Recours des tiers et autorisations d’exploitation commerciale : précisions sur la recevabilité des recours devant le Conseil d’Etat.

Catégorie

Aménagement commercial

Date

July 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 28 juin 2013 SAS Coutis, req. n° 355812 : à publier au Rec. CE

A l’occasion de l’examen d’un recours contre une décision de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), le Conseil d’Etat vient pour la première fois de statuer sur la recevabilité d’un recours contentieux formé par une personne ayant un intérêt à agir contre une décision prise à l’issue d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) exercé par une autre personne 1) Rappelons que, sauf dans le cas spécifiques des contentieux relatifs aux ordres professionnels, cette obligation de former un RAPO ne s’impose qu’aux seuls requérants qui y sont expressément soumis par les textes (CE 10 mars 2006 Société Leroy-Merlin, req. n° 278220, Rec. CE p. 118).
.

Il a ainsi considéré que, sauf disposition contraire, le recours contentieux du requérant ayant un intérêt à agir mais n’ayant pas initié le RAPO n’est recevable que dans la mesure où la décision prise à l’issue de ce RAPO infirme la décision initialement contestée :

« 2. Considérant que lorsqu’un texte a subordonné le recours contentieux tendant à l’annulation d’un acte administratif à un recours administratif préalable, une personne soumise à cette obligation n’est, sauf disposition contraire, recevable à présenter un recours contentieux contre la décision rendue par l’autorité saisie à ce titre, qui confirme la décision initiale en se substituant à celle-ci, que si elle a elle-même exercé le recours préalable ».

Il en résulte que, en matière d’aménagement commercial, la personne qui n’a pas contesté l’autorisation d’exploitation commerciale délivrée à son concurrent par la commission départementale d’aménagement commercial n’est pas recevable à contester la décision confirmative de la CNAC devant le Conseil d’Etat :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 752-17 du code de commerce : ” A l’initiative du préfet, du maire de la commune d’implantation, du président de l’établissement public de coopération intercommunale (…) et de toute personne ayant intérêt à agir, la décision de la commission départementale d’aménagement commercial peut, dans un délai d’un mois, faire l’objet d’un recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial. La commission nationale se prononce dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. / La saisine de la commission nationale est un préalable obligatoire à un recours contentieux à peine d’irrecevabilité de ce dernier (…) ” ; que ces dispositions, qui ne prévoient aucune exception à la règle énoncée au point 2, impliquent que le recours contentieux contre une décision de la Commission nationale d’aménagement commercial prise dans le même sens que celle de la commission départementale n’est ouvert qu’aux personnes qui ont elles-mêmes présenté le recours préalable ;
4. Considérant que la SAS Coutis, qui justifiait, en tant qu’exploitant d’un magasin alimentaire situé dans la zone concernée par le projet litigieux, d’un intérêt à agir contre la décision, mentionnée ci-dessus, de la commission départementale d’aménagement commercial de Seine-et-Marne du 14 juin 2011 [autorisant le projet litigieux], s’est abstenue de former ce recours devant la commission nationale ; que, par suite, sa requête ne peut qu’être rejetée comme irrecevable
».

Notons que, alors même que la rédaction de l’article L. 752-17 du code de commerce – qui indique seulement que « la saisine de la commission nationale est un préalable obligatoire » – pourrait laisser penser que le recours contentieux d’un requérant n’est pas conditionné par son propre RAPO, cet arrêt affirme l’inverse dans le but, notamment, de limiter les recours contentieux des requérants ayant manqué de diligence au stade de l’autorisation CDAC et qui souhaitaient « bénéficier » du RAPO mis en œuvre par une autre personne 2) Toutefois, selon le rapporteur public Rémi Keller dans ses conclusions sous cet arrêt, la portée pratique de cette limitation est restreinte puisque c’est la première fois que le cas se présente à juger devant le Conseil d’Etat. Notons qu’avant le 25 novembre 2008, date de l’entrée en vigueur de l’article 102 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite « LME », les « personne[s] ayant intérêt à agir » pouvait contester les décisions des CDAC directement devant le tribunal administratif et n’étaient pas soumises à l’obligation de RAPO devant la CNAC. Il s’agit donc d’une obligation qui est relativement récente..

Plus concrètement, il convient de souligner que cette solution n’a d’incidences qu’en cas d’autorisation et non de refus des commissions départementales. En effet, dans l’hypothèse d’un refus, le RAPO est logiquement exercé par le demandeur et, si le projet est autorisé pour la première fois par la CNAC, cette décision n’est pas confirmative et tous les tiers intéressés sont donc recevables à contester cette première autorisation devant le Conseil d’Etat.

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1. Rappelons que, sauf dans le cas spécifiques des contentieux relatifs aux ordres professionnels, cette obligation de former un RAPO ne s’impose qu’aux seuls requérants qui y sont expressément soumis par les textes (CE 10 mars 2006 Société Leroy-Merlin, req. n° 278220, Rec. CE p. 118).
2. Toutefois, selon le rapporteur public Rémi Keller dans ses conclusions sous cet arrêt, la portée pratique de cette limitation est restreinte puisque c’est la première fois que le cas se présente à juger devant le Conseil d’Etat. Notons qu’avant le 25 novembre 2008, date de l’entrée en vigueur de l’article 102 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite « LME », les « personne[s] ayant intérêt à agir » pouvait contester les décisions des CDAC directement devant le tribunal administratif et n’étaient pas soumises à l’obligation de RAPO devant la CNAC. Il s’agit donc d’une obligation qui est relativement récente.

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