Réception des travaux et établissement des décomptes : chaque chose en son temps !

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 1er juin 2023 CHU Grenoble Alpes, req. n° 469268

Le Conseil d’Etat juge qu’en présence d’une décision de réception sous réserves, même en cas de carence du maître d’ouvrage, le délai ouvert au titulaire pour transmettre son projet de décompte final ne débute qu’à compter du procès-verbal de réception des réserves.

Dans cette affaire, le centre hospitalier de Voiron, au droit duquel est venu le centre hospitalier universitaire de Grenoble Alpes (ci-après : « CHU Grenoble Alpes »), a confié à la Société de Construction Floriot l’exécution d’un lot de son projet de construction du pôle hospitalier public privé de Voiron.

La société, estimant être en possession d’un décompte général et définitif, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d’un référé-provision 1)R. 541-1 du code de justice administrative en vue d’obtenir le versement d’une provision de 1 777 748,58 EUR TTC. Le tribunal administratif a rejeté cette demande dans une ordonnance du 18 février 2022. La société a interjeté appel de cette ordonnance devant la cour administrative d’appel de Lyon qui l’a partiellement annulée et condamné le CHU Grenoble Alpes à lui verser la somme de 1 493 067,90 EUR TTC. Le centre hospitalier a alors formé un pourvoi en cassation.

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur l’articulation entre procédure d’établissement des décomptes et procédure de réception des travaux sous l’empire du CCAG-Travaux dans sa version de 2014 applicable au marché.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat a rappelé les articles du CCAG-Travaux applicable relatifs à l’établissement du décompte général définitif qui peut être synthétisé en trois étapes :

  • le titulaire établit un projet de décompte final qu’il adresse au maître d’œuvre et au pouvoir adjudicateur dans un délai de 30 jours à compter de la réception des travaux 2)Articles 13.3.1 et 13.3.2 du CCAG-Travaux
  • sur la base du projet de décompte final, accepté ou modifié par le maître d’œuvre, le pouvoir adjudicateur arrête un décompte général dans un délai de 30 jours à compter de la transmission du projet de décompte final 3)Article 13.4.2 du CCAG-Travaux ; à défaut, il s’expose à l’établissement d’un décompte général définitif tacite 4)Article 13.4.4 du CCAG-Travaux
  • la société signe le décompte général qui devient le décompte général et définitif ou indique les motifs pour lesquels elle refuse de le signer 5)Article 13.4.3 du CCAG-Travaux

Ensuite, les juges du Palais-Royal ont rappelé les stipulations relatives à l’établissement de la date de réception des travaux, qui est le point de départ du délai ouvert au titulaire pour établir le projet de décompte final, qui peuvent ainsi être résumées :

  • à la suite des opérations préalables à la réception, le maître d’œuvre transmet au pouvoir adjudicateur un procès-verbal dans lequel il propose alternativement :
    • la réception des ouvrages sans réserve 6)Article 41.3 du CCAG-Travaux
    • la réception des ouvrages avec réserves, c’est-à-dire qu’il existe des malfaçons à corriger par le titulaire mais que la réception est prononcée 7)Ibid.
    • la réception des ouvrages sous réserves, c’est-à-dire qu’il existe des travaux qui n’ont pas été réalisés et que la réception n’aura lieu que lorsque ces travaux auront été réalisés et constatés par un procès-verbal 8)Article 41.5 du CCAG-Travaux
  • si le pouvoir adjudicateur ne notifie aucune décision express de réception ou de refus de réception dans un délai de 30 jours suivant la date du procès-verbal, les propositions du maître d’œuvre s’imposent au pouvoir adjudicateur et au titulaire 9)Article 41.3 du CCAG-Travaux

Ainsi, en combinant les stipulations relatives à l’établissement des décomptes et celles liées à la date de réception le Conseil d’Etat considère que lorsque le procès-verbal établi à la suite des opérations préalables à la réception mentionne la réception des ouvrages sous réserves alors le délai ouvert au titulaire pour transmettre son projet de décompte final débute à compter du procès-verbal de levée des réserves.

Dès lors, il annule l’ordonnance de la cour administrative d’appel de Lyon qui avait considéré que la réception sous réserves ne faisait pas obstacle à la transmission du projet de décompte final par le titulaire avant le procès-verbal constatant la levée des réserves.

Réglant l’affaire au fond, dès lors que la réception avait été prononcée sous réserves et que la Société de Construction Floriot avait transmis son projet de décompte final avant le procès-verbal levant les réserves, le Conseil d’Etat considère que cette transmission était prématurée. Dès lors que le projet de décompte final était prématuré, il n’a pas pu conduire à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite et donc la créance alléguée par la société est sérieusement contestable au sens de l’article R. 51-1 du code de justice administrative.

 

 

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References   [ + ]

1. R. 541-1 du code de justice administrative
2. Articles 13.3.1 et 13.3.2 du CCAG-Travaux
3. Article 13.4.2 du CCAG-Travaux
4. Article 13.4.4 du CCAG-Travaux
5. Article 13.4.3 du CCAG-Travaux
6, 9. Article 41.3 du CCAG-Travaux
7. Ibid.
8. Article 41.5 du CCAG-Travaux

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