Ferme dite « des 1000 vaches » : le silence du préfet suite à une demande de modification d’exploitation d’un élevage autorisé au titre des installations classées vaut décision implicite de rejet

Catégorie

Environnement

Date

October 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 23 septembre 2021, req. n° 437748 : mentionné aux tables du Rec. CE

Par un arrêté du 1er février 2013, le préfet de la Somme a autorisé la société civile d’exploitation agricole (SCEA) Côte de la Justice à exploiter un élevage de 500 vaches laitières associé à une unité de méthanisation de 1,338 MW électriques, sur le territoire des communes de Buigny-Saint-Maclou et de Drucat (Somme).

Par un dossier, enregistré le 16 mars 2015, la SCEA Côte de la Justice a porté à la connaissance du préfet qu’elle projetait de regrouper plusieurs élevages sur le site pour atteindre un total de 880 vaches laitières, en application de l’article R. 515-53 du code de l’environnement en vigueur au moment des faits et aujourd’hui abrogé.

A la suite d’une inspection du site, le 9 juin 2015, constatant que l’exploitant avait porté son cheptel à 796 vaches, le préfet de la Somme a, par un arrêté du 1er juillet 2015, mis en demeure la société, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, de mettre en conformité les effectifs du cheptel avec les dispositions de l’arrêté préfectoral du 1er février 2013.

Par deux arrêtés du 28 août 2015, le préfet de la Somme a alors infligé à la société une amende assortie d’astreinte puis émis plusieurs titres de perception pour recouvrer les sommes dues.

Par un jugement 1)N°1502616. du 29 juin 2017, le tribunal administratif d’Amiens a annulé les décisions précitées.

A la suite de l’annulation de ce jugement par la cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt 2)17DA01732. du 19 décembre 2019, la société exploitante a formé un pourvoi en cassation.

La société requérante soutenait que, en application du principe selon lequel le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative vaut décision d’acceptation 3)En application de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors en vigueur et désormais repris à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration., la cour avait commis une erreur de droit en considérant que le silence gardé pendant deux mois par le préfet sur sa demande de délivrance d’une autorisation de regroupement n’avait pas fait naître une décision implicite d’acceptation.

A cet égard, il convient de rappeler que l’exploitant qui envisage une modification des conditions d’exploitation doit, en vertu des dispositions de l’article R. 515-53 du code de l’environnement, alors en vigueur, porter ce projet, ainsi que ses caractéristiques, à la connaissance du préfet avant sa mise en œuvre.

Si le préfet estime, après avis de l’inspection des installations classées, que le projet est de nature à entraîner une modification substantielle de l’installation autorisée, « il invite l’exploitant à déposer une nouvelle demande d’autorisation » qui doit faire l’objet de l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-1 du même code.

Dans le cas contraire, il lui appartient de prendre un arrêté complémentaire afin de modifier l’autorisation existante et, le cas échéant, de fixer les prescriptions additionnelles rendues nécessaires par les modifications apportées 4)Si cet article n’est aujourd’hui plus en vigueur, son mécanisme a toutefois été conservé avec l’autorisation environnementale. En effet, l’article L. 181-14 du code de l’environnement prévoit désormais que, lorsque des activités, installations, ouvrages ou travaux bénéficiant d’une autorisation environnementale doivent faire l’objet d’une modification, celle-ci doit faire l’objet d’une nouvelle autorisation si elle est qualifiée de « substantielle », ou être portée à la connaissance du préfet lorsqu’elle est qualifiée de « notable ». Le préfet, saisi d’un porter à connaissance, peut alors, comme précédemment, estimer que la modification doit être qualifiée de substantielle et demander à l’exploitant de déposer une nouvelle demande d’autorisation environnementale..

Le Conseil d’Etat devait donc déterminer si le silence gardé par le préfet, après que la SCEA Côte de la Justice ait porté à la connaissance du préfet qu’elle projetait de modifier les conditions d’exploitation de son élevage, devait être regardé comme une acceptation en application de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors en vigueur, ou bien comme une décision de refus au titre des exceptions à ce principe.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat, après avoir souligné que la procédure du « porter à connaissance » prévue à l’ancien article R. 515-53 du code de l’environnement doit dans son ensemble être regardée « comme constituant une demande de modification des conditions d’exploitation d’une installation classée au sens de l’article 18 de la loi du 12 avril 2000 […], désormais repris à l’article L. 110-1 du code des relations entre le public et l’administration » 5)« Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l’administration »., condition sine qua non à l’application du principe « silence vaut acceptation », rappelle que les dispositions du tableau annexé à l’article 1er du décret n° 2014-1273 du 30 octobre 2014 précisent que les demandes d’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental ne sont pas soumises au principe du « silence vaut acceptation ».

Ensuite, comme l’indique la Haute Assemblée, il résulte du I de l’ancien article R. 515-53 du code de l’environnement, que si le préfet estime, après avis de l’inspection des installations classées, que le projet de regroupement, objet de la demande ainsi formée par l’exploitant, est de nature à entraîner une modification substantielle de l’installation, il invite l’exploitant à déposer une nouvelle demande d’autorisation dans les conditions prévues au deuxième alinéa du II de l’article R. 512-33 alors en vigueur.

En conséquence, le Conseil d’Etat en conclut que « la demande ainsi formée par l’exploitant, dès lors qu’elle est susceptible de rendre nécessaire le dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation devant faire l’objet de l’étude d’impact préalable prévue à l’article L. 122-1 du code de l’environnement, relève des exceptions à l’application du principe selon lequel le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative vaut décision d’acceptation ».

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat confirme l’analyse de la cour, écarte le moyen d’erreur de droit et rejette le pourvoi.

 

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References   [ + ]

1. N°1502616.
2. 17DA01732.
3. En application de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors en vigueur et désormais repris à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration.
4. Si cet article n’est aujourd’hui plus en vigueur, son mécanisme a toutefois été conservé avec l’autorisation environnementale. En effet, l’article L. 181-14 du code de l’environnement prévoit désormais que, lorsque des activités, installations, ouvrages ou travaux bénéficiant d’une autorisation environnementale doivent faire l’objet d’une modification, celle-ci doit faire l’objet d’une nouvelle autorisation si elle est qualifiée de « substantielle », ou être portée à la connaissance du préfet lorsqu’elle est qualifiée de « notable ». Le préfet, saisi d’un porter à connaissance, peut alors, comme précédemment, estimer que la modification doit être qualifiée de substantielle et demander à l’exploitant de déposer une nouvelle demande d’autorisation environnementale.
5. « Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l’administration ».

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