Marchés publics de travaux : conditions d’existence d’un décompte général et définitif tacite en cas de réception tacite

Catégorie

Contrats publics

Date

July 2023

Temps de lecture

3 minutes

CAA Marseille 19 juin 2023 commune des Mayons, req. n° 21MA04869

Dans cette affaire, la commune de Mayons a conclu avec la société Razel-Bec un marché public de travaux de renouvellement et de renforcement du réseau d’alimentation en eau potable et d’enfouissement des réseaux secs. Après une interruption des travaux, la société Razel-Bec a conditionné la reprise des travaux à la conclusion d’un avenant ou à l’édiction d’une décision de poursuivre. La commune des Mayons a alors décidé de confier l’exécution du marché à une autre entreprise, aux frais et risques du titulaire. La commune a ensuite adressé à la société Razel-Bec le décompte général du marché, puis un avis des sommes à payer.

C’est dans ce contexte que la société Razel-Bec a sollicité auprès du tribunal administratif de Toulon, qui a partiellement fait droit à ses demandes, l’annulation du titre exécutoire émis par la commune des Mayons, la décharge du paiement de la somme réclamée, et la condamnation de la commune à lui payer la somme de 156 474,12 EUR TTC en règlement du solde du décompte général du marché, augmentée des intérêts moratoires capitalisés.

La commune des Mayons fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a partiellement fait droit aux demandes de la société Razel-Bec.

La Cour fait ici application des dispositions du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux dans sa rédaction issue de l’arrêté du 8 septembre 2009, tel que modifié par les dispositions de l’arrêté du 3 mars 2014, pour conclure à l’absence de décompte général et définitif.

D’une part, après avoir rappelé les dispositions de l’article 13.3.2. du CCAG-Travaux, aux termes desquelles « Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d’œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu’elle est prévue à l’article 41.3 ou, en l’absence d’une telle notification, à la fin de l’un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3 », la Cour estime que, en l’espèce, la réception doit être regardée comme étant tacitement acquise, par l’effet des stipulations de l’article 41.3., à la date du 9 février 2018, avec une date d’effet à la date d’achèvement des travaux au 29 mai 2015.

Dès lors, le projet de décompte final que la société Razel-Bec a transmis au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage le 9 janvier 2018, remis par pli le 11 janvier 2018 à la commune, était prématuré, dans la mesure où il a été transmis certes postérieurement à la date d’effet de la réception, mais antérieurement à la date à laquelle elle a été tacitement acquise.

D’autre part, la Cour rappelle que, aux termes de l’article 13.4.4 du CCAG-Travaux, « Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l’article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’œuvre, un projet de décompte général signé ». A défaut de notification au titulaire du décompte général du maître d’ouvrage dans un délai de 10 jours, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif 1)Pour la reconnaissance de l’existence d’un décompte général et définitif tacite : CE 25 janvier 2019 Société SELF Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 423331.

En l’espèce, la Cour retient que le projet de décompte général que la société Razel-Bec a transmis le 6 juin 2018 n’a pas été précédé d’un projet de décompte final régulier et doit être qualifié, dans les circonstances de l’espèce, de projet de décompte final.

Dès lors, elle juge que la société Razel-Bec n’est pas fondée à se prévaloir de l’existence d’un décompte général et définitif tacite.

En définitive, comme le Conseil d’Etat l’a très récemment rappelé dans une autre affaire, la transmission prématurée du projet de décompte final « n’a pu faire courir le délai de trente jours prévu à l’article 13.4.2 du CCAG, ni donner lieu à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite dans les conditions prévues par l’article 13.4.4 de ce cahier » 2)CE 1er juin 2023 CHU Grenoble Alpes, req. n° 469268 : mentionné aux Tables.

En pratique, si la réception tacite ne fait pas obstacle à la formation d’un décompte général et définitif tacite, le titulaire du marché doit cependant veiller :

  • à adresser un projet de décompte final après la date à laquelle la réception est tacitement intervenue
  • en cas d’absence de notification du décompte général, par le maître d’ouvrage, dans les délais prévus par l’article 13.4.2, à lui adresser, avec copie au maître d’œuvre, un projet de décompte général conforme aux dispositions de l’article 13.4.4.

 

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References   [ + ]

1. Pour la reconnaissance de l’existence d’un décompte général et définitif tacite : CE 25 janvier 2019 Société SELF Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 423331
2. CE 1er juin 2023 CHU Grenoble Alpes, req. n° 469268 : mentionné aux Tables

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