Décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 et évaluation environnementale « à la carte » des documents d’urbanisme

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

December 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 23 novembre 2022 Association France nature environnement, req. n° 458455 : mentionné aux tables du recueil Lebon

La possibilité pour la personne publique responsable de ne pas soumettre l’élaboration ou l’évolution d’un document d’urbanisme à évaluation environnementale est-elle contraire au principe d’impartialité ? C’est l’une des questions auxquelles le Conseil d’Etat a dû répondre le 23 novembre 2022.

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, introduit fin 2021 par l’association FNE, il lui était demandé d’annuler certaines dispositions introduites par le décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme et des unités touristiques nouvelle 1)Précisément les articles 2 à 8, et 13 du décret ; étant précisé que la requérante demandait également, avant dire droit, de transmettre à la CJUE une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive du 27 juin 2001 relative à l’évaluation environnementale. , en ce que, notamment, le principe d’impartialité garanti par l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE) et découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) serait méconnu.

Pour rappel, ce décret du 13 octobre 2021, pris dans le cadre de la loi « ASAP » 2)Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique qui a engagé, entre autres, les premières modifications du champ d’application de l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme., a notamment modifié les articles R. 104-33, R. 104-34, R. 104-35 et R. 104-37 du code de l’urbanisme relatifs à l’« examen au cas par cas réalisé par la personne publique responsable » 3)Article 13, 8° du décret..

En application de ces dispositions, lorsque la personne publique responsable de la procédure d’élaboration ou d’évolution d’un plan ou programme 4) A savoir, l’élaboration d’une carte communale, la création ou l’extension d’une unité touristique nouvelle ou l’évolution d’un schéma de cohérence territoriale (SCOT), d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou de la carte communale. décide de ne pas réaliser une évaluation environnementale, elle doit saisir l’autorité environnementale pour avis conforme 5)Article R. 104-33 du code de l’urbanisme..

Or, d’après l’association requérante, cette possibilité méconnaitrait la directive du 27 juin 2001 relative à l’évaluation environnementale 6)Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. , le « principe de clarté et d’intelligibilité de la norme », le « principe de sécurité juridique » et, surtout, le « principe d’impartialité ».

En effet, l’autorité compétente en matière de document d’urbanisme (par exemple une commune pour son PLU) se trouverait chargée, à la fois, de la procédure d’élaboration ou d’évolution de son document d’urbanisme et de déterminer au cas par cas si cette procédure doit conduire, ou non, à la réalisation d’une évaluation environnementale.

Cette configuration pouvait donc interroger sur le caractère impartial d’une telle prise de décision.

Et ce, d’autant plus que si l’autorité environnementale dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception du dossier pour rendre son avis conforme, à l’expiration de ce délai, son avis est réputé favorable.

Pour autant, après avoir rappelé les dispositions pertinentes de la directive du 27 juin 2001 et des articles R. 104-33 à R. 104-37 du code de l’urbanisme, la Haute juridiction a considéré que :

« […] D’une part, la saisine pour avis conforme de l’autorité environnementale implique qu’en toute hypothèse l’évolution ou l’élaboration d’un document d’urbanisme ne pourra être dispensée de la réalisation d’une évaluation environnementale si cette autorité s’y oppose. D’autre part, si au terme d’un délai de deux mois à compter de sa saisine, l’autorité environnementale est réputée avoir rendu un avis favorable tacite à la solution envisagée par la personne publique responsable, cette dernière doit rendre une décision expresse motivée, exposant les raisons pour lesquelles une évaluation n’a pas été regardée comme nécessaire. […] » 7)Point 17 de la décision.

Dans ces conditions, elle a ainsi pu affirmer, avant de rejeter le recours de l’association, que :

« Eu égard aux garanties entourant ainsi les conditions dans lesquelles une personne publique responsable est susceptible de retenir qu’il n’y a pas lieu de soumettre l’élaboration ou l’évolution d’un document d’urbanisme à la réalisation d’une évaluation environnementale, les dispositions du décret attaqué ne sauraient être regardées comme méconnaissant les exigences de la directive du 27 juin 2001 précitée, ni le principe d’impartialité. »

Enfin, cette décision du 23 novembre 2022, est également l’occasion, pour le Conseil d’Etat, de rappeler que l’abrogation totale ou partielle des documents d’urbanisme entre également dans le champ d’application de l’évaluation environnementale :

« […] les modalités de l’évaluation environnementale applicables aux procédures d’élaboration de ces documents d’urbanisme doivent être regardées comme applicables aux procédures relatives à leur abrogation totale, et les modalités de l’évaluation environnementale applicables aux procédures de révision ou de modification de ces documents doivent être regardées comme applicables aux procédures relatives à leur abrogation partielle selon que cette abrogation partielle peut être assimilée à une révision ou une modification, en vertu des dispositions applicables définissant le champ d’application de ces procédures » 8)Points 5 et 6 de la décision, non mentionnés aux tables..

 

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1. Précisément les articles 2 à 8, et 13 du décret ; étant précisé que la requérante demandait également, avant dire droit, de transmettre à la CJUE une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive du 27 juin 2001 relative à l’évaluation environnementale.
2. Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique qui a engagé, entre autres, les premières modifications du champ d’application de l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme.
3. Article 13, 8° du décret.
4. A savoir, l’élaboration d’une carte communale, la création ou l’extension d’une unité touristique nouvelle ou l’évolution d’un schéma de cohérence territoriale (SCOT), d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou de la carte communale.
5. Article R. 104-33 du code de l’urbanisme.
6. Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.
7. Point 17 de la décision.
8. Points 5 et 6 de la décision, non mentionnés aux tables.

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