ICPE soumise à déclaration : la preuve de dépôt électronique peut fait l’objet d’un recours des tiers au même titre que l’ancien récépissé de dépôt !

Catégorie

Environnement

Date

September 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE Avis 15 septembre 2022, req. n° 463612

Dans un avis en date du 15 septembre 2022, le Conseil d’Etat répond à la question de savoir si la dématérialisation de la procédure de déclaration des installations classées prévue par le décret n° 2015-1614 du 9 décembre 2015 1)Décret n° 2015-1614 du 9 décembre 2015 modifiant et simplifiant le régime des installations classées pour la protection de l’environnement et relatif à la prévention des risques a eu pour effet de modifier les modalités de recours des tiers et les conditions de fond auxquelles est subordonnée la délivrance du récépissé par le préfet.

Antérieurement à ce décret, le dépôt de la déclaration ICPE était suivi de la délivrance d’un récépissé que le préfet était tenu de délivrer dès lors que le dossier était régulier et complet (CE 23 mars 1990, req. n° 62644 ; CE 10 janvier 2011, req. n° 317994). Le préfet communiquait alors au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l’installation ou, le cas échéant, lui indiquait que l’installation n’était pas comprise dans le champ de la déclaration ou, si nécessaire, l’invitait à régulariser ou à compléter sa déclaration (anciens articles R. 512-48 et R. 512-49 C. Env.). Une copie de ce récépissé était ensuite affichée pendant un mois minimum en mairie ou, à Paris, au commissariat de police (R. 512-49 anc. C. Env). Ce récépissé était identifié comme un acte administratif faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours des tiers (CE 10 juillet 1987, req. n° 72062), sans que puisse néanmoins être invoqués à son encontre des moyens tenant aux inconvénients potentiels pouvant naître du fonctionnement de l’ICPE (CE 7 novembre 1984, req. n° 41987 ; CE 12 mai 1985, req. n° 26550).

Pour mettre fin à une saturation des services préfectoraux et à des délais de délivrance de ce récépissé parfois excessifs, le décret du 9 décembre 2015 précité a rendu obligatoire la télé-déclaration et a substitué au récépissé de déclaration une « preuve de dépôt de la déclaration » délivrée immédiatement et automatiquement par voie électronique (R. 512-48 C. Env.).

S’est alors posée la question de savoir si cette automatisation de la délivrance de la preuve de dépôt remettait en cause la faculté pour les tiers d’intenter un recours contre cette dernière. Certains juges du fond ont notamment considéré que cette automatisation dépouillait le préfet de tout pouvoir d’appréciation quant au caractère complet et régulier du dossier de déclaration, rendant ainsi sans objet tout recours à l’encontre de la preuve de dépôt, faute de véritable décision à contester 2)TA Marseille 27 juin 2019, M. Voisin et a., n°1706013. A l’inverse d’autres juridictions continuaient d’appliquer les solutions dégagées pour le récépissé 3)TA Lyon 14 mars 2019, M. et Mme Vincent et a., req. n° 1705034 ; TA Rennes 11 février 2021, Commune de Monterblanc, req. n° 1802286 ; TA Pau 7 avril 2021, M. C… et a., req. n° 1802508.

Tranchant la question, le Conseil d’Etat considère dans son avis que le décret n°2015-1614 n’a modifié ni la nature ni la portée de la déclaration d’une ICPE.

La délivrance par voie électronique de la preuve de dépôt de la déclaration continue de conditionner la mise en service de l’installation par le déclarant (R. 512-48 C. Env). Comme le relève le rapporteur public sur ce point « la preuve du dépôt constitue donc, en tant qu’elle conditionne le commencement d’exploitation, un acte créateur de droit et susceptible de faire grief » 4)Conclusions de monsieur Nicolas Agnoux . Par ailleurs, la haute juridiction relève que les nouvelles dispositions du code de l’environnement prévoient que la preuve de dépôt électronique fait l’objet d’une publicité sur le site internet de la préfecture (R. 512-49 C. Env.). Elle est donc portée à la connaissance des tiers.

Par conséquent, le Conseil d’Etat transpose sa jurisprudence antérieure, en considérant que « la preuve de dépôt d’une déclaration d’une installation classée pour la protection de l’environnement prévue à l’article R. 512-48 du code de l’environnement est constitutive d’une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant les juridictions administratives par application des articles L. 512-8 et L. 514-6 du code de l’environnement ».

En outre, et alors que la question qui lui était posée ne portait pas directement sur ce point, le Conseil d’Etat, sur la proposition de son rapporteur public, en profite pour confirmer que « le préfet est tenu de délivrer la preuve de dépôt dès lors que le dossier de déclaration est régulier et complet et que l’installation pour laquelle est déposée la déclaration relève bien de ce régime ». A en suivre les conclusions sur cet avis, les requérants pourront donc continuer d’invoquer à l’encontre de ce récépissé les moyens tirés du caractère incomplet ou irrégulier du dossier de déclaration.

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References   [ + ]

1. Décret n° 2015-1614 du 9 décembre 2015 modifiant et simplifiant le régime des installations classées pour la protection de l’environnement et relatif à la prévention des risques
2. TA Marseille 27 juin 2019, M. Voisin et a., n°1706013
3. TA Lyon 14 mars 2019, M. et Mme Vincent et a., req. n° 1705034 ; TA Rennes 11 février 2021, Commune de Monterblanc, req. n° 1802286 ; TA Pau 7 avril 2021, M. C… et a., req. n° 1802508
4. Conclusions de monsieur Nicolas Agnoux

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