Sur l’absence de condition de notification au propriétaire du terrain grevé d’une servitude de passage des piétons pour la rendre opposable au propriétaire

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

February 2015

Temps de lecture

4 minutes

CE 4 février 2015, Commune de Sarzeau, n°366861

Contestant l’opposition du maire de Sarzeau à une déclaration préalable en vue de l’édification d’une clôture sur son terrain grevé d’une servitude de passage des piétons définie à l’article L.160-6 du code de l’urbanisme 1) L’article L.160-6 alinéa 1er dispose que : « Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d’une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons.

L’autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d’une enquête publique effectuée comme en matière d’expropriation :

a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d’une part, d’assurer, compte tenu notamment de la présence d’obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d’autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ;
b) A titre exceptionnel, la suspendre.

Sauf dans le cas où l’institution de la servitude est le seul moyen d’assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, la servitude instituée aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne peut grever les terrains situés à moins de quinze mètres des bâtiments à usage d’habitation édifiés avant le 1er janvier 1976, ni grever des terrains attenants à des maisons d’habitation et clos de murs au 1er janvier 1976., le propriétaire saisit le tribunal administratif de Rennes afin d’en demander l’annulation.

A l’appui de son recours, il invoque l’inopposabilité de cette servitude au motif qu’elle ne lui aurait pas été notifiée et reprend ainsi le principe dégagé par la cour administrative d’appel de Nantes dans son arrêt du 30 décembre 1996 3) CAA Nantes 30 décembre 1996, n°94NT01155, mentionné aux tables du recueil Lebon :

« l’arrêté [préfectoral modifiant une servitude de passage des piétons] n’est opposable aux propriétaires des terrains concernés par le tracé modifié de la servitude (…) qu’à compter de la date à laquelle il leur est notifié »

Alors que le tribunal administratif censure la décision du maire de Sarzeau, le Conseil d’Etat, saisi par ce dernier par la voie de la cassation directe 4) Cf les articles R.811-1 et R.222-131°du code de justice administrative, dans leurs versions applicables à la date du jugement du tribunal administratif de Rennes (15 janvier 2013), annule le jugement du tribunal administratif et considère au contraire que la notification au propriétaire du terrain grevé de la servitude de l’acte l’instituant n’est pas une condition d’opposabilité de cette dernière.

L’acte instituant la servitude 2) Il s’agit soit d’un arrêté préfectoral soit d’un décret en Conseil d’Etat selon les cas définis conformément à l’article R.160-21 du Code de l’urbanisme. L’article dispose en effet que : « Dans les cas prévus à l’article R. 160-20, l’approbation du tracé et des caractéristiques de la servitude résulte : a) d’un arrêté du préfet, en l’absence d’opposition de la ou des communes intéressées ; b) d’un décret en Conseil d’Etat, en cas d’opposition d’une ou plusieurs communes. » fait l’objet, conformément au b) de l’article R.160-22 du code de l’urbanisme 5) L’article R.160-22 du Code de l’urbanisme dispose que : « L’acte d’approbation prévu à l’article R. 160-21 doit être motivé. Cet acte fait l’objet : (…)

b) d’une publication au recueil des actes administratifs de la ou des préfectures intéressées, s’il s’agit d’un arrêté préfectoral.

Une copie de cet acte est déposée à la mairie de chacune des communes concernées. Avis de ce dépôt est donné par affichage à la mairie pendant un mois. Mention de cet acte est insérée en caractères apparents dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. Cet acte fait en outre l’objet de la publicité prévue au 2° de l’article 36 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. » :

– (i) d’une publication au recueil des actes administratifs de la ou des préfectures intéressées, s’il s’agit d’un arrêté préfectoral ;
– (ii) d’un affichage en mairie pendant un mois ;
– (iii) d’une mention de l’acte dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés ;
– (iv) d’une publicité au service chargé de la publicité foncière conformément au 2° de l’article 36 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat, suivant les conclusions de son rapporteur public Timothée Paris, remet en cause le principe dégagé par la cour administrative d’appel de Nantes et juge que :

« cette obligation faite à l’administration, dans l’intérêt de l’information des usagers, de publier au service chargé de la publicité foncière les décisions relatives à une servitude de passage n’est pas une condition de l’opposabilité de ces décisions, qui est subordonnée, au seul respect des autres mesures de publicité qu’il prescrit ; que, dès lors qu’aucune autre disposition, ni aucun principe n’impose à l’autorité administrative de notifier au propriétaire concerné l’arrêté par lequel elle institue ou modifie une des servitudes prévues aux articles L.160-6 et L.160-6-1 du code de l’urbanisme, le défaut de notification individuelle d’un tel arrêté, s’il est de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard de ce propriétaire est sans effet sur son opposabilité. »

Il considère ainsi que faute de dispositif législatif instituant une condition de notification au propriétaire du terrain grevé de la servitude, l’absence de notification ne saurait faire obstacle à son opposabilité.

A titre d’obiter dictum, puisque la réponse n’est pas nécessaire à la solution du litige, le Conseil d’Etat, suivant également les conclusions de son rapporteur public sur ce point, précise en revanche que la notification constitue le point de départ du délai de recours du propriétaire grevé de la servitude de passage des piétons à l’encontre de l’acte instituant la servitude 6) Le Conseil d’Etat reprend la solution dégagée par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 30 décembre 1996, (req. n°94NT01155) mentionné aux tables du recueil Lebon .

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References   [ + ]

1. L’article L.160-6 alinéa 1er dispose que : « Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d’une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons.

L’autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d’une enquête publique effectuée comme en matière d’expropriation :

a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d’une part, d’assurer, compte tenu notamment de la présence d’obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d’autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ;
b) A titre exceptionnel, la suspendre.

Sauf dans le cas où l’institution de la servitude est le seul moyen d’assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, la servitude instituée aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne peut grever les terrains situés à moins de quinze mètres des bâtiments à usage d’habitation édifiés avant le 1er janvier 1976, ni grever des terrains attenants à des maisons d’habitation et clos de murs au 1er janvier 1976.

2. Il s’agit soit d’un arrêté préfectoral soit d’un décret en Conseil d’Etat selon les cas définis conformément à l’article R.160-21 du Code de l’urbanisme. L’article dispose en effet que : « Dans les cas prévus à l’article R. 160-20, l’approbation du tracé et des caractéristiques de la servitude résulte : a) d’un arrêté du préfet, en l’absence d’opposition de la ou des communes intéressées ; b) d’un décret en Conseil d’Etat, en cas d’opposition d’une ou plusieurs communes. »
3. CAA Nantes 30 décembre 1996, n°94NT01155, mentionné aux tables du recueil Lebon
4. Cf les articles R.811-1 et R.222-131°du code de justice administrative, dans leurs versions applicables à la date du jugement du tribunal administratif de Rennes (15 janvier 2013
5. L’article R.160-22 du Code de l’urbanisme dispose que : « L’acte d’approbation prévu à l’article R. 160-21 doit être motivé. Cet acte fait l’objet : (…)

b) d’une publication au recueil des actes administratifs de la ou des préfectures intéressées, s’il s’agit d’un arrêté préfectoral.

Une copie de cet acte est déposée à la mairie de chacune des communes concernées. Avis de ce dépôt est donné par affichage à la mairie pendant un mois. Mention de cet acte est insérée en caractères apparents dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. Cet acte fait en outre l’objet de la publicité prévue au 2° de l’article 36 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. »

6. Le Conseil d’Etat reprend la solution dégagée par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 30 décembre 1996, (req. n°94NT01155) mentionné aux tables du recueil Lebon

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