L’information du public est respectée même si un permis de construire des éoliennes est délivré avant la clôture de l’enquête publique réalisée dans le cadre de l’instruction du même projet au titre de la réglementation ICPE

Catégorie

Environnement

Date

December 2019

Temps de lecture

4 minutes

CE 20 novembre 2019 n° 419776

Le droit de l’Union européenne a posé plusieurs exigences  permettant l’information du public, énoncées dans la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

Cette information est destinée à permettre au public une participation effective à la prise de décisions par la formulation d’avis ou de préoccupations pouvant être utiles pour les décisions en question et à permettre au décideur de tenir compte de ces avis et préoccupations. Pour être effective, l’article 6 paragraphe 2 de la directive précitée impose que diverses informations soient communiquées au public à un stade suffisamment précoce des procédures décisionnelles en matière d’environnement.

La décision commentée du Conseil d’Etat, en date du 20 novembre 2019, précise que l’information du public est respectée dans le cas où un permis de construire des éoliennes est délivré avant la clôture de l’enquête publique réalisée dans le cadre de l’instruction du même projet au titre de la réglementation ICPE, et ce alors même qu’aucune enquête publique n’aurait été effectuée lors de l’instruction du permis de construire.

  1. Le contexte du pourvoi

La société Parc Eolien Nordex III a sollicité la délivrance de cinq permis de construire pour réaliser un parc éolien comprenant six aérogénérateurs et deux postes de livraison, sur le territoire de quatre communes situées dans le département de l’Aisne.

Après un refus initial du préfet du département de délivrer ces permis de construire, annulé par le tribunal administratif d’Amiens, le préfet de la région Picardie a délivré à la société Parc Eolien Nordex III les permis de construire sollicités.

Plusieurs requérants physiques, ainsi qu’une commune, ont alors formé un recours devant le tribunal administratif d’Amiens afin d’obtenir l’annulation de ces permis de construire ainsi que l’annulation du rejet implicite de leur recours gracieux formé devant le préfet de région. La décision du tribunal, faisant droit à la demande des requérants, a été annulée par la cour administrative d’appel de Douai.

Devant la cour, les requérants soulevaient en particulier un moyen de méconnaissance des objectifs de la directive précitée du 13 décembre 2011, au motif que les permis contestés avaient été délivrés avant même qu’une enquête publique ne soit clôturée.

La cour a cependant considéré que l’information donnée au public au cours de l’enquête publique réalisée lors de la procédure d’autorisation d’exploiter une ICPE avait eu lieu à un stade suffisamment précoce de la procédure décisionnelle du projet, et ce même si les permis de construire les éoliennes litigieuses avaient déjà été délivrés. Ainsi, elle a conclu que les objectifs de la directive précitée du 13 décembre 2011 étaient respectés.

  1. La décision du Conseil d’Etat

2.1          Saisi du pourvoi des individus opposés au projet, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que la soumission d’un projet à enquête publique régie par les dispositions du code de l’environnement est une modalité d’information et de participation du public conforme à la directive précitée du 13 décembre 2011 et en particulier au paragraphe 2 de son article 6, qui impose que certaines informations soient communiquées au public à un stade suffisamment précoce des procédures décisionnelles en matières d’environnement.

Le Conseil d’Etat a ensuite souligné que, lorsqu’un projet, à l’instar de la construction des éoliennes litigieuse, est une installation soumise à autorisation ICPE, les travaux de construction de l’installation autorisés par un permis ne peuvent pas être exécutés avant la clôture de l’enquête publique.

Dès lors, les résultats de l’enquête publique peuvent être pris en compte par l’autorité décisionnaire alors même que l’autorisation de construire a été délivrée. L’autorité administrative compétente peut en effet décider de confirmer son choix, d’y renoncer ou de le corriger notamment par la délivrance d’un permis modificatif ou d’un nouveau permis, si les modifications apportées au projet initialement autorisé sont substantielles.

Au cas présent, le projet litigieux avait d’abord fait l’objet d’une instruction au titre du permis de construire, sans enquête publique. Les permis de construire ont ensuite été délivrés, avant que ne débute l’enquête publique réalisée au titre de l’instruction ICPE.

Selon le Conseil d’Etat, dès lors que les travaux autorisés par les permis de construire attaqués ne pouvaient être exécutés avant la clôture de l’enquête publique, les résultats de cette enquête pouvaient encore être pris en compte par l’autorité décisionnaire. Cette dernière pouvait, par exemple, adopter un permis de construire modificatif si elle l’estimait nécessaire.

Le moyen tiré de la méconnaissance des objectifs de la directive précitée 13 décembre 2011 est donc rejeté par la Haute juridiction.

2.2          La décision commentée a ensuite permis au Conseil d’Etat de confirmer sa jurisprudence récente 1)Voir en ce sens CE 25 septembre 2019 Association Autant en emporte le vent et autres, req. n° 417870, décision commentée sur notre blog selon laquelle les câbles souterrains destinés à raccorder les éoliennes entre elles ou au poste de livraison qui permet d’acheminer l’électricité produite vers le réseau public d’électricité sont dispensés de toute formalité en application de l’article R. 421-4 du code de l’urbanisme et ne peuvent ainsi pas être considérés comme une construction. Dès lors, des travaux d’enfouissement, sur le domaine public, de tels câbles, n’imposent pas de faire figurer au dossier de demande de permis de construire l’accord du gestionnaire de la voirie pour engager une procédure d’autorisation d’occupation du domaine public 2)Cette obligation résulte de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme..

Après avoir écarté l’ensemble des autres moyens soulevés par les requérants, le Conseil d’Etat a ainsi validé l’arrêt attaqué et a rejeté le pourvoi.

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References   [ + ]

1. Voir en ce sens CE 25 septembre 2019 Association Autant en emporte le vent et autres, req. n° 417870, décision commentée sur notre blog
2. Cette obligation résulte de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme.

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