Une offre tardive peut être admise : le cas du dysfonctionnement informatique de la plateforme de dépôt des offres

Catégorie

Contrats publics

Date

October 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 23 septembre 2021 RATP, req. n° 449250, mentionné aux Tables du Rec. CE

Le Conseil d’Etat précise ici les conditions pour lesquelles une offre dématérialisée peut être rejetée pour tardiveté en cas de dysfonctionnement de la plateforme de dépôt.

Dans cette décision RATP en date du 23 septembre 2021, les 7ème et 2ème  chambres réunies du Conseil d’Etat sont revenues sur la notion d’offre remise hors délai et précisément dans le cas de dysfonctionnement de la plateforme numérique.

Les faits de l’espèce opposaient la RATP en sa qualité d’entité adjudicatrice à la société Alstom-Aptis, candidate à la passation d’un marché de fournitures multi-attributaires relatif à la « fourniture d’autobus électriques standards » pour un montant maximum de 825 000 000 euros.

En vertu de l’article R. 2151-5 du code de la commande publique 1)Article R. 2151-5 du code de la commande publique : « Lorsque certains documents de la consultation ne sont pas publiés sur le profil d’acheteur pour une des raisons mentionnées aux articles R. 2132-12 et R. 2132-13, l’acheteur indique, dans l’avis d’appel à la concurrence ou l’invitation à confirmer l’intérêt, les moyens par lesquels ces documents peuvent être obtenus. Lorsque certains documents de la consultation ne sont pas publiés sur le profil d’acheteur parce que l’acheteur impose aux opérateurs économiques des exigences visant à protéger la confidentialité de certaines informations, celui-ci indique, dans l’avis d’appel à la concurrence, dans l’invitation à confirmer l’intérêt ou, lorsque l’appel à la concurrence est effectué au moyen d’un avis sur l’existence d’un système de qualification, dans les documents de la consultation, les mesures qu’il impose en vue de protéger la confidentialité des informations ainsi que les modalités d’accès aux documents concernés. Lorsque certains documents de la consultation sont trop volumineux pour être téléchargés depuis le profil d’acheteur, l’acheteur indique dans l’avis d’appel à la concurrence ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt les moyens électroniques par lesquels ces documents peuvent être obtenus gratuitement. » qui prévoit que l’acheteur élimine les offres reçues hors délai (sans les examiner), la RATP avait informé Alstom Aptis du rejet de son offre, au motif que celle-ci avait été déposée tardivement sur la plateforme dématérialisée prévue à cet effet. La société Alstom Aptis a contesté la régularité de la procédure de passation et a obtenu la suspension de la décision d’attribution du marché et du rejet de sa propre offre et la réintégration de celle-ci au stade de l’analyse des offres si la RATP entendait reprendre la procédure de passation.

Alstom Aptis soutenait en effet que la tardiveté du dépôt de son offre sur la plateforme ne relevait pas de son propre fait mais bien de celle de l’acheteur.

Le juge administratif revient sur les conditions permettant de rejeter ou d’accepter une offre remise tardivement en cas de dysfonctionnement de la plateforme dématérialisée, apportant ainsi une clarification bienvenue à l’ère de la dématérialisation.

En premier lieu et à titre de première condition, le Conseil d’Etat précise qu’une offre ne peut pas être rejetée comme tardive lorsque le soumissionnaire établit qu’il accompli les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre et à titre de seconde condition, lorsque le fonctionnement de son équipement informatique était normal :

« d’une part, […] l’impossibilité pour la société Alstom-Aptis de transmettre son offre dématérialisée dans le délai imparti n’était imputable ni à son équipement informatique, ni à une faute ou une négligence de sa part dans le téléchargement des documents constituant son offre et, d’autre part, […] la RATP n’établissait pas le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt et en déduisant de ce constat que la tardiveté de la remise de l’offre de la société Alstom-Aptis était imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme qui faisait obstacle à ce que la RATP écarte cette offre comme tardive, le juge des référés n’a commis aucune erreur de droit. »

Le Conseil d’Etat retient donc que l’impossibilité de transmettre l’offre dématérialisée n’était pas imputable au candidat et dès lors que l’acheteur n’a pas établi de son côté le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt, l’offre ne pouvait pas être rejetée comme tardive.

