Après son avis du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat confirme et précise les contours de la dérogation « espèce protégées » 

Catégorie

Environnement

Date

March 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 17 février 2023 ADET 54 et autres, req. n  460798

Soucieux de concilier protection des espèces et production d’énergies renouvelables, le Conseil d’Etat clarifie les contours de la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.

En l’espèce, par un arrêté du 9 octobre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé la SODEGER (société de développement et de gestion des énergies renouvelables) Haute Lorraine à exploiter un parc éolien.

Considérant que ce projet aurait dû faire l’objet d’une demande de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèce protégées, plusieurs requérants, notamment l’association de défense de l’environnement à Tiercelet (ADET 54), ont attaqué cet arrêté devant le tribunal administratif de Nancy qui, par un jugement du 29 juillet 2016, l’a annulé. La cour administrative d’appel de Nancy. a rejeté les appels par un arrêt du 14 décembre 2017. Les appelants ont donc formé un pourvoi en cassation et par un arrêt du 7 juin 2019, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel et renvoyé l’affaire au fond.

Statuant sur renvoi après cassation, par un arrêt en date du 25 novembre 2021, la cour administrative d’appel de Nancy a constaté que l’avis de l’autorité environnementale était irrégulier et entachait d’illégalité l’arrêté d’autorisation d’exploiter. Elle a donc fait application des dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement et a prononcé un sursis à statuer pour une période de quatre mois afin de permettre au pétitionnaire d’obtenir une autorisation environnementale modificative.

L’ADET 54 et autres se sont alors pourvus en cassation contre la décision avant dire-droit de la cour, considérant qu’une demande de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèce protégées aurait dû être déposée pour ce projet portant une atteinte caractérisée à la grue cendrée et au milan royal.

Pour mémoire, dans son avis du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat avait considéré que le pétitionnaire, responsable du projet, doit obtenir une dérogation « espèces protégées » lorsque « le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé » 1)CE 9 décembre 2022 Association Sud-Artois pour la protection de l’environnement et autres, req. n° 463563 – voir en ce sens notre article : Mesures ERC et dérogations à l‘interdiction de destruction des espèces protégées.

Cette notion de « risque suffisamment caractérisé » a été précisé par la Haute juridiction dans son arrêt du 17 février 2023.

Il résulte de cette jurisprudence qu’un projet doit faire l’objet d’une demande de dérogation « espèces protégées » lorsque :

  • en premier lieu, des spécimens protégé 2)Ce qui vise les espèce mentionnées par les arrêtés du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection et du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection sont présents dans la zone du projet : à ce stade, le nombre et l’état de conservation de ces spécimens ne doivent pas être pris en compte
  • et, en second lieu, le risque pour ces espèces est suffisamment caractérisé : tout risque ne déclenche pas l’obligation d’obtention d’une dérogation « espèce protégées ». Pour apprécier ce risque, le pétitionnaire doit :
    • prendre en compte des mesures d’évitement et de réduction, les mesures de compensation étant implicitement révélatrice de l’existence d’une atteinte caractérisée
    • vérifier si ces mesures présentent des « garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces ».

Ici, le Conseil d’Etat, après avoir recherché si le risque était suffisamment caractérisé, a rejeté ce pourvoi en jugeant que :

« Dans ces conditions, en jugeant que le projet n’impliquait pas d’atteinte suffisamment caractérisée à la grue cendrée et au milan royal, et en déduisant qu’un tel risque ne nécessitait pas de former préalablement une demande de dérogation au titre des dispositions du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la cour n’a ni commis d’erreur de droit, ni donné aux faits de l’espèce une inexacte qualification juridique ».

 

 

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