Un raccordement n’ayant pas vocation à prendre fin à un terme défini ou prévisible présente un caractère définitif

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 23 novembre 2022, req. n° 459043 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Mme B et M. D avaient demandé à la société ERDF le raccordement au réseau électrique pour la période allant du 17 octobre 2014 au 1er septembre 2015 d’un terrain leur appartenant sur le territoire de la commune d’Esbly pour y installer une caravane. Le maire d’Esbly s’était cependant opposé à ce raccordement en raison du caractère inconstructible de la parcelle. Cette décision a été annulée par le tribunal administratif de Melun qui a, par la même décision, enjoint au maire de réexaminer la demande de Mme B et M. D.

Le maire a alors pris une nouvelle décision s’opposant à ce raccordement, aux motifs que le raccordement sollicité était un raccordement définitif et non provisoire et que le terrain était exposé à un risque grave d’inondation.

A nouveau saisi par Mme B et M. D, le tribunal administratif de Melun a annulé cette nouvelle décision et a de nouveau enjoint à la commune de réexaminer la demande de raccordement.

S’opposant fermement à la demande de raccordement, le maire d’Esbly a saisi la cour administrative d’appel de Paris d’un appel à l’encontre de cette décision du tribunal.

La cour a tout d’abord rappelé qu’aux termes de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme, les bâtiments, locaux ou installations soumis à autorisation de construire ou à agrément, ne peuvent être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée.

La cour a ensuite relevé que Mme B et M. D appartenaient à la communauté des gens du voyage, qu’ils avaient conservé leur mode de vie itinérant et qu’ils avaient indiqué quitter régulièrement le terrain sur lequel ils avaient installé la caravane pour laquelle ils avaient demandé un raccordement provisoire au réseau électrique. La cour a également noté que Mme B et M. D voulaient seulement disposer d’un « ancrage territorial » sur le terrain leur appartenant, en y revenant régulièrement pour des séjours n’excédant jamais trois mois consécutifs.

En conséquence, la cour, se fondant sur la durée limitée et l’intermittence des séjours, en a déduit que le raccordement demandé ne pouvait être regardé comme un raccordement définitif. La cour a ainsi rejeté l’appel de la commune d’Esbly.

Cette dernière a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de l’article L. 111-12 autorisent le maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale destinés à assurer le respect des règles d’utilisation des sols, à s’opposer au raccordement définitif au réseau d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone des bâtiments, locaux ou installations qui, faute de disposer de l’autorisation d’urbanisme ou de l’agrément nécessaire, sont irrégulièrement construits ou transformés 1)Voir également sur ce point : CE 7 juillet 2004, req. n° 266478 : Publié au Rec. CE.. Ainsi, à titre d’exemple, le maire peut s’opposer au raccordement au réseau d’électricité d’une maison à usage d’habitation dont le permis a été refusé, même si a ensuite été délivré un permis autorisant une addition au bâtiment irrégulier, ce permis n’ayant ni pour objet ni pour effet de régulariser le bâtiment édifiée antérieurement sans autorisation 2)CAA Paris 15 novembre 2001, req. n° 01PA00718.

Le refus de raccordement n’a pas la caractère d’une sanction, mais d’une mesure de police de l’urbanisme destinée à assurer le respect des règles d’utilisation du sol 3)CE 23 juillet 1993, req. n° 125331 : Mentionné aux Tables du Rec. CE..

Selon le Conseil d’Etat, la circonstance que le raccordement demandé soit présenté comme provisoire ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d’opposition qu’il tient de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme dès lors qu’il estime qu’au vu des circonstances de l’espèce, ce raccordement doit être regardé comme présentant un caractère définitif. Le Conseil d’Etat précise à cet égard que « doit être regardé comme présentant un caractère définitif un raccordement n’ayant pas vocation à prendre fin à un terme défini ou prévisible, quand bien même les bénéficiaires ne seraient présents que lors de séjours intermittents et de courte durée ».

En conséquence, le maire était en droit de refuser le raccordement au réseau d’électricité de la caravane de Mme B et M. D, qui n’avait pas fait l’objet de la déclaration préalable à laquelle elle était soumise en vertu de l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme. En effet, le raccordement sollicité, lié à une installation habituelle et récurrente malgré la durée limitée des séjours des demandeurs, devaient être regardé comme un raccordement définitif.

Le Conseil d’Etat a donc décidé d’annuler l’arrêt contesté et a renvoyé l’affaire devant la cour administrative de Paris.

 

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