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CE 18 novembre 2024 communauté de communes Cœur Haute Lande, req. n° 487885 : mentionné aux tables du Rec. CE.
A l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’une décision de préemption prise par arrêté du président d’une intercommunalité, le Conseil d’Etat s’est penché sur les conditions d’entrée en vigueur de la délibération instituant le droit de préemption urbain.
En premier lieu, le Conseil d’Etat précise quelles modalités déclenchent le caractère exécutoire de la délibération instituant le droit de préemption urbain.
Cette précision s’imposait au regard de la dualité du cadre juridique applicable en la matière.
En effet, les formalités de publication d’une délibération instituant le droit de préemption urbain sont prévues par deux sources juridiques.
D’une part, l’article R. 211-2 du code de l’urbanisme prévoit qu’une telle délibération est (i) affichée en mairie pendant un mois, et que (ii) mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. Les effets juridiques attachés à cette délibération ont pour point de départ l’exécution de l’ensemble de ces deux formalités de publicité. En outre, la date à prendre en considération pour l’affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué.
D’autre part, selon l’article L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction applicable au litige, les délibérations du conseil municipal 1)Ces dispositions s’appliquent aux actes pris par les autorités intercommunales également (L. 5211-3 du CGCT, dont relève la délibération instituant un droit de préemption urbain, sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à (i) leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à (ii) leur transmission au représentant de l’Etat.
La question se posait donc de savoir si l’ensemble de ces formalités (i.e tant celles prescrites par le code de l’urbanisme que celles inscrites dans le CGCT) devaient être effectuées pour rendre la délibération exécutoire.
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat a jugé que la délibération par laquelle un établissement public de coopération intercommunale institue un droit de préemption urbain est exécutoire dès qu’elle a fait l’objet des formalités de publicité prévues aux articles L. 2131-1 à L 2131-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et qu’elle a été transmise au représentant de l’Etat indépendamment donc du respect des formalité prescrites par le code de l’urbanisme précitée.
Le Conseil d’Etat considère ainsi que :
« S’il résulte des dispositions réglementaires de l’article R. 211-2 du code de l’urbanisme que la délibération instituant le droit de préemption urbain doit faire l’objet d’un affichage pendant un mois et que mention doit en être insérée dans deux journaux diffusés dans le département, le respect de cette durée d’affichage et celui de cette obligation d’information par voie de presse sont sans incidence sur la détermination de la date à laquelle cette délibération devient exécutoire » (point 4).
Cette décision s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle initiée en 2021 en matière de délibération approuvant un plan local d’urbanisme 2)CE 2 avril 2021, req. n° 427736 : mentionné dans les tables du recueil Lebon ; voir l’article du Blog Adden : Entrée en vigueur d’un PLU sur un territoire couvert par un SCOT : la publication et la transmission de la délibération au contrôle de légalité sont les deux seules conditions nécessaires et en vertu de laquelle les conditions d’entrée en vigueur d’une délibération dépendent uniquement des aux mesures de publicité prévues au CGCT et non de celles destinées à l’information du public (affichage et publication dans un journal).
A propos du caractère exécutoire des PLU, le rapporteur public concluait : « qu’au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et de la compétence du législateur pour en déterminer les principes fondamentaux et les conditions, on peine à admettre qu’une disposition réglementaire puisse ajouter des formalités » 3)Conclusions de N. Polge, rapporteur public, sous CE 2 avril 2021, req. n° 427736 in BJDU 4/2021 p.260. Il apparaissait également « peu sûr » pour le rapporteur public de soumettre l’entrée en vigueur des actes administratifs à la date de sortie d’une annonce dans un organe de presse locale.
Ces considérations paraissent également transposables au cas d’espèce.
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat juge donc que c’est à tort que les juges du fond ont considéré que la décision de préemption n’était pas devenue exécutoire du fait de l’absence de respect de l’obligation d’information par voie de presse telle que prévue à l’article R. 211-2 du code de l’urbanisme :
« 5. Par suite, en déduisant de l’absence de respect de l’obligation d’information par voie de presse telle que prévue à l’article R. 211-2 du code de l’urbanisme pour la délibération du 19 janvier 2017 du conseil communautaire de la communauté de communes Cœur Haute Lande instituant le droit de préemption urbain sur le territoire de la commune de Garein que cette délibération n’était pas devenue exécutoire, de sorte que la décision de préemption litigieuse était dépourvue de base légale, la cour s’est fondée sur une circonstance inopérante et a ainsi commis une erreur de droit ».
En second lieu, et « au demeurant » 4)La question n’ayant plus d’intérêt au regard du considérant de principe dégagé par le Conseil d’Etat, il était question de savoir si la mention de la délibération litigieuse dans un journal local, habilité à recevoir des annonces légales, permettait de respecter l’obligation d’information fixée par l’article R. 211-2 du code de l’urbanisme, prévoyant une insertion « dans deux journaux diffusés dans le département ».
Le Conseil d’Etat l’admet dès lors que l’inscription des journaux sur la liste des journaux susceptibles de recevoir les annonces légales dans le département, fixée chaque année au mois de décembre pour l’année suivante par le préfet en vertu de l’article 2 de la loi du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales, est notamment subordonnée à la condition, vérifiée à cette occasion, d’une diffusion suffisante dans le département (point 6).
La mention de l’acte instituant un droit de préemption urbain dans un journal, figurant sur la liste des journaux susceptibles de recevoir les annonces légales dans le département, est donc de nature à assurer l’information par voie de presse instituée par l’article R. 211- 2 du code de l’urbanisme.
En résumé :
- l’article R. 211-2 du code de l’urbanisme n’impose que des mesures d’information du public, à cet égard, une mention dans un journal habilité à recevoir des annonces légales dans le département assure l’obligation d’information par voie de presse
- pour avoir un caractère exécutoire et entrer en vigueur, la délibération instituant le droit de préemption doit faire l’objet (i) des mesures de publicité définies aux articles L. 2131-1 à L 2131-3 du CGCT et (ii) d’une transmission au contrôle de légalité
En conclusion, informer les administrés n’est pas rendre exécutoire un acte administratif. Les juges ayant recensé les deux erreurs de droit, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux a été annulé, et l’affaire renvoyée.
References
1. | ↑ | Ces dispositions s’appliquent aux actes pris par les autorités intercommunales également (L. 5211-3 du CGCT |
2. | ↑ | CE 2 avril 2021, req. n° 427736 : mentionné dans les tables du recueil Lebon ; voir l’article du Blog Adden : Entrée en vigueur d’un PLU sur un territoire couvert par un SCOT : la publication et la transmission de la délibération au contrôle de légalité sont les deux seules conditions nécessaires |
3. | ↑ | Conclusions de N. Polge, rapporteur public, sous CE 2 avril 2021, req. n° 427736 in BJDU 4/2021 p.260 |
4. | ↑ | La question n’ayant plus d’intérêt au regard du considérant de principe dégagé par le Conseil d’Etat |