TASCOM : règles d’assujettissement et application du taux réduit

Catégorie

Aménagement commercial, Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

February 2020

Temps de lecture

6 minutes

CE 23 janvier 2020 Société Distribution Sanitaire Chauffage, req. n° 423238 : mentionné dans les tables du Rec. CE

La décision commentée concerne les règles d’assujettissement de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) et l’application de la réduction du taux de cette taxe dont bénéficient certains professionnels dont l’exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées.

Pour rappel, l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés prévoit que sont imposables à la TASCOM les magasins de commerce de détail dont la surface de vente dépasse 400 m², qui réalisent un chiffre d’affaires annuels des ventes au détail supérieur à 460 000 euros et qui ont été ouverts à compter du 1er janvier 1960.

Le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 relatif à la TASCOM liste, en son article 3, les marchandises dont la vente requiert des superficies de vente anormalement élevées et qui justifient ainsi qu’une réduction de 30 % du taux de la TASCOM soit appliquée 1)Sont concernés la vente de meubles meublants, de véhicules automobiles, de machinismes agricoles, de matériaux de construction ou encore, depuis un arrêté de 2014, la vente de fleurs, plantes, graines, engrais, animaux de compagnie et aliments pour ces animaux..

  1. Les faits et la procédure du litige

La SAS Distribution Sanitaire Chauffage exploite à Nancy, Reims et Charleville-Mézières des établissements de vente de matériels dans les domaines des sanitaires, du chauffage, de la plomberie et de la climatisation. A l’issue d’une vérification de comptabilité réalisée sur les années 2010 à 2012 et portant notamment sur la TASCOM, l’administration fiscale a estimé que la SAS Distribution Sanitaire Chauffage avait appliqué à tort la réduction de 30 % du taux de la taxe prévue par le décret du 26 janvier 1995 précité et l’a assujettie à des cotisations supplémentaires de TASCOM procédant de la remise en cause du bénéfice de cette réduction.

Après le rejet de ses demandes par les tribunaux administratifs de Nancy et de Châlons-en-Champagne, la société a saisi la Cour administrative d’appel de Nancy qui, par deux arrêts, a également refusé de faire droit à ses demandes 2)Plus précisément, par deux arrêts, la Cour, s’agissant de l’année 2010, a rejeté les recours de la SAS Distribution Sanitaire Chauffage et, s’agissant des années 2011 et 2012, a transmis la demande au Conseil d’Etat. En effet, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs aux impôts locaux, à l’instar de la TASCOM qui est affectée aux communes depuis le 1er janvier 201 par application de la loi de finances pour 2010. Dès lors, aucun appel ne pouvait être formé concernant les impositions des années 2011 et 2012, mais un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat était possible..

La société a alors saisi le Conseil d’Etat de pourvois tendant à l’annulation de ces arrêts et à la décharge des cotisations supplémentaires de TASCOM.

  1. La décision du Conseil d’État

Après avoir annulé les arrêts de la Cour administrative d’appel de Nancy pour les raisons exposées ci-après, le Conseil d’Etat a statué au fond sur le principe d’assujettissement à la TASCOM et sur l’application de la réduction de taux de 30 %.

  • Sur le principe d’assujettissement à la TASCOM

La société requérante soutenait que sa clientèle étant composée à 97 % de professionnels qui achètent des produits pour les besoins de leur activité, elle n’était pas assujettie à la TASCOM, qui n’est qu’applicable aux commerces de détail.

Le Conseil d’Etat n’a pas été sensible à cet argument.

Selon lui, les surfaces de vente de commerce de détail devant être pris en compte pour l’assujettissement à la taxe ne doivent pas nécessairement être situées dans des établissements réalisant exclusivement des ventes au détail. Dans le cas d’un magasin pratiquant également le commerce en gros, il convient donc de prendre en compte, pour le calcul de la taxe, le chiffre d’affaires relatif à la surface de commerce de détail, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’acheteur est un particulier ou un professionnel. Dès lors, le Conseil d’Etat juge que « les ventes au détail, en l’état, à des professionnels, tant pour leurs besoins propres que lorsqu’ils incorporent les produits qu’ils ont ainsi achetés dans les produits qu’ils vendent ou les prestations qu’ils fournissent, doivent être prises en compte pour la détermination du chiffre d’affaires, à la différence des ventes à des professionnels revendant en l’état, l’activité de ces derniers relevant alors d’une activité de grossiste ou d’intermédiaire ».

Appliquant cette interprétation de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 aux faits de l’espèce, le Conseil d’Etat estime que l’activité de la requérante n’étant pas limitée à la vente en gros, les surfaces de vente de commerce de détail devaient bien être assujetties à la TASCOM, nonobstant le fait que certaines ventes ont été réalisées à des professionnels, même s’ils ont incorporé les produits achetés dans les produits qu’ils vendent.