Pour parvenir à une telle solution en première instance, on soulignera que le juge des référés du tribunal de Paris avait eu à examiner les échanges téléphoniques et électroniques avec la RATP dans la matinée du 13 novembre 2020 faisant part des difficultés d’Alstom Aptis à télécharger son offre finale avant l’expiration du délai. Il résulte de l’ordonnance que les pièces produites par la RATP, à savoir un graphique mettant en exergue l’augmentation des connexions et l’absence de saturation de la plateforme ainsi qu’un relevé des connexions, ne permettaient pas d’établir selon le juge des référés l’absence de dysfonctionnement allégué par cette dernière.

En second lieu, le Conseil d’Etat revient sur le dispositif de copie de sauvegarde sur support papier ou électronique que les candidats peuvent transmettre parallèlement au dépôt de leur offre en application de l’article R. 2132-11 du code de la commande publique  2)Article R. 2132-11 du code de la commande publique : « Les candidats et soumissionnaires qui transmettent leurs documents par voie électronique peuvent adresser à l’acheteur, sur support papier ou sur support physique électronique, une copie de sauvegarde de ces documents établie selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, annexé au présent code. ». Il considère que :

« le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en ne tenant pas compte, dans son appréciation d’une éventuelle négligence de la société Alstom-Aptis, de l’absence de dépôt par cette société d’une copie de sauvegarde des documents transmis, dès lors que la transmission d’une copie de sauvegarde des documents transmis par voie électronique est une simple faculté ouverte aux candidats et soumissionnaires en application de l’article R. 2132-11 du code de la commande publique, et que l’absence d’un tel dépôt n’était pas à elle seule de nature à établir l’existence d’une négligence de la société. » (Point 5 de l’ordonnance)

Il s’ensuit que les acheteurs devront désormais veiller au bon fonctionnement de leur plateforme dématérialisée avant de rejeter les offres pour tardiveté.

L’utilité de la copie de sauvegarde se trouve quant à elle implicitement mais non moins clairement remise en question.

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. Article R. 2151-5 du code de la commande publique : « Lorsque certains documents de la consultation ne sont pas publiés sur le profil d’acheteur pour une des raisons mentionnées aux articles R. 2132-12 et R. 2132-13, l’acheteur indique, dans l’avis d’appel à la concurrence ou l’invitation à confirmer l’intérêt, les moyens par lesquels ces documents peuvent être obtenus. Lorsque certains documents de la consultation ne sont pas publiés sur le profil d’acheteur parce que l’acheteur impose aux opérateurs économiques des exigences visant à protéger la confidentialité de certaines informations, celui-ci indique, dans l’avis d’appel à la concurrence, dans l’invitation à confirmer l’intérêt ou, lorsque l’appel à la concurrence est effectué au moyen d’un avis sur l’existence d’un système de qualification, dans les documents de la consultation, les mesures qu’il impose en vue de protéger la confidentialité des informations ainsi que les modalités d’accès aux documents concernés. Lorsque certains documents de la consultation sont trop volumineux pour être téléchargés depuis le profil d’acheteur, l’acheteur indique dans l’avis d’appel à la concurrence ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt les moyens électroniques par lesquels ces documents peuvent être obtenus gratuitement. »
2. Article R. 2132-11 du code de la commande publique : « Les candidats et soumissionnaires qui transmettent leurs documents par voie électronique peuvent adresser à l’acheteur, sur support papier ou sur support physique électronique, une copie de sauvegarde de ces documents établie selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, annexé au présent code. »

3 articles susceptibles de vous intéresser