L’obligation de rejeter l’offre anormalement basse et le contrôle du juge administratif

Catégorie

Contrats publics

Date

July 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 29 mai 2013 ministre de l’intérieur c/société Artéis, req. n° 366606

Le ministère de l’intérieur a lancé une procédure d’appel d’offres en vue de l’attribution d’un marché de maintenance multiservices et multitechniques pour les centres de rétention du Mesnil Amelot n°2 et n°3. La société Artéis, titulaire du précédent marché, a déposé une offre pour chaque lot, mais a été évincée au motif que son offre pour le lot n°1 n’était pas la mieux disante et que son offre pour le lot n°2 était irrégulière 1) La société requérante avait proposé un responsable de site à temps plein pour coordonner les prestations des deux lots, tandis que le ministère semblait attendre une telle affectation d’un responsable de site à temps plein pour chacun des lots. Si le ministère n’a retenu une telle irrégularité que pour un des lots, le Conseil d’Etat va estimer qu’une telle proposition rend les offres des deux lots irrégulières. .

La société a introduit un référé précontractuel à l’encontre de la procédure de passation de ce marché, en soutenant notamment que l’offre de son concurrent pour le lot n°1 était anormalement basse. Celui-ci avait proposé un montant de 463 734,13 euros, à comparer avec l’offre de 940 800 euros proposée par la société Artéis.

Le tribunal administratif de Versailles a suivi la société Artéis sur ce moyen, en estimant notamment que la société attributaire ne justifiait pas l’écart de son offre avec celle de son concurrent 2) TA Versailles 26 février 2013 société Artéis, req. n° 1300597.. Le ministre de l’intérieur s’est donc pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Celui-ci, dans un considérant de principe, indique que :

« […] le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l’égalité entre les candidats à l’attribution d’un marché public ; qu’il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé ; que si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l’offre […] »

C’est la première fois que le Conseil d’Etat affirme avec autant de clarté l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de rejeter une offre anormalement basse. On se souvient qu’il avait eu l’occasion de le faire lors de sa décision Département de la Corse du Sud 3) CE 1er mars 2012 Département de la Corse du Sud, req. n° 354159., mais il s’était finalement contenté d’une approche indirecte du sujet.

La Haute juridiction précise dans le présent arrêt que pour vérifier le caractère anormalement bas d’une offre, le pouvoir adjudicateur doit rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué. Le Conseil d’Etat « sanctionne » donc le premier juge, au titre de l’erreur de droit, pour s’être fondé « sur le seul écart de prix avec l’offre concurrente » 4) On relèvera toutefois que le Conseil d’Etat rejette le référé, après annulation de l’ordonnance, sans se prononcer spécifiquement sur le débat de l’anormalité de l’offre. En effet, l’offre de la société Artéis étant irrégulière, celle-ci ne pouvait être regardée comme ayant été « lésée ». .

Dès lors qu’une obligation d’écarter les offres anormalement basse est dégagée, on ne saurait que conseiller aux pouvoirs adjudicateurs de se référer aux différents « modes opératoires » qui permettent de repérer ce type d’offres et qui maintenant font l’objet d’une documentation relativement « fournie » 5) Réponse ministérielle n° 3282, publiée au JO le 23 octobre 2012 en p. 5959 – Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics (article 15-2) – Fiche sur l’offre anormalement basse de la DAJ..

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1. La société requérante avait proposé un responsable de site à temps plein pour coordonner les prestations des deux lots, tandis que le ministère semblait attendre une telle affectation d’un responsable de site à temps plein pour chacun des lots. Si le ministère n’a retenu une telle irrégularité que pour un des lots, le Conseil d’Etat va estimer qu’une telle proposition rend les offres des deux lots irrégulières.
2. TA Versailles 26 février 2013 société Artéis, req. n° 1300597.
3. CE 1er mars 2012 Département de la Corse du Sud, req. n° 354159.
4. On relèvera toutefois que le Conseil d’Etat rejette le référé, après annulation de l’ordonnance, sans se prononcer spécifiquement sur le débat de l’anormalité de l’offre. En effet, l’offre de la société Artéis étant irrégulière, celle-ci ne pouvait être regardée comme ayant été « lésée ».
5. Réponse ministérielle n° 3282, publiée au JO le 23 octobre 2012 en p. 5959 – Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics (article 15-2) – Fiche sur l’offre anormalement basse de la DAJ.

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