Invocabilité du moyen tiré du défaut de mention d’un mémoire communiqué postérieurement à la clôture d’instruction

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

May 2024

Temps de lecture

3 minutes

CE 30 avril 2024 M. et Mme C., n° 465829 : Mentionné aux Tables du Rec. CE

A l’occasion d’un recours contre une délibération approuvant un plan local de l’urbanisme, les requérants ont soulevé devant le Conseil d’Etat un moyen tenant à l’absence de mention dans l’arrêt de la cour administrative d’appel attaqué du mémoire produit par les défendeurs postérieurement à la clôture de l’instruction.

Rappelons qu’aux termes de l’article R. 613-3 du code de justice administrative, les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l’instruction.

Cette disposition avait été introduite en vue d’une mise en conformité avec la jurisprudence constante du Conseil d’Etat en ce sens 1)CE 12 juillet 2002 M. et Mme X., req. n° 236125 : Publié au Rec. CE ; CE 5 décembre 2012 Lassus, req. n° 340943 : Publié au Rec. CE.. A cet égard, rappelons que le juge administratif qui réceptionne une production postérieurement à la clôture de l’instruction qu’il a fixée a la faculté de rouvrir l’instruction et de soumettre la production tardive au débat.

Il a toutefois, à peine d’irrégularité de sa décision, l’obligation de tenir compte de la production lorsque celle-ci contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont il n’était pas possible de faire état avant la clôture d’instruction et que cette circonstance de fait ou cet élément de droit est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire 2)Voir en ce sens CE 5 décembre 2012 Lassus, req. n° 340943 précitée ; et pour une application plus récente dans le cadre d’un contentieux relatif à un permis de construire : CE 1er juillet 2019 M. C…K… et autres, req. n° 418110 : Mentionné aux Tables du Rec. CE commenté sur notre blog..

Dans tous les cas, il appartient au juge de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et s’il décide de ne pas rouvrir l’instruction, il doit se borner à viser la production sans l’analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d’irrégularité 3)CE 6 novembre 2013 Mme A, req. n° 351194 : Mentionné aux Tables du Rec. CE..

Il est donc possible d’invoquer un moyen tenant à l’irrégularité d’une décision de justice en raison du défaut de mention d’une production communiquée postérieurement à la clôture de l’instruction. Toutefois, dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat est venu apporter une précision quant à la partie pouvant utilement invoquer un tel moyen.

La Haute juridiction a ainsi jugé que :

« Devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viserEu égard à l’objet de l’obligation ainsi prescrite, qui est de permettre à l’auteur de la production de s’assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu’un mémoire produit postérieurement à la clôture de l’instruction n’a pas été mentionné dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester la décision rendue que par la partie qui a produit ce mémoire ».

Ainsi, c’est en toute logique que le Conseil d’Etat a considéré que seule la partie susceptible d’être lésée par l’absence de prise de connaissance par le juge de sa production peut utilement soulever une telle irrégularité.

Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs déjà jugé, suivant ce même raisonnement, que la circonstance qu’une note en délibéré n’a pas été mentionnée dans une décision de justice 4)Conformément à l’article R. 741-2 du code de justice administrative ne peut être utilement invoquée que par la partie qui a produit cette note 5)CE 2 décembre 2015 M. et Mme C., req. n° 382641 : Mentionné aux Tables du Rec. CE..

 

 

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References   [ + ]

1. CE 12 juillet 2002 M. et Mme X., req. n° 236125 : Publié au Rec. CE ; CE 5 décembre 2012 Lassus, req. n° 340943 : Publié au Rec. CE.
2. Voir en ce sens CE 5 décembre 2012 Lassus, req. n° 340943 précitée ; et pour une application plus récente dans le cadre d’un contentieux relatif à un permis de construire : CE 1er juillet 2019 M. C…K… et autres, req. n° 418110 : Mentionné aux Tables du Rec. CE commenté sur notre blog.
3. CE 6 novembre 2013 Mme A, req. n° 351194 : Mentionné aux Tables du Rec. CE.
4. Conformément à l’article R. 741-2 du code de justice administrative
5. CE 2 décembre 2015 M. et Mme C., req. n° 382641 : Mentionné aux Tables du Rec. CE.

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