Une illustration concrète de l’appréciation des offres anormalement basses

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2018

Temps de lecture

3 minutes

TA Grenoble 29 décembre 2017 Syndicat mixte Ardèche Drôme numérique, req. n°1506483

Par une décision du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble s’est prononcé sur les règles applicables à la motivation du rejet des offres anormalement basses et a apporté des éléments concrets intéressants, tant pour les acheteurs que les candidats, sur les éléments de nature à justifier ou non le prix d’une offre suspectée d’être anormalement basse.

En l’espèce, le syndicat mixte Ardèche Drôme numérique a organisé une mise en concurrence en vue de la conclusion d’un accord-cadre ayant pour objet la réalisation d’infrastructures de desserte du réseau d’initiative publique FTTH (« fiber to the home », fibre optique jusqu’au domicile) à laquelle un groupement constitué de deux sociétés a participé.

Par un courrier du 7 juillet 2015, le syndicat a demandé au groupement de « communiquer toute justification d’ordre technique et/ou financière susceptible d’expliquer le niveau de son offre » qui paraissait anormalement basse. Malgré les observations du groupement en réponse à cette demande, le syndicat a considéré son offre comme « économiquement non soutenable » et l’a rejetée par un courrier du 31 juillet 2015. L’une des sociétés du groupement a saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une requête en contestation de la validité du contrat finalement attribué à l’un de ses concurrents 1)CE 4 avril 2014 Département du Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE..

La société fait d’abord valoir que la décision de rejet de l’offre n’était pas motivée comme l’imposait l’article 55 du code des marchés publics, alors applicable.

Cependant, comme c’est le cas de façon générale en matière de rejet des offres 2)CE 6 mars 2009 Syndicat mixte de la région d’Auray Belz Quiberon, req. n° 321217 : mentionné aux tables du Rec. CE., l’absence de motivation de la décision ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence du pouvoir adjudicateur si les motifs de cette décision sont communiqués au candidat évincé avant que le tribunal ne statue et si le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le tribunal statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction. C’était le cas en l’espèce puisqu’un élément effectivement manquant du rapport d’analyse des offres transmis au groupement a finalement été communiqué en cours d’instance par le syndicat.

Ensuite, la société requérante fait grief au syndicat mixte d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’offre du groupement dont elle était membre était anormalement basse, malgré les réponses apportées à la demande d’explication du syndicat.

Cependant, le tribunal administratif considère que le syndicat mixte n’a commis aucune erreur en estimant que ne sont pas des éléments justifiant objectivement du niveau de prix de l’offre :

► l’expérience professionnelle du titulaire ;
► les prix pratiqués par lui dans d’autres marchés, sans produire d’éléments quant au degré de satisfaction des personnes publiques et privées citées ;
► le fait que le groupement a chiffré les prestations décrites au CCTP en respectant le BPU type imposé ;
► la circonstance que l’une des sociétés du groupement intervienne en qualité de cotraitante plutôt qu’en qualité de sous-traitante, ce qui aurait conduit le mandataire à ne pas appliquer de coefficient de sous-traitance, sans accompagner ces informations d’explications sur les conséquences exactes de cette organisation sur les prix de l’offre ;
► la référence à la « base interne de prix » de l’entreprise et à la « confiance » qu’elle avait dans ses calculs, alors que la requérante a reconnu elle-même que sur deux postes de travaux elle avait commis des erreurs consistant à fixer leurs prix unitaires respectivement à 12,50 et 317,50 EUR alors qu’il auraient dû être de 100 et 655 EUR.

En l’absence d’erreur manifeste d’appréciation du syndicat mixte Ardèche Drôme numérique, le moyen est écarté.

La requête de la société a donc été rejetée.

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References   [ + ]

1. CE 4 avril 2014 Département du Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE.
2. CE 6 mars 2009 Syndicat mixte de la région d’Auray Belz Quiberon, req. n° 321217 : mentionné aux tables du Rec. CE.

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