Un pouvoir adjudicateur peut recourir à une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence pour l’exploitation et la maintenance de son espace numérique de travail

Catégorie

Contrats publics

Date

October 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 2 octobre 2013 département de l’Oise, req. n° 368846

En 2009, le département de l’Oise a attribué un marché portant sur « la fourniture, la mise en œuvre et le déploiement d’un ” espace numérique de travail ” dans [ses] collèges à la société France qui incluait dans son offre le logiciel ” NetCollège ” de la société Itop ».

Puis, le 10 avril 2013, le département a initié une consultation ayant pour objet « l’exploitation et la maintenance » de l’espace numérique de travail (ENT) précédemment acquis, ce selon une procédure négociée sans publicité préalable ni mise en concurrence (article 35-II-8 du CMP).

Saisi par la société Itslearning, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Amiens a, le 7 mai 2013, annulé cette procédure.

Le Conseil d’Etat, à la suite d’un pourvoi déposé par le département, va toutefois annuler l’ordonnance du juge amiénois puis, au fond, rejeter la demande de la société Itslearning.

L’article 35-II-8° précise que peuvent être conclus selon une procédure négociée sans publicité préalable ni mise en concurrence :

« 8° Les marchés et les accords-cadres qui ne peuvent être confiés qu’à un prestataire déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité »

C’est au visa de cet article que la Haute juridiction va censurer, pour dénaturation des faits, l’ordonnance déférée :

« conformément à un certificat délivré par l’Agence pour la protection des programmes, la société Itop détient des droits d’exclusivité sur le logiciel ” NetCollège ” et que, selon une attestation non contestée émanant de cette société, cette exclusivité englobe l’exploitation et la maintenance de ” NetCollège ” pour tout marché et toute reconduction de marché à compter du 1er janvier 2013 ; qu’ainsi, en se bornant à relever qu’aucun motif tenant à la protection des droits attachés au logiciel ” NetCollège “, ne permettait au département de l’Oise de soutenir que le marché en cause ne pouvait être confié qu’à un prestataire déterminé pour des raisons tenant à la protection de droits d’exclusivité au sens du II de l’article 35 du code des marchés publics, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif d’Amiens a dénaturé les faits qui lui étaient soumis »

Cette solution s’avère logique.

Rappelons que les logiciels sont spécifiquement protégés par le code de propriété intellectuelle (voir notamment : articles L. 112-1 et 112-2) en tant qu’ « œuvre de l’esprit ». Et, précisément, « l’existence de droits de propriété intellectuelle » justifie pleinement l’application de l’article 35-II-8° précité du CMP 1) N. Boulouis, conclusions de sur CE 19 septembre 2007 communauté d’agglomération de Saint-Étienne Métropole, req. n° 296192..

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat va valider la procédure mise en œuvre par le département.

Tout d’abord, la Haute juridiction juge que le département pouvait choisir de conserver la solution ENT précédemment acquise et opter pour un marché relatif à son « exploitation et sa maintenance », plutôt que de relancer une procédure de publicité et de mise en concurrence destinée à acquérir une nouvelle solution ENT.

Le pouvoir adjudicateur étant le mieux placé pour déterminer l’étendue de son besoin, le juge lui octroie d’ailleurs une large marge de manœuvre 2) Le contrôle est limité à la seule « erreur manifeste d’appréciation »..

Ensuite, au regard des éléments qui lui étaient soumis, le Conseil d’Etat constate que les droits d’exclusivité impliquaient nécessairement de conclure le marché avec un prestataire déterminé (en l’occurrence la société Itop) de sorte que le recours à l’article 35-II-8° était bien justifié.

Enfin, le Conseil d’Etat écarte le moyen tiré de ce que le département aurait dû, notamment pour respecter le principe d’égalité de traitement entre les candidats et de liberté d’accès à la commande publique, ne pas conclure en 2009 un marché susceptible de conduire, par la suite, à ce qu’un seul prestataire soit en mesure d’assurer l’exploitation et la maintenance de son ENT.

Là encore, le pouvoir adjudicateur bénéficie d’une large marge de manœuvre.

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References   [ + ]

1. N. Boulouis, conclusions de sur CE 19 septembre 2007 communauté d’agglomération de Saint-Étienne Métropole, req. n° 296192.
2. Le contrôle est limité à la seule « erreur manifeste d’appréciation ».

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