Secret des affaires et principe du contradictoire : si les pièces produites en violation du secret des affaires sont discutées par les parties, le juge du référé précontractuel peut les prendre en compte

Catégorie

Contrats publics

Date

July 2021

Temps de lecture

2 minutes

CE 9 juin 2021 société Lorany Conseils, req. n° 449643 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Le juge peut-il se fonder sur des pièces obtenues en violation du secret des affaires et dont la divulgation serait susceptible de porter atteinte à l’égalité entre les candidats dans le cadre d’une autre procédure de passation ?

La réponse est oui, explications.

Dans cette affaire, le Grand port maritime du Havre a lancé le 5 décembre 2019 un avis d’appel public à la concurrence en vue d’attribuer un contrat de concession portant sur la réalisation et l’exploitation d’un terminal de vracs solide dans le port du Havre. La société Gimarco, candidate à cette consultation, a été informée du rejet de son offre et de l’attribution pressentie du marché à la société Lorany Conseils. La société Gimarco a saisi le tribunal administratif de Rouen d’une requête en référé précontractuel par laquelle elle demandait l’annulation de l’ensemble de la procédure.

Par une ordonnance du 28 janvier 2021 1)TA Rouen 28 janvier 2021 société Gimarco, req. n° 2100012, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande au motif que le Grand port maritime du Havre avait retenu l’offre de la société Lorany Conseils sans avoir obtenu de garanties suffisantes quant à ses capacités financières. Dans ces conditions, l’attributaire pressenti a formé un pourvoi contre cette décision, en soutenant en particulier que le juge des référés n’aurait pas dû se fonder sur des pièces protégées par le secret des affaires.

Selon le Conseil d’Etat, dès lors que ces pièces ont pu être discutées contradictoirement par les parties, le fait qu’elles aient été communiquées en violation du secret des affaires n’entache pas d’irrégularité ou d’erreur de droit l’ordonnance du juge des référés : en d’autres termes, le juge peut se fonder sur ces pièces pour rendre son ordonnance.

Cette position du Conseil d’Etat n’est pas nouvelle puisqu’avait déjà été admis l’absence d’irrégularité de la communication de documents confidentiels prétendument volés à son auteur 2)CE 8 novembre 1999 XXXX req. n° 201966, publié au recueil Lebon et de documents relevant pourtant du secret médical 3)CE 2 octobre 2017 req. n° 399753. La même exigence était alors posée : un débat contradictoire doit avoir eu lieu entre les parties pour que ces pièces puissent être prises en compte par le juge.

Dans cette décision, le Conseil d’Etat va plus loin : il précise que la circonstance que la divulgation d’informations confidentielles contenues dans le rapport d’analyse des offres pourrait porter atteinte à l’égalité entre les candidats dans le cadre d’une éventuelle nouvelle procédure de passation est inopérante.

En clair, même si ces informations sont utilisées par d’autres candidats, cette circonstance n’a aucune incidence sur la légalité de la procédure litigieuse en cours.

Le pourvoi de la société Lorany Conseils a donc été rejeté.

 

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