Dans quelles mesures le juge peut-il prendre en considération les indications du rapport de présentation du PLU ?

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

February 2016

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 février 2016 SCI Porte de Noisy, req. n° 383738

En 2012, un permis de construire a été délivré à une société. Attaqué par des requérants, le permis a été partiellement annulé par le tribunal administratif de Montreuil, avant d’être totalement annulé par la cour administrative d’appel de Versailles.

Saisi d’un pourvoi à l’encontre de ces arrêts par le bénéficiaire du permis, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi, en rappelant le caractère inopposable, pour la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, du rapport de présentation du plan local d’urbanisme (contrairement au règlement et à ses documents graphiques), mais en ajoutant que cela ne faisait néanmoins pas obstacle à la possibilité pour le juge de prendre en considération les dispositions du rapport de présentation pour interpréter les règles d’un règlement de PLU lorsque cette interprétation ne ressortait pas de la seule lecture du règlement 1) « qu’en application du 3° de l’article R. 123-2 du même code, le rapport de présentation du plan local d’urbanisme ” explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d’aménagement. (…) ” ; qu’il résulte de ces dispositions que, si les indications contenues dans le rapport de présentation d’un plan local d’urbanisme ne sont pas, par elles-mêmes, opposables pour la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, elles peuvent être prises en considération par le juge pour interpréter les dispositions d’un règlement du plan local d’urbanisme, lorsque cette interprétation ne ressort pas clairement de la seule lecture du texte de ces dispositions ».

Au cas d’espèce, le règlement du PLU prévoyait des règles de constructibilité différentes, en distinguant entre une “bande de constructibilité principale” sur une profondeur de vingt mètres à compter des voies et, au-delà, une “bande de constructibilité secondaire”, dans laquelle l’emprise au sol et la hauteur des constructions sont réduites. La question se posant de savoir si les voies publiques ou privées à partir desquelles la “bande de constructibilité principale” doit être déterminée sont uniquement les voies préexistant à la demande de permis de construire ou prévues au projet mais antérieurement approuvées, la cour administrative d’appel de Versailles s’était référée, pour interpréter le règlement, aux indications du rapport de présentation, qui justifiait la coexistence de deux “bandes de constructibilité” par la volonté de favoriser la densité en périphérie des îlots.

Le Conseil d’Etat approuve la façon dont a procédé la cour 2) « qu’en statuant ainsi, la cour, qui s’est bornée à prendre en considération, sans les rendre opposables, les indications contenues dans le rapport de présentation pour interpréter les dispositions du plan local d’urbanisme dont elle devait faire application, n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ».

Cette démarche interprétative a été clairement rappelée par un éminent membre du Conseil d’Etat :

    « Lorsqu’un texte est clair (compte tenu des règles de grammaire, de la sémantique, de la syntaxe, son sens ne peut prêter à aucune discussion et lorsque outre ses dispositions ne sont en contradiction avec aucune autre disposition en vigueur ayant valeur juridique au moins égale, le juge administratif ne se livre à aucune fantaisie interprétative. Il applique strictement le texte, sans tenir compte ni des travaux préparatoires, ni de l’objectif du législateur.
    Pour interpréter un texte obscur, le juge dispose d’éléments dont il trouve simultanément ou séparément les uns dans la genèse et dans l’exégèse du texte litigieux, les autres dans les conceptions mêmes sur lesquels notre droit est fondé, les derniers dans l’économie générale du texte à interpréter (travaux préparatoires, principes de droit, esprit du texte)
    » 3)Raymond Odent, Contentieux administratif, Tome I, p. 348. Voir également l’article de Bruno Genevois, Le Conseil d’Etat et l’interprétation de la loi, RFDA 2002, p. 877 : « face à un texte obscur et ambigu, le juge administratif met en œuvre des règles d’interprétation multiples qui postulent toutes du respect de la volonté du législateur »..

Il en est de l’interprétation d’un PLU comme de celle de la loi.

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References   [ + ]

1. « qu’en application du 3° de l’article R. 123-2 du même code, le rapport de présentation du plan local d’urbanisme ” explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d’aménagement. (…) ” ; qu’il résulte de ces dispositions que, si les indications contenues dans le rapport de présentation d’un plan local d’urbanisme ne sont pas, par elles-mêmes, opposables pour la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, elles peuvent être prises en considération par le juge pour interpréter les dispositions d’un règlement du plan local d’urbanisme, lorsque cette interprétation ne ressort pas clairement de la seule lecture du texte de ces dispositions »
2. « qu’en statuant ainsi, la cour, qui s’est bornée à prendre en considération, sans les rendre opposables, les indications contenues dans le rapport de présentation pour interpréter les dispositions du plan local d’urbanisme dont elle devait faire application, n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit »
3. Raymond Odent, Contentieux administratif, Tome I, p. 348. Voir également l’article de Bruno Genevois, Le Conseil d’Etat et l’interprétation de la loi, RFDA 2002, p. 877 : « face à un texte obscur et ambigu, le juge administratif met en œuvre des règles d’interprétation multiples qui postulent toutes du respect de la volonté du législateur ».

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