Imprudence du maître d’ouvrage à la réception : peut-on néanmoins engager la responsabilité du maître d’œuvre ?

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2025

Temps de lecture

2 minutes

CE 1er décembre 2025 Commune d’Orbec, req. n° 503890

Le devoir de conseil impose au maître d’œuvre d’avertir le maître d’ouvrage des désordres affectant l’ouvrage dont il peut avoir connaissance, afin de permettre à la personne publique soit de ne pas réceptionner l’ouvrage, soit l’assortir de réserves 1)CE 10 décembre 2020 M. A., req. n° 432783 : aux T. du Rec. CE.

Mais quelle est l’étendue de ce devoir de conseil lorsque le maître d’ouvrage a connaissance lui-même des désordres ?

Le Conseil d’Etat y répond dans l’arrêt du 1er décembre 2025, en réaffirmant que même si le maître d’ouvrage a connaissance des désordres avant la réception de l’ouvrage, cela n’exonère pas le maître d’œuvre de son devoir de conseil 2)CE 10 juillet 2013 Communauté de communes de Chamousset-en-Lyonnais, req. n° 359100.

Dans cette affaire en effet, la commune d’Orbec a confié à la société Gaudriot Ingénieurs Conseil un contrat de maîtrise d’œuvre pour rénover et aménager les abords de l’église communale et de la voirie. La société Normande de travaux publics et particuliers a été chargée des travaux de voirie et d’eaux pluviales, remplacée plus tard par Gagneraud Construction. La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la demande indemnitaire de la commune à la suite des désordres constatés sur les dalles. Elle a ensuite assigné la société Axa France, assureur de la société Gaudriot, devant le tribunal judiciaire de Lisieux qui a transmis au tribunal administratif de Caen des questions préjudicielles relatives à la responsabilité du maître d’œuvre. Par jugement du 17 avril 2025, la responsabilité du maître d’œuvre a été écartée au motif de l’imprudence fautive du maître d’ouvrage.

Mais le Conseil d’Etat relève ici que la commune, dépourvue de services techniques, avait suivi l’avis de son maître d’œuvre. Par ailleurs, le maître d’œuvre avait envisagé à plusieurs reprises une réception des travaux avec réserves et émis l’hypothèse d’une généralisation des désordres et pour autant, il avait préconisé de prononcer la réception sans réserve à la suite de la reprise des seules parties endommagées de l’ouvrage.

Dans ces conditions, la responsabilité du maître d’œuvre a été admise. Toutefois, elle a été limitée de moitié, en raison de la connaissance préalable des désordres par la commune.

En conclusion, malgré l’imprudence du maître d’ouvrage, qui a réceptionné sans réserve un ouvrage comportant des désordres connus, le maître d’œuvre demeure responsable pour manquement à son devoir de conseil envers le maître d’ouvrage.

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