Seules les clauses obscures et ambiguës sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en interprétation des stipulations contractuelles

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2017

Temps de lecture

3 minutes

CE 8 novembre 2011 Société Lyonnaise des Eaux France, req. n° 396589 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Depuis le 21 juillet 2005, le syndicat intercommunal d’assainissement du bassin cannois (SIABC) s’est substitué à la commune de Cannes et à ses autres communes membres pour l’exercice de leurs compétences en matière d’assainissement et de traitement des eaux pluviales.

Par contrat conclu le 24 juillet 2008, le SIABC a délégué à la société Lyonnaise des Eaux France la gestion du service public d’assainissement collectif sur le territoire de ses communes membres. Ce contrat comportait en outre en annexe des conventions de déversement qui avaient été conclues entre 1968 et 1985 entre la commune de Cannes et quatre communes alors non membres du syndicat, dont l’exécution a été reprise par ce dernier en conséquence du transfert de compétence intervenu.

A la suite d’une divergence d’interprétation du contrat de DSP conclu entre le délégataire et le syndicat intercommunal, la société Lyonnaise des Eaux France a saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande tendant à ce que les stipulations de ce contrat soient interprétées comme l’autorisant à percevoir le produit de la « part fonctionnement » des contributions dues par les communes signataires des conventions de déversement annexées au contrat de DSP.

Cette demande a été successivement rejetée en première instance, puis en appel.

Si le recours direct en interprétation des stipulations contractuelle n’est pas nouveau 1)Voir notamment : CE Assemblée 21 décembre 2012 Commune de Douai, req. n° 342788. Rappelons enfin, pour mémoire, que l’interprétation des stipulations d’un contrat de droit public nécessite la saisine du juge judiciaire lorsque celle-ci porte sur une clause dans une matière relevant de sa compétence exclusive (CAA Nancy 8 décembre 2016 CHU de Nancy, req. n° 15NC01978), le Conseil d’Etat précise dans cette décision que celui-ci n’est recevable « que dans la mesure notamment où il peut être valablement soutenu que ces stipulations sont obscures ou ambiguës ». La solution récemment rendue à l’occasion d’un recours en interprétation d’une décision juridictionnelle 2)« Considérant qu’un recours en interprétation d’une décision juridictionnelle, ouvert sans condition de délai, n’est recevable que s’il émane d’une partie à l’instance ayant abouti au prononcé de la décision dont l’interprétation est sollicitée et dans la seule mesure où il peut être valablement argué que cette décision est obscure ou ambiguë » CE 27 juillet 2016 Duc, req. n° 388098 est ainsi dupliquée au recours en interprétation engagé en matière contractuelle.

Et le Conseil d’Etat cantonne le contrôle qu’il porte sur l’appréciation souveraine faite par les juges du fond du caractère obscur ou ambigu des clauses à la dénaturation des termes du contrat ou à l’erreur de qualification juridique des faits.
Le Conseil d’Etat confirme ainsi sa volonté de cantonner le recours direct en interprétation aux seuls cas dans lesquels il existe une difficulté sérieuse justifiant l’intervention du juge.

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat censure à double titre l’appréciation portée par la cour administrative d’appel, laquelle a conclu à l’irrecevabilité de la demande d’interprétation.

D’abord, il estime que la cour a dénaturé les termes du contrat en estimant que ses stipulations auraient clairement interdit au délégataire de percevoir ces sommes de la part des communes autorisées à déverser leurs eaux usées dans le réseau qu’il exploite : le Conseil d’Etat souligne une contradiction des stipulations du contrat de délégation relatives à la rémunération du délégataire, puisque certaines mentionnent la perception par le délégataire de ces versements, tandis que d’autres clauses ne reprennent pas ces sommes lorsqu’elles énumèrent les sources de revenus du délégataire.

Ensuite, et en conséquence de cette première dénaturation, le Conseil d’Etat juge que la cour administrative d’appel a entaché sa décision d’inexacte qualification juridique des faits en rejetant comme irrecevable la demande d’interprétation des clauses contractuelles au motif qu’elle auraient été claires.

L’affaire est donc renvoyée devant la cour, qui devra procéder à l’interprétation de ces clauses contradictoires.

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1. Voir notamment : CE Assemblée 21 décembre 2012 Commune de Douai, req. n° 342788. Rappelons enfin, pour mémoire, que l’interprétation des stipulations d’un contrat de droit public nécessite la saisine du juge judiciaire lorsque celle-ci porte sur une clause dans une matière relevant de sa compétence exclusive (CAA Nancy 8 décembre 2016 CHU de Nancy, req. n° 15NC01978
2. « Considérant qu’un recours en interprétation d’une décision juridictionnelle, ouvert sans condition de délai, n’est recevable que s’il émane d’une partie à l’instance ayant abouti au prononcé de la décision dont l’interprétation est sollicitée et dans la seule mesure où il peut être valablement argué que cette décision est obscure ou ambiguë » CE 27 juillet 2016 Duc, req. n° 388098

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