Référé précontractuel : en cas d’attribution d’un marché à un candidat irrégulièrement admis, un candidat évincé est susceptible d’avoir été lésé quel qu’ait été son propre rang au classement des offres

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2012

Temps de lecture

3 minutes

CE 11 avril 2012 Syndicat Ody 1218 Newline du Lloyd’s de Londres, req. n° 354652, mentionné aux tables du recueil Lebon

Contrairement à la position qui avait pu être retenue par certains tribunaux auparavant[1], le Conseil d’Etat vient de considérer que l’attribution d’un marché à un candidat irrégulièrement retenu est susceptible de léser un candidat évincé quel qu’ait été son propre rang au classement des offres, dès lors que celui-ci a déposé une candidature recevable, et une offre régulière, appropriée et acceptable. En conséquence, le requérant d’un référé précontractuel est recevable à soulever une telle irrégularité, alors même que si elle n’avait pas été commise, il n’aurait pas obtenu le marché :

« […] Considérant |…] que le choix de l’offre d’un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d’avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, à moins qu’il ne résulte de l’instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l’offre qu’il présentait ne pouvait qu’être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable […] dans ces conditions, la candidature présentée par le BUREAU EUROPEEN D’ASSURANCE HOSPITALIERE doit être regardée comme ayant été retenue en méconnaissance des dispositions du règlement de consultation ;

Considérant, en outre, que ni la recevabilité de la candidature de la Société hospitalière d’assurances mutuelles, ni le caractère approprié, régulier et acceptable de son offre ne sont contestés ; que le choix d’une offre présentée par un candidat irrégulièrement retenu est dès lors susceptible de l’avoir lésée, quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la Société hospitalière d’assurances mutuelles est fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre manquement qu’elle invoque, à demander l’annulation de la procédure à compter de l’examen des candidatures […] »

Il faut noter que le tribunal administratif de Dijon avait retenu une position encore plus ouverte, en exigeant seulement du requérant qu’il ait présenté une candidature recevable pour admettre qu’il puisse se prévaloir de l’acceptation irrégulière d’une candidature. Le Conseil d’Etat y ajoute la condition d’une remise d’une offre régulière, appropriée et acceptable, mais n’exige toutefois pas que le requérant démontre qu’il aurait pu obtenir le marché sans la commission de cette irrégularité. Cette décision laisse donc par principe ouverte la voie du référé précontractuel dans une telle hypothèse : la seule remise d’une offre régulière, appropriée et acceptable suffit au requérant pour discuter de l’admission irrégulière de l’attributaire final, sans qu’il ait à démontrer qu’il aurait obtenu le marché en l’absence de la participation de l’attributaire.  

On peut s’interroger dès lors sur le maintien d’autres positionnements liés à la prise en compte du classement d’un candidat requérant dans le cadre du référé précontractuel, par exemple quant aux irrégularités ayant affecté la notation des offres. Ainsi, le Conseil d’Etat avait déjà jugé que si l’irrégularité invoquée affectant les critères de choix des offres n’était pas susceptible de modifier leur classement, le requérant n’était pas recevable à s’en prévaloir[2]. Par ailleurs, les juridictions du fond écartent les moyens tirés de l’irrégularité des critères de notation lorsque le requérant a obtenu la meilleure note sur ledit critère[3].

Néanmoins, en l’espèce, c’est la participation même de l’attributaire à la procédure de passation qui était en cause, et non pas les critères de choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ou les méthodes de leur notation. Il ne peut donc pas être exclu que le classement des offres n’ait plus aucun impact sur la recevabilité d’un requérant à se prévaloir de certains manquements.


[1]              Voir en ce sens TA Rennes 24 mars 2011 sociétés DIADES et SEDOA, req. n° 1100875.

[2]              CE 8 juillet 2009 Ministre de la Justice, req. n° 318187.

[3]              Voir par exemple TA Lille 27 février 2012 société VAES, req. n° 1200742.

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