Travaux sur existant et cas de compétence des tribunaux administratifs en premier et dernier ressort en zone tendue – Recours gracieux et prescriptions attachées au permis de construire – Opposabilité des cahiers de recommandations architecturales annexés aux PLU – Formalités autres que celles prévues par le code de l’urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

June 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE, 2 juin 2023 SCI du 90-94 avenue de la République, req n°461645

Par une décision du 2 juin 2023 publiée au recueil Lebon, le Conseil d’État répond à quatre questions en droit de l’urbanisme, dont au moins trois sont inédites notamment s’agissant des effets des cahiers de recommandations architecturales parfois annexés aux PLU.

Dans cette affaire, précisons que le litige porte sur les seules prescriptions, au nombre de douze, assortissant un permis de construire de 8 logements par surélévation d’un immeuble tertiaire.

1     Réduction des délais de traitement des recours via la compétence des TA en premier et dernier ressort : l’article R. 811-1-1 CJA, qui doit demeurer d’interprétation stricte, s’applique aux travaux sur existant

Sur la première question : le Conseil d’État précise la portée de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative, qui donne aux tribunaux administratifs la compétence pour statuer en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire un bâtiment à usage principal d’habitation, lorsque le projet est situé sur le territoire d’une commune dite en tension (c’est-à-dire, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive).

Se prononçant sur l’application de ce texte à un projet de surélévation d’un bâtiment existant, la Haute Juridiction estime qu’il doit s’appliquer strictement puisqu’il a pour effet de supprimer la voie d’appel. Ainsi, il faut prendre en compte les seuls travaux autorisés par le permis de construire contesté et non le bâtiment dans son ensemble après réalisation desdits travaux. C’est donc le projet de surélévation, objet du permis obtenu, qui doit avoir pour objet la réalisation de logements et consacrer plus de la moitié de la surface de plancher autorisée à l’habitation 1)CE 20 mars 2017 M. et Mme A, req. n° 401643 : mentionné aux Tables Rec. CE. pour bénéficier de ces dispositions.

Cette interprétation est intéressante puisque, selon les conclusions du rapporteur public, elle s’éloigne d’une interprétation littérale du texte, qui exigerait de prendre en compte le bâtiment et non l’objet du permis, au profit de la finalité de la réglementation visant à réduire le délai de traitement des recours des projets de logements dans les zones où la demande est importante 2)Voir également notre article sur l’arrêt CE, 25 novembre 2015, Commune de Montreuil, req n°390370 pour une interprétation stricte de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative.

Notons également, ce qui est inédit, que l’application de l’article R. 811-1-1 CJA s’applique également aux recours dirigés contre les seules prescriptions attachées au permis de construire dès lors qu’un droit à construire a bien été reconnu au pétitionnaire.

2     L’absence de prorogation du délai de recours contentieux à l’égard des prescriptions non contestées dans le cadre d’un recours gracieux

Sur la deuxième question : le Conseil d’Etat juge, également de façon inédite, que les prescriptions attachées à un permis de construire et non contestées dans le cadre du recours gracieux ne peuvent pas bénéficier de la prorogation du délai de recours contentieux, qui a été appliquée aux seules prescriptions faisant l’objet dudit recours gracieux. Dit autrement, un recours gracieux ne portant que sur certaines prescriptions du permis ne vaut pas, en bloc, pour l’intégralité des prescriptions assortissant ce dernier 3)Pour mémoire, le recours gracieux présenté dans le délai de 2 mois ne conserve le délai de recours contentieux que dans la limite des conclusions qu’il contient : CE 9 mai 1980, req n°17647.

3      Les effets des prescriptions architecturales annexées au règlement d’un PLU

Sur la troisième question, tout aussi inédite : Le Conseil d’Etat statue sur les effets des cahiers comportant des recommandations ou prescriptions architecturales et paysagères parfois annexées au règlement d’un PLU.

Le Conseil d’État s’inspire d’un arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Versailles rendu en 2005 4)CAA de Versailles, 22 décembre 2005, req n°04VE01225. Il considère que pour être opposables, les prescriptions ou recommandations, qui ne doivent pas fixer de règles nouvelles, doivent :

1) Etre adoptées selon les mêmes modalités procédurales que le règlement du PLU

2) Etre expressément citées dans le règlement (c’est-à-dire que le règlement doit expressément y faire référence)

3) Se contenter d’expliciter ou de préciser, sans les contredire ni les méconnaître, les règles figurant déjà dans le règlement.

Comme l’indique le rapporteur public, si certaines collectivités remplissent déjà ces conditions, il en demeure d’autres pour lesquelles les prescriptions adoptées ne pourraient pas être opposables.

4     L’impossibilité pour l’autorité compétente pour instruire et délivrer des autorisations d’ajouter des règles procédurales au sein du permis délivré

Sur la quatrième et dernière question : le Conseil d’Etat confirme l’impossibilité pour l’autorité compétente en charge d’instruire et de délivrer une autorisation d’urbanisme, d’imposer des formalités non prévues par le code de l’urbanisme pour la mise en œuvre de l’autorisation délivrée.

Cette position s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence constante qui interdit aux auteurs des documents d’urbanisme d’imposer, au sein des PLU, des formalités, du type procédurales, autres que celles prévues par le code de l’urbanisme, ni de modifier les compétences prévues par le même code 5)CE Sect. 21 mars 1986 Syndicat des copropriétaires des Périades, req. n° 61817.

 

 

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References   [ + ]

1. CE 20 mars 2017 M. et Mme A, req. n° 401643 : mentionné aux Tables Rec. CE.
2. Voir également notre article sur l’arrêt CE, 25 novembre 2015, Commune de Montreuil, req n°390370 pour une interprétation stricte de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative
3. Pour mémoire, le recours gracieux présenté dans le délai de 2 mois ne conserve le délai de recours contentieux que dans la limite des conclusions qu’il contient : CE 9 mai 1980, req n°17647
4. CAA de Versailles, 22 décembre 2005, req n°04VE01225
5. CE Sect. 21 mars 1986 Syndicat des copropriétaires des Périades, req. n° 61817

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