Cette position ne devrait pas demeurer sous l’empire de la rédaction de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 actuellement en vigueur. En effet, cet article a été modifié par l’article 37 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 pour préciser la notion de vente au détail. Depuis cette modification, qui n’était pas applicable à l’affaire commentée, « ne sont pas considérés comme magasins de commerce de détail les établissements de commerce de gros dont la clientèle est composée de professionnels pour les besoins de leur activité ou de collectivités ».

Le Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFIP) indique ainsi que trois situations doivent être distinguées :

  • si un établissement réalise la totalité de son chiffre d’affaires auprès d’une clientèle de professionnels pour les besoins de leur activité ou de collectivités : l’établissement n’est pas soumis à la TASCOM ;
  • si un établissement réalise des ventes à des consommateurs pour un usage domestique représentant plus de 50 % de son chiffre d’affaires global et accessoirement des ventes à des professionnels, l’établissement sera soumis à la TASCOM sur son chiffre d’affaires global ;
  • si un établissement réalise pour plus de 50% de son chiffre d’affaires global des ventes à des professionnels pour les besoins de leur activité et accessoirement des ventes à des consommateurs pour un usage domestique pour au moins 460 000 euros, l’établissement n’est soumis à la TASCOM qu’à raison des seules ventes aux consommateurs pour un usage domestique, dès lors toutefois que les différentes activités font l’objet de comptes distincts.

La SAS Distribution Sanitaire Chauffage a tenté de se prévaloir de cette interprétation du BOFIP au motif qu’elle appartenait à cette dernière catégorie et que les ventes aux professionnels ne devaient pas être prises en considération. Le Conseil d’Etat a cependant rejeté son argument au motif que ce commentaire a été publié le 2 octobre 2013 au BOFIP, soit après ses déclarations de TASCOM en litige.

  • Sur l’application de la réduction de 30 %

L’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 précitée disposait, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, qu’un décret devait prévoir « des réductions pour les professions dont l’exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées ». Or le décret du 26 janvier 1995, dans sa version alors applicable, ne réservait le bénéfice de la réduction qu’à la vente exclusive des marchandises qu’il énumérait.

Selon la requérante, suivie sur ce point par la Cour administrative d’appel de Nancy, le pouvoir réglementaire avait illégalement restreint le champ d’application de la loi en exigeant une condition d’exercice exclusif des activités nécessitant une superficie de vente élevée, alors que les travaux parlementaires de la loi ne faisaient pas référence à un tel critère. Le Conseil d’Etat n’a cependant pas été convaincu par ce moyen. Il a ainsi considéré que le pouvoir réglementaire n’avait pas excédé ses compétences en imposant cette condition d’exclusivité et a cassé pour ce motif les arrêts de la Cour critiqués devant lui.

La requérante soutenait ensuite que le fait que la réduction ne bénéficie qu’aux commerces exerçant à titre exclusif créé une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi et était donc illégale. Ce moyen n’a pas non plus retenu le Conseil d’Etat dès lors que, selon lui, le pouvoir réglementaire a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but fixé par le législateur.

Notons que, désormais, l’article 37 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 a atténué la condition pour bénéficier de la réduction de taux de la taxe en modifiant l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 qui dispose actuellement qu’ « un décret prévoira, par rapport aux taux [fixés par la loi], des réductions pour les professions dont l’exercice à titre principal requiert des superficies de vente anormalement élevées ». Le décret du 26 janvier 1995 a ainsi été modifié en 2014 afin que le bénéfice de la réduction s’applique à la vente « à titre principal » des marchandises qu’il énumère, en application du décret n° 2014-523 du 22 mai 2014 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales.

Enfin, le Conseil d’Etat, à l’instar de la Cour administrative d’appel, a estimé qu’en tout état de cause, la requérante ne produisait aucun élément permettant de déterminer qu’elle vendait sur une surface significative des marchandises listées par le décret du 26 janvier 1995.

Pour ces motifs, le Conseil d’Etat a rejeté les pourvois de la SAS Distribution Sanitaire Chauffage, qui, à notre sens, aurait pourtant pu obtenir gain de cause si les années objet de la vérification de comptabilité avaient été postérieures à 2012.

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1. Sont concernés la vente de meubles meublants, de véhicules automobiles, de machinismes agricoles, de matériaux de construction ou encore, depuis un arrêté de 2014, la vente de fleurs, plantes, graines, engrais, animaux de compagnie et aliments pour ces animaux.
2. Plus précisément, par deux arrêts, la Cour, s’agissant de l’année 2010, a rejeté les recours de la SAS Distribution Sanitaire Chauffage et, s’agissant des années 2011 et 2012, a transmis la demande au Conseil d’Etat. En effet, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs aux impôts locaux, à l’instar de la TASCOM qui est affectée aux communes depuis le 1er janvier 201 par application de la loi de finances pour 2010. Dès lors, aucun appel ne pouvait être formé concernant les impositions des années 2011 et 2012, mais un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat était possible.

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