Exclusion du champ d’application du droit de priorité prévu à l’article L. 240-1 du CU des biens vendus par la société nationale SNCF et ses filiales en vue de réaliser une opération d’intérêt national

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

February 2025

Temps de lecture

3 minutes

CE 4 février 2025, req. n° 493747

Le 26 décembre 2018, la société nationale SNCF a conclu une promesse de vente en vue de l’acquisition par la SRL Groupe A et A Novelis de parcelles et de droits indivis situés sur la commune de Sanary-sur-Mer (Var). Par un arrêté du 13 juin 2023, la société bénéficiaire s’est vue délivrer par le maire de la commune un permis de construire trente logements, dont quinze logements sociaux.

Par une décision du 9 janvier 2024, l’établissement public foncier (ci-après l’  « EPF ») de Provence-Alpes-Côte d’Azur a exercé, par délégation de la commune de Sanary-sur-Mer, le droit de priorité prévu par l’article L. 240-1 du code de l’urbanisme en vue de l’acquisition des parcelles cadastrées et des droits indivis susmentionnés.

L’article L. 240-1 du code de l’urbanisme prévoit :

« Il est créé en faveur des communes et des établissements publics de coopération intercommunale titulaires du droit de préemption urbain un droit de priorité sur tout projet de cession d’un immeuble ou de droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble situé sur leur territoire et appartenant à l’Etat, à des sociétés dont il détient la majorité du capital, aux établissements publics mentionnés aux articles L. 2102-1, L. 2111-9 et L. 2141-1 du code des transports (…) en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, d’actions ou d’opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 du présent code (…). Pour l’acquisition d’un terrain pouvant faire l’objet d’une cession dans les conditions prévues aux articles L. 3211-7 et L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale peut également déléguer son droit de priorité à un établissement public mentionné à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre IV du titre II du livre III du code de l’urbanisme (…). Leur organe délibérant peut déléguer l’exercice de ce droit, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. »

La SRL Groupe A et A Novelis a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon d’un référé-suspension en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative à l’encontre de la décision de l’EPF. Par une ordonnance du 9 avril 2024, le juge des référés a rejeté sa demande. La société Groupe A et A Novelis s’est alors pourvue en cassation.

La Haute juridiction a commencé par vérifier si les conditions du référé-suspension étaient effectivement remplies :

  • Au titre de l’urgence: le Conseil d’Etat considère cette condition satisfaite, la privation du bénéfice d’une promesse de vente de biens immobiliers constituant bien une atteinte grave et immédiate.
  • Au titre de l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée: le Conseil d’Etat rappelle que l’article  240-2 du CU prévoit que les dispositions de l’article L. 240-1 du même code ne sont pas applicables à l’aliénation par les établissements publics notamment mentionnées aux articles L. 2102-1, L. 2111-9 et L. 2141-1 du code des transports d’immeubles en vue de réaliser les opérations d’intérêt national mentionnées à l’article L. 132-1 du CU.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat reconnaît qu’en application de l’article 1er de la loi du 13 juillet 2006, le projet de construction porté par la SRL Groupe A et A Novelis présente un caractère d’intérêt national. En effet, la commune de Sanary-sur-Mer n’a pas atteint l’objectif global de réalisation de logements sociaux pour la période triennale 2020-2022 et est de nouveau en situation de carence pour la période 2023-2025.

Il précise ensuite que depuis 2019 les articles précités du code des transports ne mentionnent plus les établissements publics « SNCF », « SNCF Réseau » et « SNCF Mobilités » mais la société nationale SNCF et les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs. Bien que le législateur ait laissé subsister à l’article L. 240-2 du CU la référence aux « établissements publics » mentionnés dans ces dispositions, le Conseil d’Etat estime qu’il ne peut être considéré que le législateur a entendu rendre applicable les dispositions de l’article L. 240-1 du CU à l’aliénation d’immeubles dans les conditions mentionnées à l’article L. 240-2 par la société nationale SNCF et par ses filiales, les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.

Le Conseil d’Etat considère alors que le moyen tiré de ce que le droit de priorité n’était pas applicable à l’aliénation des parcelles en cause, vendues par la société nationale SNCF pour réaliser un programme de logements et de logements sociaux constituant une opération d’intérêt national, est, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

L’ordonnance du 9 avril 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée et le Conseil d’Etat suspend la décision par laquelle l’EPF PACA a fait l’exercice du droit de priorité.

 

 

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