Toujours plus loin vers la régularisation des autorisations d’urbanisme : le juge ne doit pas prendre en compte le seul projet existant mais doit aussi s’interroger sur la possibilité de le faire évoluer sans en changer la nature !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2024

Temps de lecture

3 minutes

CE 11 mars 2024 Commune de Nouméa, n° 463413 : Mentionné aux T. Rec. CE

Dans une décision du 11 mars 2024, le Conseil d’Etat est venu préciser les contours de l’appréciation du caractère régularisable d’un vice entachant une autorisation d’urbanisme au sens des articles L.600-5 et L.600-5-1 du Code de l’urbanisme.

Pour rappel, ces dispositions offrent des possibilités de régularisation des autorisations d’urbanisme, soit par le biais de l’annulation partielle (article L. 600-5), soit par celui du sursis à statuer (article L. 600-5-1).

Au fil du temps, le juge administratif est venu élargir les contours de ces dispositifs : il a ainsi admis que des constructions achevées puissent en bénéficier 1)CE 22 février 2017 Mme B. et a.req. n° 392998., que plusieurs vices puissent être régularisés 2)CE 9 novembre 2021 Mme UP, req n° 440028 mentionné aux T. Rec. CE ; CAA Versailles 7 décembre 2017 Sté Allianz viereq. n° 15VE02620., que la régularisation puisse intervenir au-delà du délai imparti par le juge 3)CE 16 février 2022 Association « Eoliennes, s’en naît trop », req. n° 420554 ; CAA Bordeaux 15 novembre 2018, req. n° 16BX03080  ou encore que la délivrance d’un permis modificatif puisse régulariser l’autorisation initiale même si la demande du pétitionnaire ne le précise pas expressément 4)CE 30 juin 2023 Sté AFC Promotion, req. n° 463230 : mentionné aux T. Rec. CE.

Le Conseil d’Etat considère également que la régularisation de l’autorisation peut être effectuée par la modification de la règle d’urbanisme en cours 5)CE 3 juin 2020 Sté Alexandra, req. n° 420736 : mentionné aux T. Rec. CE, ou par la modification du projet, même si cela implique de modifier son économie générale, du moment qu’il n’en modifie pas la nature même 6)CE sect. avis 2 octobre 2020 M. An° 438318 : publié au Recueil commenté sur le Blog Adden.

C’est sur ce dernier point que le Conseil d’Etat revient dans le cadre de l’affaire commentée.

***

Dans les faits d’espèce, la SCI Fly 2018 a obtenu, le 3 octobre 2018, un permis pour la construction d’une piscine et d’un bloc sanitaire avec vestiaires et débarras (avec pour projet d’ouvrir cette piscine à des cours de natation pour enfant).

Un syndicat de copropriétaires voisin a attaqué ce permis. Si le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a validé le permis de construire, la cour administrative d’appel de Paris l’a annulé, jugeant que ce projet ne permettait pas de satisfaire aux exigences de l’article UB1-12 du plan d’urbanisme directeur de Nouméa, en matière de places de stationnement applicables aux établissements recevant du public (le projet prévoyant 4 places au lieu de 5).

Constatant, au regard de la configuration des lieux, l’impossibilité de créer une place supplémentaire et donc de régulariser ce vice, la cour refusa de sursoir à statuer en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, et annula purement et simplement le permis de construire.

Saisi en cassation par la commune de Nouméa, le Conseil d’Etat rappelle ce qu’il avait déjà précisé dans son avis du 2 octobre 2020 précité à savoir qu’« Un vice entachant le bien-fondé d’une autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé dans les conditions qu’elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».De façon cette fois inédite, le Conseil d’Etat ajoute que, pour apprécier si l’autorisation d’urbanisme pouvait être régularisée, le juge ne devait pas uniquement raisonner par rapport au projet existant mais qu’il devait prendre en compte les possibilités qu’avait le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci. La Cour administrative d’appel n’avait donc ici pas à vérifier, elle-même, que la place de stationnement manquante était réalisable.

Aussi, et comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions rendues sur cet arrêt 7)Conclusions du rapporteur public sous l’arrêté commenté., le juge « doit se placer très en amont, en s’interrogeant seulement sur la possibilité de régulariser, à charge pour l’autorité administrative et le pétitionnaire de trouver la solution [pour régulariser le permis] qui, d’une part, satisfasse le projet du second et, d’autre part, respecte les règles dont la première doit assurer le respect ».

 

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References   [ + ]

1. CE 22 février 2017 Mme B. et a.req. n° 392998.
2. CE 9 novembre 2021 Mme UP, req n° 440028 mentionné aux T. Rec. CE ; CAA Versailles 7 décembre 2017 Sté Allianz viereq. n° 15VE02620.
3. CE 16 février 2022 Association « Eoliennes, s’en naît trop », req. n° 420554 ; CAA Bordeaux 15 novembre 2018, req. n° 16BX03080 
4. CE 30 juin 2023 Sté AFC Promotion, req. n° 463230 : mentionné aux T. Rec. CE
5. CE 3 juin 2020 Sté Alexandra, req. n° 420736 : mentionné aux T. Rec. CE
6. CE sect. avis 2 octobre 2020 M. An° 438318 : publié au Recueil commenté sur le Blog Adden
7. Conclusions du rapporteur public sous l’arrêté commenté.

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