Incidences de l’illégalité d’un PLU sur un permis de construire délivré sur son fondement : touché-coulé ? raté !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2024

Temps de lecture

3 minutes

CE 5 avril 2024 Syndicat des copropriétaires du 78 allée des Demoiselles, req. n° 466748 : mentionné aux Tab. Rec. CE.

A la suite du rapport Maugüé, le législateur a introduit dans le code de l’urbanisme un article L. 600-12-1 disposant que :

« L’annulation ou la déclaration d’illégalité (…) d’un plan local d’urbanisme (…) sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol ou à l’occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet (…) ».

Ces dispositions avaient pour but d’ « inscrire une règle dans le code de l’urbanisme pour couper l’effet de l’illégalité du PLU lorsque cette illégalité n’a pas d’incidence sur la réglementation applicable à la zone du permis » (Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace, p. 31).

Dans un premier temps saisi pour avis dans le cadre de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat avait déterminé la manière dont ces dispositions devaient être appliquées :

« Il résulte de l’article L. 600-12-1 que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document local d’urbanisme n’entraîne pas l’illégalité des autorisations d’urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d’illégalité repose sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d’un moyen tiré de l’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, de vérifier d’abord si l’un au moins des motifs d’illégalité du document local d’urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation d’urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s’il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s’il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger » (CE Section avis 2 octobre 2020 SCI du Petit Bois, n° 436934 : Publié au Rec. CE.).

Dans sa décision du 5 avril 2024, le Conseil d’Etat apporte d’importantes précisions sur les incidences de l’annulation d’un PLU, en l’occurrence le PLUi-H de Toulouse Métropole, sur la légalité d’un permis délivré sur son fondement, mais également le contrôle exercé par le juge de cassation en la matière.

1          Le contrôle exercé par le juge de cassation

C’est ici le principal apport de la décision commentée dans la mesure où c’est sur ce point qu’elle a été fichée.

Ainsi, saisi d’un moyen tiré de l’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, le Conseil d’Etat en tant que juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur le point de savoir si le vice, de légalité externe ou interne, doit être regardé comme étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet contesté.

Il résulte par ailleurs de la décision commentée qu’en ce qui concerne spécifiquement le vice de légalité externe d’un document d’urbanisme, les juges du fond apprécient souverainement, sous réserve de dénaturation, si le vice de légalité externe invoqué a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet.

2          La détermination du « motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet »

L’affaire jugée par le Conseil d’Etat est ici particulièrement instructive dans la mesure où il était saisi de deux moyens tirés de l’illégalité du PLUi-H, un relevant de la légalité externe, l’autre de l’interne.

Le moyen de légalité externe ayant fondé l’annulation totale du PLUi-H portait sur l’insuffisance substantielle du rapport de présentation au regard des exigences de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme, dès lors que le diagnostic qu’il dressait de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l’approbation du projet de plan reposait sur des données significativement surévaluées.

S’agissant d’un moyen de légalité externe, le principe veut qu’il est étranger aux règles applicables au projet.

Le Conseil d’Etat le confirme au cas présent en indiquant au surplus qu’il n’a pu être de nature à exercer une influence directe sur les règles d’urbanisme applicables au projet.

Cela est logique dans la mesure où le terrain du projet « est situé dans une partie urbanisée de très longue date » et que l’illégalité externe « affecte essentiellement le classement des parcelles, auparavant situées dans ces zones [naturelles, agricoles, forestières], que le nouveau plan a intégrées en zone urbaine », ce qui n’était pas le cas du terrain litigieux (cf. concl. F. Roussel prononcées sur cette décision).

Le moyen de légalité interne portait quant à lui sur l’insuffisante justification des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain, entrainant une consommation excessive d’espace.

Le Conseil d’Etat juge que compte tenu de la nature du terrain concerné, à savoir une parcelle déjà bâtie et située en zone urbaine de l’ancien comme du nouveau plan, l’illégalité concernait un objectif du plan d’aménagement et de développement durable sans rapport direct avec les règles applicables au projet et devait ainsi être regardé comme étrangère aux règles applicables au projet.

Cette décision permet de vérifier en pratique l’effet stabilisateur des dispositions de l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme.

 

 

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