Sursis à statuer et annulation partielle de l’autorisation environnementale : pouvoirs alternatifs du juge et non simultanés

Catégorie

Environnement

Date

March 2024

Temps de lecture

3 minutes

CE 8 mars 2024 Société Engie Green Doussay, req. n° 463249 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Par cette décision le Conseil d’Etat affirme l’impossibilité pour le juge de simultanément d’une part, annuler partiellement l’arrêté attaqué en tant qu’il ne comportait pas la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de suspendre son exécution jusqu’à l’octroi éventuel de cette dérogation, et, d’autre part, de surseoir à statuer sur le “surplus des conclusions de la requête” pour permettre à la société pétitionnaire de lui notifier une mesure de régularisation du vice tiré de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale.

Par un arrêt du 8 janvier 2019, le préfet de la Vienne a délivré à la société Engie Green Doussay l’autorisation d’exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Doussay Les requérants ont demandé à la cour administrative d’appel de Bordeaux d’annuler l’arrêté du préfet.

La cour administrative d’appel de Bordeaux a :

  • d’une part, annulé cet arrêté en tant qu’il ne comporte pas la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées
  • d’autre part, prononcé un sursis à statuer pour permettre à la société Engie Green Doussay de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale.

La société Engie Green Doussay s’est donc pourvue en cassation.

1          Sur les mesures à prendre en compte pour apprécier la demande dérogation « espèces protégées »

Le Conseil d’Etat rappelle les dispositions du code de l’environnement relatives aux espèces protéger en précisant que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites.

Toutefois, la Haute juridiction rappelle que l’autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives,

  • l’absence de solution alternative satisfaisante ;
  • la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
  • la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur.

Dans ce cadre, la Haute juridiction confirme la position retenue par sa décision « Association Sud-Artois pour la protection de l’environnement et autres 1)CE 9 décembre 2022 Association Sud-Artois pour la protection de l’environnement et autres, req. n° 463563 » en précisant que « le pétitionnaire doit obtenir une dérogation ” espèces protégées ” si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte ». Ainsi, « dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation ” espèces protégées ».

De ce fait, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte pour apprécier si le pétitionnaire doit obtenir une dérogation « espèce protégées »

Par conséquent, la cour administrative d’appel de Bordeaux ne pouvait pas écarter les mesures de bridage qui constituaient des mesures de réduction pour apprécier de la nécessité de déroger à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.

2          L’impossibilité pour le juge de prononcer simultanément un sursis à statuer en vue de la régularisation du vice et de limiter la portée ou les effets de l’annulation

Il résulte du I de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement que le juge qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, même après l’achèvement des travaux :

  • Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, limite à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demande à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ;
  • Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

Toutefois, le Conseil d’Etat précise que « Il résulte de ces dispositions du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement que le juge de l’autorisation environnementale peut, alternativement, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l’autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d’instruction ».

En conséquence, ces solutions sont alternatives et ne peuvent pas être utilisées simultanément.

 

 

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References   [ + ]

1. CE 9 décembre 2022 Association Sud-Artois pour la protection de l’environnement et autres, req. n° 463563

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