Conséquences du recours dirigé contre un permis de construire modificatif sur le délai de validité du permis initial

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

July 2020

Temps de lecture

4 minutes

CE 19 juin 2020 commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or, req. n° 434671

1          Le contexte de l’affaire

1.1        Par un arrêté du 5 septembre 2014, la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or a délivré un permis de construire portant sur la réalisation d’une maison individuelle à Monsieur D., lequel a ensuite été transféré à Monsieur A. par un arrêté du 16 décembre 2016. Un recours contre ce permis de construire a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 12 mai 2016 devenu irrévocable.

Le 5 août 2017, le maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or a délivré à Monsieur A. un permis de construire modificatif, lequel a été annulé par le tribunal administratif de Lyon par un jugement du 27 décembre 2018, également, devenu définitif.

1.2        Souhaitant alors réaliser les travaux autorisés sur le fondement du permis de construire initial du 5 septembre 2014, Monsieur A. a déposé une déclaration d’ouverture de chantier en mairie de Saint-Didier-au-Mont-D’Or le 13 février 2019.

Cependant, un voisin, à l’origine des recours contentieux, a demandé, par un courrier du 12 juin 2019, au maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or de constater la caducité de ce permis de construire, de dresser un procès-verbal d’infraction aux fins de transmission au procureur de la République et de prendre un arrêté interruptif de travaux.

Ses demandes ont été rejetées par la commune par une décision du 12 août 2019.

1.3        Dans ce contexte, le voisin a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, aux fins, d’une part, d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision et, d’autre part, d’enjoindre au maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or de constater, à titre provisoire, la caducité du permis de construire du 5 septembre 2014 et de prendre un arrêté interruptif de travaux.

Par une ordonnance du 11 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a fait droit aux demandes du voisin requérant en estimant que le refus par le maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or de constater la péremption du permis initial faisait un naître un doute sérieux sur la légalité de la décision.

Par une décision du 19 juin 2020, le Conseil d’Etat a annulé cette ordonnance, en donnant d’intéressantes précisions sur les conséquences d’un recours contre un permis modificatif sur le délai de validité du permis initial.

C’est la décision commentée.

2         La décision du Conseil d’Etat

Suivant le raisonnement du rapporteur public, le Conseil d’Etat a jugé qu’il résultait de la combinaison des articles R. 424-17 1)« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. / (…) ». et R. 424-19 2)« En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l’article L. 480-13, le délai de validité prévu à l’article R. 424-17 est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable ». du code de l’urbanisme que « si la délivrance d’un permis modificatif n’a pas pour effet de faire courir à nouveau le délai de validité du permis initial » « le recours contentieux formé par un tiers à l’encontre de ce permis modificatif suspend ce délai jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle irrévocable » (considérant 7)

Si la question de savoir si la délivrance d’un permis modificatif avait pour effet de faire courir à nouveau le délai de validité du permis initial avait déjà été tranchée par le Conseil d’Etat en ce sens 3)CE 16 février 1979 SCI du Cap Naïo, req. n° 03646., il n’en allait, jusque-là, pas de même s’agissant de la seconde question relative à la suspension du délai de validité du permis initial du fait d’un recours à l’encontre du permis modificatif 4)Même si certaines juridictions du fond aient déjà eu à juger la question : par exemple, CAA de Marseille 15 mai 2014 association Bien vivre aux Rompudes, req. n° 13MA01848 (décision commentée sur le blog Adden)..

La décision sur ce point est éclairée par les conclusions du rapporteur public sous la décision commentée 5)Conclusions d’A. Lallet sous la décision commentée p. 3, disponible sur Ariane Web..

Selon lui, en effet, « l’article R. 424-19 confère un effet suspensif au recours contre « le permis ». Un permis modificatif est aussi un permis. Au regard de la lettre même du texte, il est donc impossible de juger que sa contestation serait neutre sur le délai dans lequel les travaux autorisés doivent être entrepris ».

Cette solution est d’autant plus logique que le juge administratif considère que le permis de construire modificatif constitue, avec le permis de construire initial auquel il s’intègre, un ensemble dont la légalité doit s’apprécier comme si n’était en cause qu’une seule décision 6)CAA Paris 30 octobre 2008 M. Y., req. n° 05PA04511..

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu juger, suivant en cela son rapporteur public, que l’exercice d’un recours à l’encontre du permis de construire modificatif suspend nécessairement le délai de validité du permis de construire initial jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle irrévocable et que, par conséquent, le juge des référés avait commis une erreur de droit en retenant un doute sérieux sur la légalité de la décision de la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or refusant de constater la péremption du permis de construire initial du 5 septembre 2014.

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References   [ + ]

1. « Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. / (…) ».
2. « En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l’article L. 480-13, le délai de validité prévu à l’article R. 424-17 est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable ».
3. CE 16 février 1979 SCI du Cap Naïo, req. n° 03646.
4. Même si certaines juridictions du fond aient déjà eu à juger la question : par exemple, CAA de Marseille 15 mai 2014 association Bien vivre aux Rompudes, req. n° 13MA01848 (décision commentée sur le blog Adden).
5. Conclusions d’A. Lallet sous la décision commentée p. 3, disponible sur Ariane Web.
6. CAA Paris 30 octobre 2008 M. Y., req. n° 05PA04511.

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