Comment recouvrir des créances publiques ? Le choix à faire entre le recours au titre exécutoire et la saisine du juge

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2025

Temps de lecture

2 minutes

CE 20 mai 2025 Société La Forge de Longuyon, req. n° 498461

Dans une décision du 20 mai 2025, le Conseil d’État a apporté des précisions bienvenues sur la possibilité, pour un établissement public comme Voies navigables de France (VNF), de demander une provision au juge administratif alors qu’il a déjà émis un titre exécutoire. Plus largement, l’arrêt éclaire les conditions de recevabilité des actions en recouvrement intentées par les personnes publiques, notamment lorsque l’opérateur économique visé a une activité transfrontalière.

Retour sur un cas d’application du droit d’exécution des contrats publics, avec des enseignements à portée générale pour l’ensemble des personnes publiques et leurs partenaires.

Dans cette affaire, la société La Forge de Longuyon exploite une centrale hydroélectrique sur la Meuse. Titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public fluvial, elle était assujettie au paiement d’une taxe puis d’une redevance hydraulique. Ne s’étant pas acquittée des sommes dues entre 2014 et 2023, VNF a engagé une procédure de référé provision pour réclamer le versement de 51 382,03 EUR.

Premier rebondissement : le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejette la demande. VNF fait appel et obtient satisfaction devant le juge des référés de la cour administrative d’appel de Nancy. Mais la société se pourvoit en cassation, estimant que la procédure n’a pas respecté le principe du contradictoire. Le Conseil d’État va non seulement annuler cette ordonnance au motif que le principe du caractère contradictoire de la procédure a été méconnu, mais aussi trancher le fond de l’affaire.

Dans cette perspective, le Conseil d’État rappelle une règle essentielle : une collectivité publique ne peut pas saisir le juge administratif pour obtenir une décision ayant les mêmes effets qu’un titre exécutoire qu’elle a déjà émis 1)CE 15 décembre 2017 Société Ryanair Designated Activity Company et autre, req. n° 408550. En clair : si un titre a déjà été émis pour recouvrer une créance, il faut engager les voies d’actions pour l’exécuter et ne pas demander une autre décision. Ce principe, fondé sur l’autonomie des personnes publiques en matière d’exécution, évite ainsi de surcharger le juge de demandes redondantes.

Il existe toutefois une exception : lorsque la personne publique justifie, d’une part, de vaines tentatives d’exécution du titre exécutoire qu’elle a préalablement émis, notamment sur des biens situés en France et d’autre part, de l’utilité d’une décision rendue par une juridiction française pour le recouvrement de sa créance sur des biens ou fonds à l’étranger. Cette exception est en lien avec le règlement (UE) n° 1215/2012, qui permet de faire exécuter une décision rendue par un juge français dans un autre pays de l’UE, sans formalité supplémentaire.

Dans l’affaire jugée, VNF soutenait que la société La Forge de Longuyon avait organisé l’insaisissabilité de ses actifs en France et qu’une décision juridictionnelle serait utile pour saisir des biens en Belgique. Mais elle n’a apporté suffisamment de preuve de ces difficultés d’exécution. Le Conseil d’État estime donc que la demande de provision était irrecevable, car dépourvue d’objet.

Cette décision rappelle donc avec fermeté qu’une personne publique ne peut pas cumuler les moyens de recouvrement et doit nécessairement choisir entre émettre un titre exécutoire et saisir le juge.

 

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