Contrôle du recours au marché de conception-réalisation

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2014

Temps de lecture

3 minutes

TA Caen 23 janvier 2014 Centre régional de l’ordre des architectes de Basse-Normandie, req. n° 1300604, n° 1300605 et n° 1300606.

La communauté de communes de Bayeux a, par délibérations du 31 janvier 2013, autorisé son président à signer trois marchés de conception-réalisation portant sur des bâtiments scolaires modulaires pour les écoles de Saint-Vigor-le-Grand, Subles et Esquay.

Saisi par le conseil régional de l’ordre des architectes 1) Le Conseil d’Etat a reconnu qu’un conseil régional de l’ordre des architectes a intérêt à agir contre la décision d’attribution d’un marché de conception-réalisation dans la mesure où celui-ci modifie les conditions d’exercice de la fonction de maîtrise d’œuvre et peut affecter les droits conférés aux architectes lorsque leur intervention est requise en vertu de la loi du 3 janvier 1977, si les conditions du recours à un tel procédé ne sont pas réunies : CE 28 décembre 2001 Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, req. n° 221649 : publié au Rec. CE., le tribunal administratif de Caen a jugé que les conditions du recours au marché de conception-réalisation n’étant pas satisfaites.

Rappelons que ce marché, qui confie à un même groupement d’entreprises les études de conception et la réalisation des travaux, constitue une exception à l’article 7 de la loi « MOP » du 12 juillet 1985, lequel exige, pour la réalisation d’un ouvrage, que la mission de maîtrise d’œuvre soit distincte de celle d’entrepreneur (article 7).

Le recours au marché de conception-réalisation est ainsi encadré par l’article 18 de la loi « MOP », qui autorise le recours au marché de conception-réalisation « lorsque des motifs d’ordre technique ou d’engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ». L’article 37 CMP précise que ces motifs d’ordre technique « sont liés à la destination ou à la mise en œuvre technique de l’ouvrage. Sont concernées des opérations dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre ainsi que des opérations dont les caractéristiques, telles que des dimensions exceptionnelles ou des difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propres des opérateurs économiques. ».

Le juge s’attache ainsi à examiner la réalité des motifs d’ordre technique ayant justifié le recours au marché de conception-réalisation, et si leur complexité rend effectivement nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de conception.

Tel a été le cas pour l’exhaussement de l’opéra de Lyon, qui n’était pas une construction ordinaire, mais une réalisation singulière et spéciale qualifiée par un expert de « monument de l’histoire contemporaine doublé d’une prouesse technique » 2) CAA Lyon 29 mai 2008 Ville de Lyon, req. n° 06LY01546. La possibilité de recourir à un marché de conception-réalisation est reconnue de manière implicite par cette décision.. Mais en dehors de situations spécifiques, le juge n’hésite pas à censurer le recours au marché de conception-réalisation pour des travaux d’extension et de restructuration d’un collège ne présentant aucune spécificité 3) CE 28 décembre 2001 Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, req. n° 221649 : publié au Rec. CE., pour la réalisation d’un atelier-relais ne présentant pas de dimensions exceptionnelles 4) CE 8 juillet 2005 Communauté d’agglomération de Moulins, req. n° 268610 : mentionné aux Tables du Rec. CE. ou encore pour la réalisation d’un complexe multisports malgré des dimensions conséquentes et des contraintes d’exécution certaines 5) CAA Nancy 5 août 2004 M. Daniel X., req. n° 01NC00110..

En l’espèce, la communauté de communes de Bayeux justifiait son choix de passer des marchés de conception-réalisation par sa volonté de réduire les coûts et les délais de la construction des bâtiments scolaires et d’assurer une adaptation plus aisée des bâtiments en cas d’agrandissement des écoles. Le juge constate en outre que le type de constructions projetées correspondait à des bâtiments modulaires, standardisés et industrialisés, ne laissant aucune marge de manœuvre aux architectes.

Aucun motif d’ordre technique ne justifiait donc d’associer l’entrepreneur aux études de conception de ces bâtiments.

Cependant, pour apprécier les conséquences du recours irrégulier à ce marché sur le contrat lui-même, le tribunal administratif relève qu’il aurait eu pour effet d’évincer « les entreprises qui n’étaient pas en mesure de réaliser les études et la construction du bâtiment ». Pourtant, les marchés de conception-réalisation ne peuvent être attribués qu’à un groupement d’entreprises, qui peut très bien être constitué entre un maître d’œuvre et une entreprise générale. Néanmoins, le tribunal en conclut que le marché doit être résolu par les parties ou annulé par le juge des contrats.

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1. Le Conseil d’Etat a reconnu qu’un conseil régional de l’ordre des architectes a intérêt à agir contre la décision d’attribution d’un marché de conception-réalisation dans la mesure où celui-ci modifie les conditions d’exercice de la fonction de maîtrise d’œuvre et peut affecter les droits conférés aux architectes lorsque leur intervention est requise en vertu de la loi du 3 janvier 1977, si les conditions du recours à un tel procédé ne sont pas réunies : CE 28 décembre 2001 Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, req. n° 221649 : publié au Rec. CE.
2. CAA Lyon 29 mai 2008 Ville de Lyon, req. n° 06LY01546. La possibilité de recourir à un marché de conception-réalisation est reconnue de manière implicite par cette décision.
3. CE 28 décembre 2001 Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, req. n° 221649 : publié au Rec. CE.
4. CE 8 juillet 2005 Communauté d’agglomération de Moulins, req. n° 268610 : mentionné aux Tables du Rec. CE.
5. CAA Nancy 5 août 2004 M. Daniel X., req. n° 01NC00110.

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