111-8-1 et les transferts de compétences prévus à la cinquième partie du CGCT (ainsi, à titre de rappel, que les conventions déjà exclues par l’ordonnance lorsqu’elles sont qualifiables de quasi-régie ou de convention de coopération entre collectivités publiques).

    2.6 Le Titre VI : les dispositions relatives à l’outre-mer

Qui énonce classiquement les adaptations des règles de l’ordonnance pour chaque collectivité concernée.

    2.7 Le Titre VII : les dispositions diverses

Celui-ci modifie un grand nombre de codes (justice administrative, urbanisme, transport, voirie routière…). Il procède également à l’abrogation de diverses dispositions, et notamment les chapitres IV, V et VI de la loi Sapin du 29 janvier 1993 et l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics.


    2.8 Le Titre VIII : les dispositions transitoires et finales

L’article 78 de ce titre définit ainsi les règles d’entrée en vigueur et d’applicabilité de l’ordonnance :

    « La présente ordonnance entre en vigueur à une date fixée par voie réglementaire et au plus tard le 1er avril 2016, à l’exception du I de l’article 56 qui entre en vigueur le lendemain du jour de la publication de la présente ordonnance.
    Elle s’applique aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de concession est envoyé à la publication à compter de sa date d’entrée en vigueur.
    Toutefois, l’article 55 s’applique également à la modification des contrats qui sont des contrats de concession au sens de la présente ordonnance et qui ont été conclus ou pour lesquels une procédure de passation a été engagée ou un avis de concession a été envoyé à la publication avant la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance.
    Les I et III de l’article 56 de la présente ordonnance s’appliquent aux décisions juridictionnelles rendues à compter de l’entrée en vigueur desdites dispositions
    ».

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References   [ + ]

1. Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE ; directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE.
2. Réécriture par l’article 58-2° de l’ordonnance.
3. « Les autorités concédantes peuvent organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par voie réglementaire. La négociation ne peut porter sur l’objet de la concession, les critères d’attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ».
4. « Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution./ Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’autorité concédante et garantissent une concurrence effective ».

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