Référé précontractuel et passation d’un marché de missions de service médical d’urgence par hélicoptère en Nouvelle Calédonie

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2015

Temps de lecture

5 minutes

CE 10 avril 2015 centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie et autres, req. n° 386912

Le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un marché de missions de service médical d’urgence par hélicoptère. Plusieurs candidats y avaient participé.

L’un d’entre eux, la société TAT, a saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d’un référé précontractuel sur le fondement de l’article L. 551-24 du code de justice administrative 1) Art. L. 551-24 du code de justice administrative : « En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés et contrats publics en vertu de dispositions applicables localement. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le haut-commissaire de la République dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. ». Par une première ordonnance, le juge des référés du tribunal a enjoint au centre hospitalier de suspendre la procédure de passation. Par une seconde ordonnance, il annulait la procédure de passation au motif de l’atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats.

Le centre hospitalier ainsi que la société Héliocéan, autre candidate à la conclusion du contrat, se sont alors pourvus contre cette dernière ordonnance.

1 – Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a écarté les conclusions à fin de non-lieu opposées par la société TAT. Cette dernière soutenait que le litige n’avait plus d’objet dès lors que le délai de validité des offres était expiré 3) Article 25 de la délibération du congrès n°136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics en Nouvelle-Calédonie : « (…) L’avis d’appel d’offres fait connaître : (…) 5°) – le délai pendant lequel les candidats resteront engagés par les offres (…) »..

Toutefois, le Conseil d’Etat a considéré que le délai de validité des offres pouvait être prorogé, notamment par l’exercice d’un référé précontractuel, permettant ainsi de poursuivre la procédure de passation avec les candidats y souscrivant :

    « Considérant que si la personne publique doit, sous peine d’irrégularité de la procédure de passation, choisir l’attributaire d’un marché dans le délai de validité des offres, elle peut toujours solliciter de l’ensemble des candidats une prorogation ou un renouvellement de ce délai ; que lorsque ce délai est arrivé ou arrive à expiration avant l’examen des offres en raison, comme c’est le cas en l’espèce, d’une procédure devant le juge du référé précontractuel, la personne publique peut poursuivre la procédure de passation du marché avec les candidats qui acceptent la prorogation ou le renouvellement du délai de validité de leur offre (…) ».

2 – Dans un second temps, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie pour erreur de droit. Jugeant directement l’affaire au fond, il a alors considéré que la procédure de passation du marché en cause était exempte de tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

D’abord, Conseil d’Etat a rappelé qu’il n’existait aucune obligation à la charge de la personne publique de communiquer la méthode de notation retenue pour apprécier les critères d’évaluation des offres. En effet, seuls les critères de notation devaient faire l’objet d’une publicité particulière auprès des différents candidats 2) CE 31 mars 2010 collectivité territoriale de Corse, req. n° 334279 : « (…) que toutefois si, pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’indiquer dans les documents de consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre, il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres (…) ». . Toutefois, une méthode de notation peut être jugée irrégulière dès lors qu’elle est de nature à priver de leur portée les critères ou à neutraliser leur pondération 4) CE 3 novembre 2014 commune de Belleville-sur-Loire : « (…) que, toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ; qu’il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n’y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation ». . En l’espèce, les critères et la méthode de notation retenus par le centre hospitalier n’étaient pas irréguliers, dès lors que le critère relatif au volume horaire des prestations attendues était suffisamment précis et qu’était sans influence sur la conformité de la méthode de notation la circonstance qu’elle ne prenait pas en compte un prix forfaitaire de mise à disposition différent une fois un seuil horaire de vol dépassé.

Le Conseil d’Etat a ensuite infirmé l’ordonnance du tribunal en considérant que le principe d’égalité de traitement des candidats n’avait pas été méconnu par le centre hospitalier. Ce dernier imposait l’affectation au service médical d’urgence de deux hélicoptères, étant précisé que le pouvoir adjudicateur laissait la possibilité aux candidats d’utiliser l’hélicoptère de remplacement à d’autres fins (commerciales). Le tribunal avait considéré que cela constituait une atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats dès lors que seule l’entreprise « locale », la société Héliocéan, était titulaire d’une licence d’exploitation pour le transport public de voyageurs sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie 5) Selon la requérante, la possibilité ainsi laissée avantageait la société Héliocéan qui pouvait alors proposer un prix plus compétitif..

Le Conseil d’Etat a écarté toute discrimination illégale, considérant que la présence d’un hélicoptère de remplacement était nécessaire, notamment pour assurer la continuité du service et que la mobilisation permanente de deux hélicoptères n’était pas justifiée par les besoins du centre hospitalier (ce qui entraînerait d’ailleurs un surcoût). La Haute juridiction considère ainsi que la possibilité laissé aux candidats, dont il était soutenu qu’elle rompait l’égalité, « [correspondait] aux besoins de la personne publique et [était] justifiée par l’objet du marché ».

Relevons enfin qu’il a été jugé que le moyen tiré de la méconnaissance de la législation prohibant les abus de position dominante est inopérant dans le cadre du référé précontractuel.

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1. Art. L. 551-24 du code de justice administrative : « En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés et contrats publics en vertu de dispositions applicables localement. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le haut-commissaire de la République dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. »
2. CE 31 mars 2010 collectivité territoriale de Corse, req. n° 334279 : « (…) que toutefois si, pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’indiquer dans les documents de consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre, il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres (…) ».
3. Article 25 de la délibération du congrès n°136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics en Nouvelle-Calédonie : « (…) L’avis d’appel d’offres fait connaître : (…) 5°) – le délai pendant lequel les candidats resteront engagés par les offres (…) ».
4. CE 3 novembre 2014 commune de Belleville-sur-Loire : « (…) que, toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ; qu’il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n’y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation ».
5. Selon la requérante, la possibilité ainsi laissée avantageait la société Héliocéan qui pouvait alors proposer un prix plus compétitif.

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