
Catégorie
Date
Temps de lecture
CE 23 mai 2025 Société Wifirst, req. n° 500255
Par une décision du 23 mai 2025, le Conseil d’État rappelle les conditions dans lesquelles un conflit d’intérêts ou la divulgation d’informations confidentielles doivent conduire à l’annulation de la procédure de passation d’un marché public.
Après une première consultation déclarée sans suite en 2023, l’Économat des armées a relancé le 24 avril 2024 une nouvelle procédure pour le renouvellement d’un marché portant sur des services de télécommunication de loisir à destination du personnel du ministère des armées (dit « ILOSCA 2024) ». Le marché était divisé en trois lots. L’offre de la société Wifirst, titulaire sortante, a été rejetée pour les lots n° 1 et 2, remportés par la société Passman. La société Wifirst a alors formé un référé précontractuel aux fins d’annulation de la procédure de passation s’agissant de ces deux lots.
Le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande en retenant deux manquements : selon lui, la présence d’un ancien administrateur de l’Économat des armées parmi les effectifs de la société attributaire, ainsi que la diffusion, lors de la première consultation lancée en 2023 en vue du renouvellement du contrat, de données confidentielles portant sur le marché encore en cours, ont méconnu les principes d’égalité de traitement et d’impartialité.
Saisi en cassation par l’Economat des armées et la société Passman, le Conseil d’État annule l’ordonnance du juge de première instance et, réglant l’affaire au titre du référé engagé par la société Wifirst, rejette les moyens soulevés par cette dernière en se fondant sur les dispositions des articles L. 3 et L. 2141-8 du code de la commande publique (CCP).
D’une part, les juges du Palais Royal retiennent que la seule circonstance « qu’un salarié de la société Passman était précédemment employé, pendant plus de huit ans, à des fonctions opérationnelles comme administrateur de l’Economat » et que « ces fonctions ont perduré alors même que ce salarié exerçait des fonctions dans la société Passman » ne permet ni de caractériser une atteinte au principe d’impartialité, ni d’établir une méconnaissance du principe d’égalité entre les candidats.
D’autre part, ils considèrent que le juge des référés du tribunal administratif ne pouvait pas se borner à relever que l’Economat des armées avait diffusé « des informations portant sur le marché encore en cours et contenant, notamment, des éléments concernant le service et les prix pratiqués par la société Wifirst », sans rechercher si les mesures prises ensuite (déclaration sans suite de la procédure et écoulement d’un délai d’un an avant de relancer la procédure) avaient été de nature à remédier à cette diffusion accidentelle d’informations confidentielles.
Le Conseil d’Etat réaffirme 1)CE 12 septembre 2018 Syndicat mixte des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse, req. n° 420454 : Rec. Tables ainsi :
- Que l’obligation d’impartialité, qui ne pèse que sur l’acheteur, n’est pas méconnue par la circonstance qu’un candidat aurait pu obtenir par l’un de ses salariés des informations susceptibles de conférer à son employeur un avantage concurrentiel ;
- Que, pour identifier une rupture d’égalité, le juge doit rechercher si un candidat a été avantagé par rapport aux autres, ce qui peut être le cas lorsqu’il a eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par sa participation préalable directe ou indirecte à la préparation de la procédure de passation du marché.
Dans les circonstances de l’espèce, il estime que ni les informations auxquelles la société Passman aurait pu avoir accès par l’intermédiaire de son salarié du fait des fonctions qu’il a précédemment occupées au sein de l’Economat des armées, ni la diffusion accidentelle des données liées à l’exécution du précédent marché par la société Wifirst ne sont de nature à entacher la procédure d’irrégularité, dès lors qu’il n’est pas établi qu’elles ont été susceptibles de créer à l’avantage de la société Passman une distorsion de concurrence.
Cette décision illustre l’appréciation in concreto à laquelle le juge doit procéder pour identifier un manquement au principe d’égalité de traitement et au principe d’impartialité : les fonctions exercées par le salarié, le temps écoulé entre la cessation de ses fonctions et le lancement de la procédure de mise en concurrence, de même que la nature et l’utilité des données qui ont été accidentellement diffusées sont ainsi prises en compte par le Conseil d’Etat.
References
1. | ↑ | CE 12 septembre 2018 Syndicat mixte des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse, req. n° 420454 : Rec. Tables |