Un contrat passé à titre onéreux par une commune avec un opérateur économique en vue de répondre à ses besoins en matière de services de télécommunications constitue un marché public

Catégorie

Contrats publics, Droit administratif général

Date

October 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 25 septembre 2020 Société Orange, req. n° 432727 : mentionné aux Tables du Rec. CE

La commune de Belvezet, située dans le département du Gard, a souscrit auprès de la société Orange un abonnement pour la fourniture de services de téléphone et d’internet. A la suite de l’arrachage du poteau soutenant la ligne aérienne de télécommunications alimentant la commune de Belvezet survenu le 19 juin 2019 et consécutif à un accident de la route impliquant un camion, une partie des habitants de la commune ainsi que les services municipaux ont été privés de télécommunications. La commune en a informé la société Orange le jour-même.

Après six jours d’interruption du service, la commune de Belvezet a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes d’un référé « mesures utiles » sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, afin que ce dernier ordonne sans délai le rétablissement du service de télécommunications sur le territoire de la commune.

Par une ordonnance n° 1902211 rendue le 27 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la demande de la commune en enjoignant à la société Orange de prendre toute mesure nécessaire pour rétablir les télécommunications sur le territoire de la commune, en assortissant cette injonction d’une astreinte de 1 000 EUR par jour de retard à compter de la notification de son ordonnance. Cette ordonnance a été notifiée à la société Orange le 2 juillet suivant. Ce même jour, le tribunal administratif de Nîmes a reçu un courrier de la société Orange l’informant, constat d’huissier à l’appui, que le service de télécommunications avait été rétabli dès le samedi 29 juin en milieu de journée.

La société Orange s’est finalement pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat à l’encontre de l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes. La requérante a soulevé en cassation un moyen tiré de l’incompétence du juge administratif pour connaître de ce litige. En effet, la société Orange soutenait qu’il revenait à la juridiction judiciaire de trancher le différend qui l’opposait à la commune, dès lors que celui-ci était relatif à des relations entre un gestionnaire d’un service public industriel et commercial (SPIC) et un usager de ce service public, en application de la célèbre jurisprudence du Tribunal des conflits Bac d’Eloka 1)TC 22 janvier 1921 Société commerciale de l’Ouest africain, req. n° 00706 : Publié au Rec. CE.

Toutefois, les 7ème et 2ème chambres réunies ont rejeté ce moyen, en considérant que le litige engagé par la commune portait sur « l’exécution d’un contrat passé à titre onéreux par la commune avec un opérateur économique, en vue de répondre à ses besoins en matière de services de télécommunications ». Ayant qualifié ce contrat de marché public, elles en ont conclu que le juge administratif était bien compétent pour connaître d’un litige portant sur son exécution.

Comme le soulignait la rapporteure publique Sophie Roussel dans ses conclusions :

« le contrat unissant Orange et la commune répond en tous points à la définition du marché public de service : l’abonnement souscrit est un contrat conclu par un acheteur soumis au code de la commande publique (la commune) avec un opérateur économique (Orange), pour répondre à un besoin en matière de service (téléphonie et internet) en contrepartie d’un prix. Or un tel contrat revêt, depuis la loi MURCEF (article 2), un caractère administratif par détermination de la loi, indépendamment de son objet ou du contenu de ses clauses » 2)Conclusions de Sophie Roussel, rapporteure publique.

La rapporteure publique a également estimé que la fourniture d’un service de télécommunications ne constituait pas un service public, et que la société Orange ne pouvait donc pas être regardée comme exploitante d’un service public industriel et commercial.

Ayant donc considéré que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes s’était à bon droit considéré comme compétent pour connaître de ce litige, les 7ème et 2ème chambres réunies du Conseil d’Etat ont considéré que les conclusions de la société Orange dirigées contre l’ordonnance rendue le 27 juin 2019 étaient devenues sans objet, dès lors que les travaux de réparation de la ligne avaient été engagés et réalisés indépendamment de l’ordonnance attaquée.

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