Vice de consentement : un contrôle de la qualification juridique des faits

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2021

Temps de lecture

3 minutes

CE 9 novembre 2021 Communauté d’agglomération du Pays Basque, req. n° 438388 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Le Conseil d’Etat précise la nature de son contrôle lorsqu’une partie invoque l’existence d’un vice de consentement en matière contractuelle.

Dans sa décision Communauté d’agglomération du Pays Basque n° 438388, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur le pourvoi exercé par plusieurs EPCI dans le cadre de l’exécution de la convention de financement et de réalisation du tronçon Tours-Bordeaux de la ligne de TGV Sud-Europe-Atlantique.

Constituée de plusieurs tronçons, cette ligne de TGV comprend notamment un tronçon central qui rallie Tours à Bordeaux et dont la réalisation et l’exploitation ont été concédées par SNCF Réseau, à l’époque Réseau ferré de France (« RFF »), à un opérateur privé (société Liséa). Dans ce cadre de ce projet, le financement a donné lieu à la conclusion d’une convention conclue entre RFF, l’Etat, l’Agence de financement des infrastructures de transport ferroviaires et plusieurs collectivités territoriales pour le tronçon Tours-Bordeaux et, en parallèle, un protocole d’accord relatif à la branche Paris-Bordeaux a été conclu entre RFF, l’Etat, les collectivités financeuses et la région Aquitaine .

Certaines collectivités signataires de la convention de financement ont suspendu leurs versements au titre de cette convention et SNCF Réseau, a alors décidé de saisir le juge administratif.

Par trois jugements du 31 mai 2017, le tribunal administratif a condamné les communautés d’agglomération du Pays Basque, du Grand Montauban et Mont-de-Marsan à verser respectivement une somme 14 322 322,36 euros, de 2 486 566,26 euros et de 6 496 631,44 euros  à SNCF Réseau Elles se sont pourvues en cassation, invitant le Conseil d’Etat à se prononcer d’abord sur la recevabilité de la demande de SNCF Réseau eu égard à l’obligation de tentative préalable de règlement amiable prévue par la convention de financement.

A ce sujet, les 2ème et 7ème chambres réunies ont relevé que les « invitations » de SNCF Réseau à procéder au versement des sommes impayées et des intérêts de retard et l’information selon laquelle elle avait « l’intention d’engager une procédure juridictionnelle de recouvrement en l’absence de régularisation suffisaient à caractériser la tentative préalable de règlement amiable du différend.

Ensuite sur le fond, le Conseil d’Etat examine si un vice d’une particulière gravité au sens de sa jurisprudence de principe « Commune de Béziers 1 » est caractérisé 1)CE 28 décembre 2009 Commune de Béziers, mentionné au Rec. CE, au terme d’un contrôle de la qualification juridique des faits :

En premier lieu, les EPCI tentaient de soulever leur propre incompétence pour signer la convention de financement à l’origine. Comme l’indique le rapporteur public dans ses conclusions 2)Conclusions de P. Ranquet, il s’agit là d’une « contestation inédite » dans la mesure où ce n’est pas la compétence d’une autorité pour engager la personne publique qui est mise en cause et qui ne serait d’ailleurs pas constitutive d’un vice d’une particulière gravité 3)CE 19 avril 2013 CCI d’Angoulême, req. n° 340093, mentionné au Rec. CE, mais son « incompétence radicale ».

Le Conseil d’Etat juge ici que les collectivités requérantes ne pouvaient utilement pas invoquer leur propre compétence au regard de l’existence d’un intérêt communautaire en matière de développement économique au sens de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales 4)Art. L. 5216-5 CGCT : « I.- La communauté d’agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : 1° En matière de développement économique : (…) actions de développement économique d’intérêt communautaire (…) ». Il admet ainsi que le principe de spécialité des EPCI ne les empêche pas de réaliser des investissements à l’extérieur de leurs territoires à condition que ces investissements servent leurs intérêts, en l’espèce leur accessibilité en particulier depuis Paris.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat s’intéresse à l’articulation entre le protocole d’accord relatif à la construction de la branche Bordeaux-Espagne de la ligne et la convention de financement du tronçon Tours-Bordeaux. Il confirme que cette dernière trouvait sa cause dans la réalisation du seul tronçon Tours-Bordeaux. Aussi, l’abandon allégué du projet de branche Bordeaux-Espagne n’a eu aucune incidence.

Le Conseil d’Etat a exercé un contrôle de la qualification juridique des faits pour juger qu’il n’y a pas eu de vice de consentement.

 

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References   [ + ]

1. CE 28 décembre 2009 Commune de Béziers, mentionné au Rec. CE
2. Conclusions de P. Ranquet
3. CE 19 avril 2013 CCI d’Angoulême, req. n° 340093, mentionné au Rec. CE
4. Art. L. 5216-5 CGCT : « I.- La communauté d’agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : 1° En matière de développement économique : (…) actions de développement économique d’intérêt communautaire (…) »

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