Résidences services seniors : des « hébergements » affranchis du respect des objectifs de mixité sociale

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

January 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 13 décembre 2021 X c/ commune d’Erquy, req. n° 443815 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Résumé

Par cette décision à mentionner aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat tranche la question de la sous-destination applicable aux résidences services seniors dotées de services communs : ces dernières relèvent de la catégorie des hébergements et non des logements, ce qui, au passage, affranchit celles-ci du respect des objectifs de mixité sociale.

Contexte de la décision

Dans cette affaire, les requérants, qui contestaient un permis de construire portant tout à la fois sur la création d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et une « résidence services seniors », invoquaient le non-respect de la servitude de mixité sociale contenue dans le PLU, imposant la réalisation d’au moins 20 % de logements locatifs sociaux dans toute opération comportant au moins huit logements.

Compte tenu, d’un côté, de l’essor actuel du marché des résidences seniors et, de l’autre, des enjeux de mixité sociale dans les territoires déficitaires en logements sociaux, la question de la qualification des résidences seniors au travers du prisme des destinations et sous-destinations applicables en droit de l’urbanisme revêt un intérêt certain.

Si l’application de la destination habitation aux résidences seniors est incontestable, le doute était permis en ce qui concerne la sous-destination applicable :

  • l’existence de services para-hôteliers dans ce type de résidences pouvait laisser penser qu’il s’agit d’ « hébergement », au sens des sous-destinations visées par les dispositions de l’article R. 151-28 du code de l’urbanisme ;
  • tandis que les dispositions de l’article L. 631-13 du code de la construction et de l’habitation (CCH) semblaient les faire relever de la sous-destination « logement », en définissant la « résidence-services » comme « un ensemble d’habitations constitué de logements autonomes permettant aux occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables … qui bénéficient par nature à l’ensemble des occupants ».

Tout en s’appuyant sur les dispositions du CCH applicables aux résidences-services, le Conseil d’Etat juge qu’une résidence services seniors, « uniquement destinée à des personnes âgées » et qui « assurera des services communs destinés à répondre aux besoins de cette catégorie de population », « relève d’une vocation d’hébergement et non de logement » au sens de la servitude de mixité sociale contenue dans le PLU.

Le Conseil d’Etat fournit également à cette occasion une définition synthétique de la résidence services, en considérant qu’ :

« une résidence services permet à ses occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables, précisés dans le contrat de location notamment lorsque le gérant de ces services est également le bailleur, et qui sont l’accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs, la mise à disposition d’un personnel spécifique attaché à la résidence, le cas échéant complétée par des moyens techniques, permettant d’assurer une veille continue quant à la sécurité des personnes et à la surveillance des biens, et le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés », « les occupants [pouvant] en outre souscrire des services spécifiques individualisables auprès de prestataires ».

Ainsi, dès lors que la résidence services offre des services communs destinés à répondre aux besoins d’une catégorie de population (seniors, étudiants), cette résidence relève de la sous-destination hébergement.

Relevons également que, dans cette affaire, la Cour administrative d’appel a pu régulièrement prendre « appui sur les dispositions d’un arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les règlements des plans locaux d’urbanisme postérieur à l’édiction du plan local d’urbanisme de la commune ».

Toujours est-il qu’il résulte de cette décision que les programmes d’hébergement du type résidences services, qui se trouvent donc affranchis des objectifs de mixité sociale imposés à certaines opérations de logements par les PLU 1)Art. L. 151-15 du code de l’urbanisme : « Le règlement peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme est affecté à des catégories de logements qu’il définit dans le respect des objectifs de mixité sociale ». et le code de l’urbanisme 2)Art. L. 111-24 du code de l’urbanisme : « Conformément à l’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation, dans les communes faisant l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1 du même code, dans toute opération de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, au moins 30 % des logements familiaux sont des logements locatifs sociaux définis à l’article L. 302-5 dudit code, hors logements financés avec un prêt locatif social »., ne peuvent contribuer à réduire les retards des communes carencées en matière de production de logements sociaux.

 

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References   [ + ]

1. Art. L. 151-15 du code de l’urbanisme : « Le règlement peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme est affecté à des catégories de logements qu’il définit dans le respect des objectifs de mixité sociale ».
2. Art. L. 111-24 du code de l’urbanisme : « Conformément à l’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation, dans les communes faisant l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1 du même code, dans toute opération de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, au moins 30 % des logements familiaux sont des logements locatifs sociaux définis à l’article L. 302-5 dudit code, hors logements financés avec un prêt locatif social ».

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