Qualité de l’air : Le Conseil d’Etat laisse l’Etat souffler

Catégorie

Environnement

Date

May 2025

Temps de lecture

4 minutes

CE 25 avril 2025, req. n° 428409 : publié au Rec. CE

L’affaire, objet de la décision commentée, avait été initiée sur demande de l’association « Les Amis de la Terre France » et avait aboutie à une première décision du Conseil d’Etat en date du 12 juillet 2017 1)CE 12 juillet 2017, req. n° 394254 par laquelle il avait ordonné à l’Etat de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré un plan relatif à la qualité de l’air conforme à l’article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008. Ce plan devait avoir pour objet de réduire, en-deçà des valeurs limites fixées par cette directive, les particules fines PM10 et les émissions de dioxyde d’azote dans 13 zones urbaines et ce, dans le délai le plus court possible afin qu’il soit transmis à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.

Par une décision en date du 10 juillet 2020 2)CE 10 juillet 2020, req. n° 428409, le Conseil d’Etat a reconnu que les objectifs ont été atteints pour 5 zones urbaines. Il a cependant prononcé une astreinte à l’encontre de l’Etat s’il ne justifiait pas, dans les 6 mois suivant la notification de cette décision, avoir exécuté la décision du 12 juillet 2017 pour chacune des 8 zones restantes énumérées. Le montant de cette astreinte a été fixé à 10 millions d’euros par semestre jusqu’à la date d’exécution.

Par suite, par des décisions en date du 4 août 2021 3)CE 4 août 2021, req. n° 428409, du 17 octobre 2022 4)CE 17 octobre 2022, req. n° 428409 et du 24 novembre 2023 5)CE 24 novembre 2023, req. n° 428409, le Conseil d’Etat a procédé à la liquidation provisoire de l’astreinte et condamné l’Etat à verser des sommes allant de 10 à 20 millions d’euros, réparties entre l’association Les Amis de la Terre France France, des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air et plusieurs agences environnementales et centres d’étude sur la qualité de l’air.

Le 31 mai 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a formulé des observations aux termes desquelles il a précisé les mesures adoptées par l’Etat. Par trois mémoires enregistrés le 13 septembre 2024 ainsi que le 17 et le 7 février 2025, de nombreuses associations dont « Les Amis de la Terre France » ont demandé au Conseil d’Etat de :

  • constater que les décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 n’avaient pas été pleinement exécutées au terme du délai laissé par la décision du 10 juillet, soit le 10 janvier 2021 ;
  • condamner l’Etat au titre de la liquidation provisoire de l’astreinte, au paiement de 20 millions d’euros pour la période de deux semestres du 13 juillet 2023 au 13 juillet 2024 ;
  • majorer le montant de l’astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 pour la porter à 20 millions d’euros par semestre de retard dans l’exécution de cette décision.

Par sa décision en date du 25 avril 2025, le Conseil d’Etat constate :

  • Au regard de l’évolution des concentrations en dioxyde d’azote :
    • Dans la ZAG Lyon : une seule station de mesure était encore en situation de dépassement de la valeur limite de concentration fixée à 40 µg/m3, en effet la moyenne annuelle en 2023 s’était établie à 44 µg/m3. Le Conseil d’Etat estime ainsi que, si la ZAG de Lyon a connu un dépassement, elle est en bonne voie de respecter les objectifs de concentration.
    • Dans la ZAG Paris : si la valeur annuelle moyenne d’émissions de dioxyde d’azote a diminué, passant de 73 µg/m3 en 2019 à 46 µg/m3 en 2023. Le Conseil d’Etat se fonde sur les estimations transmises par la ministre chargée de la transition écologique pour estimer que plus aucune station de mesure située dans la ZAG de Paris ne devrait être en situation de dépassement en 2026.
  • Au regard des mesures adoptées :
    • Dans la ZAG Lyon : le troisième plan de protection de l’atmosphère (PPA3) pour la période 2022-2027, approuvé fin 2022, comporte un plan d’actions prévoyant notamment de réserver certaines voies routières aux véhicules transportant plusieurs personnes ainsi que de réduire temporairement les vitesses maximales autorisées. Également, une voie réservée au covoiturage et transports en commun a été mise en service à une vitesse maximale réduite de 20 km/h. La circulation des véhicules comportant une vignette Crit’Air 4 connaît une interdiction de principe effective depuis le 1er janvier 2024 et pour les vignettes Crit’Air 3, depuis le 1er janvier 2025. Également, des financements d’une dizaine de millions d’euros de projets d’actions de sensibilisation, de communication, d’accompagnement au déploiement de la zone à faibles émissions de la métropole ainsi que de soutien aux mobilités douces et au covoiturage ont eu lieu.
    • Dans la ZAG Paris : le quatrième plan de protection de l’atmosphère d’Île-de-France (PPA4) adopté le 29 janvier 2025, prévoit de nombreuses mesures susceptibles de favoriser les mobilités partagées, l’accompagnement de la Métropole du Grand Paris pour la mise en place de la zone à faibles émissions, la lutte contre les émissions des plateformes aéroportuaires, la réduction des émissions de chauffage au bois, l’objectif de faire passer la part du vélo dans les déplacements franciliens de 2 à 9 %, l’intégration de 15 communes supplémentaires dans le périmètre de la zone à faibles émissions. Il résulte également des éléments transmis par la ministre chargée de la transition écologique, que la réduction de la vitesse maximale autorisée sur le boulevard périphérique de 70 à 50 km/h depuis le 1er octobre 2024 a conduit, pour l’une des dernières stations de mesure en situation de dépassement, à une baisse de 5,9 µg/m3 de la concentration moyenne de dioxyde d’azote entre octobre 2024 et février 2025. De même, la réglementation relative aux vignettes Crit’Air ainsi que le développement d’un dispositif de contrôle automatisé des véhicules accédant au périmètre de la zone à faibles émissions (qui devrait être opérationnel à la fin de l’année 2026) permet de réduire la part de véhicules classés Crit’Air 3 au sein du parc automobile francilien.
    • Sur le plan national : les mesures d’aide à l’acquisition de véhicules moins polluants, d’incitation en faveur de mobilités actives ou relatives au secteur du bâtiment ne peuvent que contribuer à la baisse de la pollution du dioxyde d’azote.

Ces différentes mesures ont été jugées suffisamment précises et crédibles par le Conseil d’Etat pour envisager le respect des valeurs limites de concentration en dioxyde d’azote dans la ZAG Paris à brève échéance et dans la ZAG Lyon.

Dans ces conditions, la Haute juridiction administrative estime que la décision en date du 12 juillet 2017 doit être regardée comme exécutée, actant ainsi le refus de procéder à une nouvelle liquidation de l’astreinte prononcée à l’encontre de l’Etat.

 

 

 

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References   [ + ]

1. CE 12 juillet 2017, req. n° 394254
2. CE 10 juillet 2020, req. n° 428409
3. CE 4 août 2021, req. n° 428409
4. CE 17 octobre 2022, req. n° 428409
5. CE 24 novembre 2023, req. n° 428409

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